Chapitre 29

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Vengeance

Sur la route, Tom jubilait, léger, euphorique au volant. Sa hardiesse l'avait surpris, et en quelque sorte reboosté aussi. Il se repassait la scène avec toujours autant d'excitation : le visage médusé de Baptiste, celui de Julien abasourdi. Ces coups de poing laissant le Don Juan pantois. Tom roulait tranquillement, savourant ce qu'il considérait comme une victoire lorsque son téléphone sonna... Il baissa le regard pour jeter un œil vers le siège passager sur lequel son portable se trouvait. L'écran s'éclairait sur le profil de Baptiste. Sa bonne humeur s'effondra. Pas question de répondre, d'autant qu'il était au volant. Et encore moins à ce connard ! Tom reporta son attention sur la route. Le téléphone retentit encore, insistant. Deux fois. Et après une minute de silence, un nouveau signal : celui de la messagerie. Puis un DING ! DING ! DING ! Des SMS, à la chaîne. Thomas était intrigué : Baptiste s'en donnait à cœur joie, lâchant sa hargne virtuellement. Le portable continuait à tinter et vibrer. Un nouveau coup d'œil à son mobile : les messages se succédaient, et ceux-là émanaient de Julien. Thomas avait jeté un bref regard et les quelques mots qu'il avait repéré en disaient long sur le contenu virulent des messages et venaient de flinguer son moral.

Arrivé à la maison, il était remonté en pression. Il se gara, grimpa les marches deux par deux et, une fois la porte de sa chambre ouverte, il referma derrière lui et plongea sur son lit pour lire la dizaine de SMS sur son portable.

« Il te prend quoi, mec ?!... » « T'as pété un câble ! » « C'est quoi ton problème ?! »

Fait chier !

Fulminant, Tom allait leur répondre lorsque son téléphone sonna : un appel de Manon. Allait-il décrocher ? Dans l'état d'énervement où il se trouvait, sûrement pas ! Puis... Des SMS de Manon s'affichèrent sur son mobile : « Je ne comprends pas ce qu'il t'arrive. Pourquoi autant de colère ? Le silence aurait été préférable à cette réaction débile. Qu'est-ce qui tourne par rond, chez toi ? T'es parano. Ou tu cherches une excuse à ta colère ?! »

Tom sauta hors du lit et arpenta le parquet de sa chambre, son portable à la main après lequel il grommelait. Les messages continuaient d'arriver :

« Décroche, qu'on s'explique ! »

Les chéris ! Ils s'étaient plaints à maman Manon ! Comme c'est mignon.

Le téléphone vibra entre ses doigts et l'écran s'alluma. Un nouvel appel de Manon ! Thomas se figea. Interdit. Il hésita, l'index suspendu au-dessus de l'écran tactile fendu. Allait-il le glisser sur la flèche pour le déverrouiller ? La sonnerie insistait. Ses doigts se crispèrent autour de l'appareil. Comme si le téléphone lui brûlait les doigts, il le jeta sur le matelas. Le mobile s'interrompit puis vibra encore. Émettant un signal identifiable : un message vocal. Suivi d'un autre bip. Identique aux dizaines qui l'avaient précédé : un SMS. Sur le qui-vive, Tom s'approcha prudemment. De quoi avait-il peur ? C'était un simple mobile.

Une boule acide envahit son œsophage. La panique le rongea de l'intérieur. Il passa ses mains dans ses cheveux. Comment un simple SMS pouvait-il le rendre malade de trouille ? Lire le contenu de ce message n'était pourtant pas insurmontable ?! Si. Pour Tom, à cet instant précis, ça l'était ! Les yeux rivés sur l'écran maintenant éteint, Thomas attendait. De quoi Manon était-elle au courant ? Savait-elle qu'il l'avait suivie ? Que lui avait-elle envoyé comme genre de message ? Un seul moyen de le savoir. Il souleva un pied. Lourd, comme scellé au parquet, et son estomac se tordit. L'angoissante question. Il avança son autre pied et réussit à faire un pas vers le lit où gisait le portable inactif ; inoffensif, en apparence car il recelait un danger, une vérité qu'il n'était pas prêt à entendre ou qu'il ne voulait pas connaître. Des mensonges, des mots vénéneux dont il voulait se préserver. Mais la curiosité de savoir ce que les autres pensaient de lui et pouvoir se défendre était grande.

Tom tendit une main et attrapa le portable. D'un geste automatique, il déverrouilla l'écran. Là ! Les premiers mots de Manon apparurent dans un bandeau au milieu de l'écran.

« Connard dégénéré ! »

Violence...

Était-il prêt ?

Il tapota deux fois pour ouvrir le message en entier, et fut scotché par la brutalité du contenu. Pétrifié, il en lut pourtant la suite.

« Tu n'as plus à te mêler de ma vie ; encore moins de t'en prendre à tes amis. Tu peux m'expliquer ce qu'il t'arrive ! Julien ne te reconnait plus. JE ne te reconnais plus »

« C'est donc toi que Nat a vu dans les couloirs errer près de nos salles de cours. Tu m'espionnes ? Mais t'es taré ! Qu'est-ce que tu crois avoir surpris ?

« Laisse-moi tranquille ! Je fréquente qui je veux. Espèce de cinglé. Sors de ma vie ! »

SORS DE MA VIE !

Manon, pourquoi cette déferlante de haine ? Qu'est-ce que je t'ai fait ?

Ces quatre mots lui firent l'effet d'une gifle. Debout devant son lit, le portable dans une main, son regard se brouilla. Blessé, après un instant pour digérer cette dernière phrase et refoulé ses larmes, il explosa : dans sa tête, un vacarme d'insultes à l'encontre de Manon. Le seul mot qu'il put jaillir d'entre ses lèvres serrées :

— Pétasse !

Ses muscles tremblèrent de rage et il balança son portable sur le matelas. L'appareil rebondit et, propulsé par l'élan, glissa dans l'interstice entre le mur et l'encadrement du lit.

— Merde. Fait chier.

Tom avança vers son lit, interrompit son mouvement et balaya l'air d'une main fatiguée. Plus tard ! Pas maintenant. Il n'avait pas envie de se prendre la tête à récupérer ce putain de mobile, au risque de le balancer par la fenêtre, tant il était à bout de nerfs. Il lui fallait un défouloir ; ou se calmer : trop tard pour courir. Alors, il devait se calmer. Un tremblement parcourut son échine, ses épaules, sa nuque.

Une douche !

Il se précipita dans la salle de bains.

Le jet d'eau chaude ruisselait sur son crâne, lui faisant un massage des plus relaxants. Avoir crié tout son soûl jusqu'à se casser les cordes vocales étaient sûrement en partie la cause de son relâchement. Ça faisait du bien. Il ploya la nuque en arrière et laissa la pluie de gouttelettes rouler sur son visage. Jusqu'à ce qu'il n'en supporte plus la sensation et qu'il commence à asphyxier. Il coupa l'arrivée d'eau et la vapeur dansa autour de lui après qu'il ait ouvert la porte de la douche. Il se tourna vers le meuble pour attraper sa serviette et là ! Sur le miroir, tracé dans la buée qui recouvrait la glace au-dessus du lavabo : un mot. Musicien ? Les lettres s'effaçaient déjà, la condensation ruisselait en gouttes d'eau sur le miroir, en déformant légèrement le tracé, mais le mot était clair.

Spontanément, Tom enroula sa serviette autour de sa taille et se retourna comme s'il s'attendait à surprendre Agathe dans la pièce trop petite pour qu'elle puisse se cachait. Il se précipita sur la poignée pour ouvrir la porte et pencha la tête par l'ouverture. Personne dans le couloir. Tom referma la porte et réfléchit en souriant : il était resté longtemps sous la douche, la jeune femme avait certainement entendu l'eau couler, peut-être même entendu crier.

La honte !

Il secoua la tête... il se figea à l'idée qu'elle l'avait certainement aperçu nu comme un ver, au-traves de la vitre cryptée. Le peu qu'elle aurait pu entrevoir de lui n'aurait certainement pas déplu à la jeune femme. Sans prétention aucune. Mais depuis qu'il s'était remis au sport, Tom n'avait pas à rougir : il se tourna vers le miroir où le mot avait partiellement disparu, ne laissant plus que le reflet brumeux du buste à la musculature presque parfaite de Thomas. Il s'observa, satisfait.

Avec un regard amusé au mot totalement effacé, il murmura, sourire au coin des lèvres :

— Et non ! Raté, Mademoiselle. 

L'Amour, Par-delà le Temps (en cours de réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant