IX

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Nick ne comprenait pas pourquoi le malheur s'attaquait toujours à lui. Il a vu sa mère mourir, ça aurait pu être lui à sa place après tout ; il était libéré d'elle, un calvaire disparaissant presque du jour au lendemain, mais apparemment, la vie ne voulait pas lui laisser de répit, et le laisser vivre tranquillement. Il fallait toujours que quelque chose de nouveau, et bien évidemment d'horrible à supporter lui arrive.

Toute la journée, il s'était senti mal, il avait eu un poids sur le cœur complètement insupportable, et d'ailleurs, il ne savait pas comment il avait fait pour tenir toutes ces heures avec cette sensation désagréable qui se dégageait dans tout son corps. Il ne savait pas comment il avait fait pour ne pas craquer.

C'était la première fois que Kyle n'avait pas remarqué son mal-être. À vrai dire, il pensait que tout allait mieux, à présent ; du moins, pas la totalité, mais une bonne partie. Il s'était promis de le protéger, mais depuis qu'il avait rencontré Pirmin, il en était presque obsédé. Il était presque devenu un dieu vivant pour lui. Il ne pouvait s'empêcher de le regarder sous les moindres détails, et pensait même à faire le premier pas dans peu de temps ; parce qu'il sentait quelque chose entre eux, il savait qu'il ne laissait pas l'asiatique indifférent. Mais ce n'était que physique pour tous les deux. Aucun sentiment de rougeurs, de cœur qui battait la chamade ne surgissait quand ils se voyaient.

Non, ce n'était pas de l'amour entre eux ; juste un désir de se découvrir, car ils étaient dans la puberté malgré tout, et ils étaient tous deux de charmants garçons, alors pourquoi ne pas en profiter avant qu'il ne soit trop tard...

Pourtant, Kyle ressentait tout ce que l'amour procurait quand il voyait Nick. Mais il décidait de l'ignorer ; il avait rencontré Pirmin, et il semblait être la seule personne "importante" à ses yeux à présent.

Sur le chemin du retour, le blond ne faisait que parler de la personne qu'il venait de rencontrer ; le brun s'en fichait complètement, presque dans un autre monde à ce moment. En vérité, il ne voulait juste ne pas en entendre parler, il ne voulait pas qu'après une journée à subir ces extases, cela continue même quand il n'est pas là.

« J'ai quelque chose à faire pour les cours, » dit-il assez froidement quand ils rentrèrent dans la demeure de Kyle. « Je préfère faire ça seul... Et au calme. C'est pas contre toi, oh je sais à quel point Pirmin est beau, et je t'avais jamais vu aussi bavard, mais là, j'ai besoin d'être tranquille.
-T'inquiètes, je comprends ! » s'exclama-t-il en riant de façon légèrement nerveuse, n'ayant même pas remarqué que Nick était vraiment vexé qu'il soit comme cela envers l'asiatique ; il pensait juste qu'il avait dit cela pour plaisanter. « Je te laisse faire ton boulot, t'inquiètes pas pour ça... Moi, je retourne dans ma chambre. »

Le blond lui adressa un grand sourire avant de monter dans sa pièce, tandis que le brun le lui avait rendu de manière forcée.

La seule pièce qu'il avait retenue jusqu'alors, exceptée celle de Kyle, était la cuisine. Son père ne le connaissait pas, et n'en avait rien à faire qu'il soit chez eux ; il pouvait faire ce que bon lui semblait, tant qu'il ne perturbait pas leurs affaires -- même si au fond de lui, il pensait vraiment qu'il ressemblait à un clochard. Il s'était alors précipité dans celle-ci quand le blond fut hors de vue, et saisit un couteau, un couteau qu'il jugea assez tranchant, et qui l'aiderait suffisamment à extérioriser cette douleur.

Il y avait comme une sorte de penderie, juste à côté de la cuisine. Cela devait être celle des parents de Kyle. De toute façon, ce genre de pièces n'étaient utilisées que le matin ; personne ne le surprendrait là dedans, car personne n'y ira. Alors, il décida de s'y enfermer ; la porte avait un simple verrou.

Il s'assit par terre. Et souffla. Il souffla longuement, inspirait et expirait de la même manière, comme s'il apprenait à respirer. Il essayait de se vider l'esprit, de ne plus penser à rien. Toutes les émotions qu'il pouvait ressentir disparaissaient petit à petit ; et tout ce qu'il restait en lui, c'était cette douleur. C'était le but de ce qu'il venait de faire ; qu'il ne ressente que la souffrance, une souffrance qu'il endurait depuis des jours, des semaines, à aimer quelqu'un d'inaccessible. En concentrant toute cette douleur dans son être, ce qu'il allait faire ensuite aller le faire s'évaporer.

Il donna un premier coup. Un coup bref, mais profond. Quelques gouttes de ce liquide rouge coulèrent le long de son bras. Il sourit. Cette sensation du sang qui coulait le long de sa chair était quelque chose d'étrangement satisfaisant. L'idée de souffrir encore plus, l'aidait à se libérer. Alors il en donna un deuxième, puis un troisième, et ainsi de suite. Tous devenaient plus brefs, plus rapides ; mais ils devenaient aussi plus profonds et plus tranchants. Par la même occasion, ses cicatrices se rouvraient. Et alors, son bras droit n'était à présent que du rouge, et ce liquide tombait même sur le sol. Ses coupures se voyaient à peine dans tout ce sang.

Il pleurait. Il pleurait à chaudes larmes, des larmes qu'il n'arrivait pas à contrôler. Elles coulaient d'elles mêmes, le long de ses joues, et étaient alors bien plus froides que cette substance rouge écarlate qui peignait son bras. Une goutte tomba dans ce foutoir. Elle l'éclaircit pendant quelques secondes ; mais le sang, ne s'arrêtant pas de couler, prenait le dessus.

Il n'était pas complètement libéré, il le savait. Et il prit alors le couteau dans son autre main, et fit exactement la même chose que sur son bras droit. Il se fit souffrir, en continuant de pleurer, et ne pouvait s'empêcher de sangloter, et hurlait presque au désespoir tout en faisant cela ; mais la pièce était si bien isolée que personne ne l'entendait.

« Pourquoi Kyle, pourquoi... » dit-il entre quelques sanglots, parler étant pour lui quelque chose de presque impossible, tellement tant de choses se bousculaient dans ses pensées. « Je t'aime, et toi, tu vois rien... Je suis qu'une merde... Après tout... Je mérite ça... »

Au bout d'un certain moment, il arrêta. Il souffrait encore, mais la plus grosse partie s'était envolée, évaporée dans ce liquide qui décorait ses bras. Ses larmes s'étaient presque creusées dans ses joues. Pourtant, il continuait de pleurer, et on aurait pu croire qu'il était en train d'agoniser. A ce moment-là, en voyant l'état pitoyable dans lequel il était, il se disait que rien n'avait grandement changé de sa situation qu'il avait lorsqu'il était encore dans son taudis. Il avait juste l'impression de revivre une de ces choses qu'il faisait tous les soirs ; sauf que cette fois-ci, la raison était juste différente, et le décor l'était aussi.

Il n'y avait personne en vu quand il sortit de la penderie. Il y avait quelques gouttes de sang qui décoraient celle-ci, mais il n'y avait même pas fait attention. Ses parents n'étaient pas très à cheval sur la propreté, ils ne s'en rendront sûrement pas compte.

Il passa simplement de l'eau sur ses bras. Cela lui piquait, lui lançait dans toute cette partie du corps, lui faisait extrêmement mal, mais après l'heure éprouvante qu'il venait de passer, s'il continuait de souffrir ainsi, cela ne le dérangeait pas.

Un gilet à lui traînait sur une chaise du salon. Il ne savait pas comment il avait atterri là, sachant que ses affaires n'avaient pas quitté sa valise. Mais il le mit simplement pour cacher ses marques qui étaient extrêmement voyantes, et il ne voulait pas que Kyle lui pose un tas de questions. Il préférait même encore plus l'entendre parler de Pirmin, cette fois-ci.

Mais bordel, est-ce qu'il allait être heureux un jour ?

Ardeur Sentimentale - [FR]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant