Chapitre 11

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Solitude programmée


Réveil : 7h00, passage par la douche puis petit-déjeuner. Départ : 7h55 pour arriver à 8h15 à la FAC. Direction la bibliothèque. Y rester pour étudier jusqu'à 12h30, soit plus de quatre heures à compulser des informations, à annoter des photocopies, à compléter des fiches. Après un repas froid préparé chez lui et mangé dehors sur un banc, puisque le temps était encore clément pour la saison, et que la BCU interdisait de consommer de la nourriture à l'intérieur du bâtiment – Tom irait dans sa voiture quand l'hiver viendrait – retour à la bibliothèque pour deux heures de plus.

Se faire discret, manger loin de l'agitation pour ne pas se laisser distraire ; un seul écart avait suffi à ruiner ses espérances. Cela ne recommencerait pas ! Il se le promettait. De ce fait, il évitait les lieux trop fréquentés – le restoU, c'était compromis. À la bibliothèque, il avait peu de chance d'y trouver Manon : il avait fait en sorte que les horaires où il y était correspondaient aux heures de cours de la jeune femme. Une autre personne ? Qu'importait, tant qu'il ne s'agissait pas de Julien ou Baptiste. Et Agathe ? Il soupira. Non ! Même pas elle ! Pas par honte, non, mais par choix. Aucune distraction ! Il n'avait qu'une seule chose en tête : sa réussite.

15h30 : Thomas sortait d'entre les murs de l'Université, pour retourner à son appartement.

Après une semaine de cette routine sans faille, son corps lui avait réclamé un autre régime qu'être plié sur une chaise des heures durant, le dos courbé au-dessus des bouquins. Trop nerveux, les muscles tendus, Tom avait besoin de s'oxygéner. Ou juste de se mouvoir ! Il avait donc décidé d'incorporer le sport à son programme. Car le corps n'était-il pas le véhicule de l'esprit ? Il fallait en prendre soin. Mais une bonne paire de « running » coûtait cher. Il s'était résigné à téléphoner à sa mère pour la soudoyer. Argh ! Il détestait ça, mais elle avait cédé de bon gré.

C'est un peu embarrassé que Tom ouvrit la penderie et chaussa ses baskets hors de prix. En se redressant, penché au-dessus de ses « running », sa conversation avec sa mère lui revint, poignante, limpide malgré les deux jours qui s'étaient écoulés :

— Allo, Maman.

— Bonjour mon chéri.

Il se souvint de sa voix suraigüe, pleine d'étonnement et de joie, à lui en vriller les tympans. Il avait souri, écoutant le flot intarissable à l'autre bout du fil, tout en réfléchissant à la manière d'aborder le sujet de l'argent.

— Ça me fait plaisir de t'avoir au téléphone.

Puis la mélodie dans la voix de sa mère s'était évanouie :

— Pourquoi je ne vous vois plus, toi et Manon. Vous pourriez passer un soir. À dîner, par exemple. Ou un week-end, un midi... Je sais que vous êtes débordés et que je suis ennuyeuse.

— Mais non, Maman. Pas du tout ! Arrête, ne dis pas des choses comme ça.

Une réflexion lui était venue : Voilà d'où il tenait son manque de confiance en lui ! Et il s'était flagellé mentalement. Quel mauvais fils il faisait ! Mais sa mère de renchérir :

— C'est difficile, tu sais, d'être seule. J'ai bien mes amies de l'Association...

Une image saugrenue de vieilles dames en gilets tricotés mains, assises dans leur fauteuil usé autour d'une table à boire le café, l'avait assaillie. Sa mère n'était pas si vieille, pourtant ! En tout cas, pas au point de fréquentée les clubs du quatrième âge. Ancienne institutrice dynamique, elle passait son temps entre divers œuvres de bienfaisance en faveur des personnes en rupture de parcours ou en réinsertion professionnelle, de jeunes non-lecteurs ou de parents venant d'un pays étranger.

L'Amour, Par-delà le Temps (en cours de réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant