Chapitre 37

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Corvée

Bon ! Eh bien, il en était pour faire les magasins – certainement bondés, à cette période de l'année, de familles indécises et pressées, agglutinées autour des rayons – pour dégoter un cadeau de dernière minute. Tom détestait ça, mais il n'avait pas le choix, et arriver les mains vides était inconcevable.

Avec un soupir las et sans entrain, il se glissa derrière son volant et prit la direction de la zone commerciale, gigantesque village multi-enseignes, où il était certain de trouver son bonheur. Mais cette idée, il n'était pas le seul à l'avoir eue ; d'innombrables voitures étaient stationnées sur le – pourtant – immense parking de la zone. À première vue, aucune place disponible. Un tour complet du parking le lui confirma. Du moins, pas comme il l'aurait voulu.

Quelle poisse !

Tom exécrait ces concentrations de boutiques aux stationnements étriqués, synonymes de coups de portières intempestifs et d'éclats sur la peinture de sa précieuse voiture. Aucune possibilité de se garer à l'écart, le moindre centimètre carré disponible était pris d'assaut. Pas moyen de faire le difficile.

Bon gré, mal gré, au second passage, impossible d'ignorer le minuscule emplacement qui venait de se libérer – entre un crossover et un monospace qui signifiait passagers mineurs, chahuteurs, insouciants et donc « coups de portières et éclats de peinture » assurés. Tom grimaça à cette idée, et se gara, résigné.

Ne lui restait plus qu'à trouver un cadeau pour sa mère – et, accessoirement, de la prévenir de sa venue – il s'imposait, soyons clair, même si sa mère ne s'offusquerait pas de son timing un peu juste, frôlant l'impolitesse. Bon, ce n'était pas comme si passer le réveillon de Noël n'était pas devenu un véritable rituel au fil des années. Tom était d'ailleurs étonné de ne pas avoir eu d'invitation par SMS, ou d'appel de sa mère. Pour s'en assurer, avec tous ces voyages temporels, rien de moins sûr : peut-être était-il passé à côté d'un quelconque message ? Il vérifia l'historique de ses appels sur son portable tandis qu'il s'extirpait de la voiture – ces places de parking hyper-étroites étaient une tannée – et se dirigeait vers l'enfilade de magasins, toutes marques et tout univers confondus. Les entrées des boutiques, telles les bouches de fourmilières, déversaient leurs flots d'acheteurs retardataires ou opportunistes à l'affût de la moindre bonne affaire. À mesure que Tom approchait de la rue principale – vu la configuration des magasins, cette zone ressemblait à un petit village – la rumeur de la foule l'assomma. Discussions enjouées ; pleurs des bambins fatigués, oppressés par la multitude ; parents tout aussi agités ; ajouter à cela la musique d'ambiance spéciale Noël. L'environnement était bruyant et épuisant.

Dans ces conditions, mieux valait rationnaliser les passages en boutiques. Thomas connaissait les lieux pour y être venu de nombreuses fois avec Manon, et savait dans quel genre de magasins commencer son shopping, rébarbatif mais inévitable. Il visualisé mentalement les enseignes : parfumerie, décoration puis vêtements. Abandonnant l'idée du bijou, il n'avait pas les moyens pour un bijou en or et une parure fantaisie ne correspondait pas au style de sa mère, plutôt classique. Celle d'un soin en Institut aussi. Parmi la profusion d'offres, de packs de soins, de promotions de Noël, Thomas se sentit perdu et gêné d'imaginer entrer dans ce genre de boutique, bien qu'il n'ait pas de raison à l'être. En longeant la première allée, il jeta tout de même un coup d'œil aux vitrines décorées à l'occasion des fêtes tantôt de rennes, de neige artificielle, de guirlandes lumineuses, tantôt d'éléments en bois, d'étoiles sophistiquées, et aux prix. Entre raisonnables et indécents pour des gammes de soins aux noms énigmatiques. Décidément pas pour sa bourse, pas en tant qu'étudiant. Il espérait pourtant pouvoir bientôt se le permettre et offrir ce genre de présent à sa mère. Pour l'heure, il se contenterait de quelques dizaines d'euros.

Déjà fatigué par le bruit, et le monde autour de lui, dont certain envahissait son espace vital, il entra dans une boutique de vêtements et se sentit soudain acculé dans cette foule asphyxiante alors qu'il tentait d'accéder aux cintres sur lesquels étaient suspendus divers tenues de couleurs et de tailles différentes.

Son supplice se terminerait immanquablement pour l'achat d'une ridicule – par la taille – et impersonnelle carte cadeau, preuve d'une absence d'investissement flagrante et d'un désintéressement total pour les goûts de sa mère. Cet achat – si achat de carte il y avait – se résumerait à une bien triste conclusion et une défaite personnelle – abandon par lassitude. Voire à de la précipitation par manque de temps, ce qui ne lui ressemblait pas. Il se savait capable de mieux.

Peut-être aurait-il dû demander à Agathe de l'accompagner ? En matière de goûts féminins, il n'était pas expert.

Pourquoi ?

Quelle légitimité pouvait-elle avoir, mis à part le fait d'être une fille ? Il connaissait sa mère mieux qu'elle, même si, en tant que femme, elle suivait peut-être les tendances de la mode.

Bon sang !

Cette fille s'immisçait dans son esprit à des moments inopportuns.

Debout dans la grande allée pavée à ciel ouvert, Thomas, les poings serrés, se recentrait. Trouver le cadeau idéal ne serait pas une mince affaire, mais c'était son affaire. Pas celle d'Agathe ou de qui que ce soit d'autre. Et ce n'était pas en restant planté là, en plein milieu de l'artère principale bondée, gênant la fluidité des retardataires pressés, qu'il y parviendrait. Il lui restait plus d'une heure avant la fermeture des magasins, à en juger par la grande horloge située au cœur névralgique de la zone piétonne.

Le parking s'était vidé, et il pouvait distinguer sa voiture stationnée loin devant lui, parmi les autres véhicules épars. Lorsqu'il arriva à hauteur de sa Mazda, il en fit le tour pour évaluer les éventuels dégâts sur la carrosserie : aucun impact constaté, à première vue. Soulagé, il déverrouilla la portière et s'installa au volant, son cadeau, soigneusement emballé et agrémenté d'un joli nœud rose poudré, posé sur le siège passager près de lui.

Avec un sourire satisfait, il démarra et prit le chemin de retour. 

L'Amour, Par-delà le Temps (en cours de réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant