Prologue

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J'étais assise face à ma mère autour de la petite table ronde de la cuisine. Elle avait les mains liées sur la table, tandis que je m'inquiétais de ce que ma mère s'apprêtait à me dire.

- Ella, tu es très jeune, mais tu comprendras plus tard que ce que je vais faire est pour ton bien. Tu sais que j'ai perdu mon travail il y a deux ans ?

- Oui maman, répondis-je simplement, me concentrant sur chacun de ses mots.

-Eh bien, ce sera plus facile pour moi de vivre si je suis seule. Une agence pour orphelins viendra te chercher ce soir. Tu as toute la journée pour faire tes affaires. Bien sur, je vais t'aider, déclara finalement ma mère et je me contentai d'acquiescer.

Âgée de seulement sept ans, je ne réalisais évidemment pas ce qui m'arrivait. Mais dix ans étaient passés et maintenant j'avais l'âge de comprendre. Le jour où je l'ai compris, ça m'a parut comme une évidence. Puis j'ai commencé à ressentir de la haine envers mes parents. Mon père était partit et ma mère m'avait abandonnée. Je leur en voulais plus que tout au monde. Je n'ai jamais eût de nouvelles d'eux, et c'est tant mieux ; je n'en voulais pas.

***

Je suis maintenant assise à table avec la famille qui avait accepté de m'héberger pendant quelques temps. Oui, parce que depuis mes sept ans, j'ai très souvent changé de famille, en général deux à trois fois par an. Je pensais qu'ils devaient sûrement en avoir marre de moi, comme mes parents. Je pensais que personne ne m'aimait et j'avais beau me demander pourquoi, la réponse était toujours inexistante.

Aujourd'hui, c'est mon anniversaire, mais personne ne me l'a souhaité. Je ne sais même pas si ils sont au courant. Tout comme mon passé. Je n'ai jamais rien dit à personne. Ni à propos de mes souffrances, ni à propos de mes problèmes. Durant toutes ses années, je m'étais renfermée sur moi-même.

- Tu ne manges pas ? Il faut que tu prenne des forces, s'inquiéta ma mère adoptive.

- Je pourrai manger un peu plus tard ? Questionai-je.

-Bien sur.

Je souris faiblement et sortis de table. J'enfilai mes bottes, mon manteau et mon bonnet à cause de la neige de l'hiver. Mais j'avais besoin de sortir, pour respirer l'air frais de la ville. Des guirlandes décoraient des lampadaires éclairés pour la nuit, des vieux couples parlaient, assis sur des bancs et des flocons de neige tombaient du ciel. Je m'y sentais bien. Encore mieux que dans la maison chaude, étouffante et sombre de ma famille provisoire.

Un jeune homme qui courait en rigolant, poursuivit de sa copine -probablement, vu la façon dont il la regardait-, me bouscula et je tombai à terre. Il s'avança doucement vers moi en souriant. La fille nous rejoignis, mais elle en rigolant. Elle devait être heureuse.

- Excuse-moi, tu vas bien ? Je t'ai pas fait mal ? Me demanda-t-il gentilement. J'en fus presque choquée. Il posa sa main sur mon épaule mais prise par la peur, je me levai en vitesse et hochai la tête.

- N'aie pas peur, qu'est-ce qu'il t'arrive ?

- Je-je n'ai pas peur, bégayai-je. Il doit penser que je suis une idiote. Il ria.

- C'est bientôt Noël, pourquoi tu n'es pas heureuse ?

- Si... Si, je le suis.

- Je ne te crois pas.

- Oh et puis ? Qu'est-ce que ça peut te faire ? M'exaspérai-je.

J'avais prononcé cette phrase avec un ton tellement sec que je regrettai mes paroles immédiatement. Est-ce qu'il va me faire du mal à cause de ça ? Une larme coula silencieusement sur ma joue. Cela faisait bien quelques mois que je n'avais pas pleuré. Ce garçon est réellement étrange... Voilà que je me retrouve en train de pleurer pour lui.

- Eh mais ne pleures pas ! Je voulais pas... Excuse-moi, encore.

Sa copine avait l'air de s'impatienter et je me sentis mal pour elle.

- Tu n'y es pour rien, ne t'inquiète pas.

- Alors qui ?

- Je n'ai jamais rien dit à personne. Ne crois pas que tu vas être le premier.

Elle lâcha sa main et partit en lui soufflant quelques mots que je ne pus entendre.

- Ok, lui répondit-il simplement. Comme tu veux, cette fois-ci il s'adressait à moi.

En fait, je ne savais pas comment gérer la situation. Jamais quelqu'un ne m'avais demandé pardon lorsque l'on m'a bousculé ou ne s'était intéressé à moi de la façon dont il l'a fait.

- Tu as quel âge ? Sourit-il.

Je ne sais pas pourquoi, mais son sourire me réchauffe. Il est... beau.

- J'ai eût dix-sept ans aujourd'hui.

- Mais c'est génial ! Bon anniversaire alors !

Son sourire s'était agrandit. Je levai instinctivement la tête vers lui et lui souris également. Un vrai sourire, depuis tellement longtemps. Ce garçon est spécial, ça je le savais. Mais à quoi bon continuer de lui parler, puisque demain il m'aura sûrement oublié ?

- Merci ! Et toi ? Quel âge as-tu ?

- Bientôt dix-huit ans. Tu t'appelles comment ?

- El... Ella, et toi ?

- Jay. Enfin, théoriquement, c'est Jayden, ria-t-il. Mais je préfère Jay.

- J'aime bien.

- J'aime bien le tiens aussi !

Un long silence s'installa, ce qui nous rendit tous les deux mal à l'aise.

- Tu as un numéro de téléphone ? S'empressa-t-il de demandé.

- ...Non.

- Pourquoi ? Il fronça ses sourcils.

- Euh... Je-je dois te laisser. C'était sympa d'avoir fait ta connaissance ! Souris-je vite fait.

Je partis en courant vers la maison où j'habitais, me dégonflant. J'en avais marre de me mettre dans des situations embarrassantes. Je n'ai pas de portable, tout simplement car aucune famille pense ne pas avoir assez d'argent pour m'en acheter un. Et puis je n'ai tout simplement pas d'ami. Je prends des cours sur le net. C'est tout aussi bien.

"J'ai tout fait foiré, comme d'habitude !" me répétai-je à moi même. Je donnai un coup de pied dans la neige. J'avais mal partout. Mon corps était fragile. Trop fragile visiblement.

J'entrai à l'intérieur de la maison, pris discrètement mon plat et le donnai au chien. Pour une fois qu'une des mes familles a un chien, autant en profiter. Ensuite, je montai direction ma chambre en enlevant mes chaussures, mon manteau et mon bonnet en essayant de faire le moins de bruit possible. Il devait être vingt-deux heures et tout le monde devrait être au lit.

Je finis de me déshabiller dans ma chambre et me retrouvai face à face avec un miroir. Face à face avec mon corps. Je le détestais. Pourquoi ? Eh bien pour la simple et bonne raison que les ématomes autour de mes poignet et mes trois cicatrices n'étaient pas partis. Une cicatrice était positionnée dans ma nuque -raison pour laquelle je ne m'attachai jamais les cheveux-, une autre était sous mon sein gauche, et l'autre vers mon bassin.

J'ai déjà eût deux côtes cassées quand j'étais petite, à cause de mon père. Qui s'est lâchement enfuit lorsque je n'avais seulement quatre ans.

Ne voulant pas faire revenir les émotions et les souvenirs de mon passé, je passai un tee-shirt au tour de mon corps et je m'allongeai dans mon lit suffisamment confortable.

Highway to Hell → TerminéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant