Chapitre 9

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Du chaos à la routine

Quand Thomas ouvrit les yeux, la lumière du soleil d'automne pénétrait par la large vitre et donnaitun éclat terne, d'un blanc presque fané,  à la pièce . Quelle heure était-il ? Était-ce vraiment le matin ? Ou l'après-midi ? Un coup d'œil à la fenêtre : à l'extérieur, le temps semblait couvert et sombre, mais la nuit avait laissé place au jour. Il remua sous les couvertures pour s'étirer et sa joue écrasa un angle anormalement dur sur l'oreiller. Ses doigts tâtonnèrent à la recherche de cet intrus : son portable ! Ses écouteurs avaient glissé de ses oreilles durant la nuit, mais son téléphone était resté à la même place, lové dans les plis et les bouffissures. Tom massa sa mâchoire et déglutit. Sa bouche était pâteuse, sa langue chargée, comme une masse à l'arrière de sa gorge. Putain d'haleine de chacal ! Il sourit pour lui-même. Qui cela gênait-il, dorénavant ! Après s'être de nouveau étiré, il frotta son visage et se redressa avec un regard à l'horloge digitale du micro-onde : Bon sang ! 10h23 ! De toute façon, rien ne pressait. Il se dirigea vers la salle de bain, non sans avoir préparé ses affaires : anticipation ! Organisation !

Une fois dans la salle d'eau, il actionna le robinet de la douche, se déshabilla et entra sous le jet de fines gouttelettes. Leur chaleur sur sa peau, leur ruissellement sur son crâne contribuèrent à son passage du sommeil au plein réveil. Sa douche terminée et enfin habillé, Thomas rangea et nettoya la salle de bain qu'il partageait avec sa voisine de palier, au nom demeurant toujours un mystère – Vraiment, quel empoté ! – puis il retourna dans la chambre. Que pouvait-il faire aujourd'hui ? Retourner à la FAC ? Pourquoi pas ? Qu'avait-il à perdre de toute façon, puisqu'il avait décidé de consacrer ce temps aux études... Alors, ici ou ailleurs ! Mais à la FAC ?... Dieu seul savait ce qu'il y perdrait... Son sang froid s'il revoyait Manon avec un mec, l'estime de lui-même s'il affichait son agressivité devant son ex – ce qui risquait d'arriver – et sa dignité, car il y avait de fortes chances pour que ce soit lui qu'on mette KO ! Mieux valait perdre son temps à bon escient, un livre et un surligneur à la main. Dans un peu plus d'une heure, sonnerait midi ; il se mettrait en route pour l'université après un copieux petit-déjeuner : un café, une demi-baguette beurrée et deux œufs brouillés. Puis, en avant !

Sur le palier, il regretta ne pas avoir recroisé sa voisine. Lui avait-il fait mauvaise impression ? C'était comme si elle le fuyait... Arrête de te faire des idées ! Elle est comme tout le monde, avec ses obligations et ses journées chargées ! BING ! Il n'y avait que lui qui pouvait se permettre de rêvasser et de traîner au lit. Quel imbécile !

Il descendit l'escalier, après avoir fermé la porte de sa chambre à clé, et traversa le couloir. Lorsqu'un gémissement le fit se retourner. Comme lors de sa visite. À ceci près qu'une voix réconfortante vint stopper net cette plainte lancinante : la propriétaire ! Victoire, comme l'avait appelée la voix chevrotante.

Thomas ne se trompait certainement pas en supposant que, derrière l'une de ces portes, se trouvait une vieille fille – Victoire, donc – s'occupant de sa mère âgée, impotente, gémissante et appelant sans cesse. Qu'importait les heures du jour ou de la nuit. Il était heureux de sortir, rien que pour quitter l'atmosphère pesante de ce couloir. Sur le perron, la chaleur des rayons d'automne transperçant la couverture nuageuse l'enveloppa. Rasséréné, il avança vers sa voiture, appuya sur la clé : l'ouverture centralisée débloqua la portière et il s'installa sur le siège conducteur. 





Au volant de sa Peugeot filant vers sa petite chambre d'étudiant, après une éprouvante mais fructueuse journée de révisions, Thomas expira un long et sonore filet d'air. Jamais de sa vie il ne s'était senti aussi... incompétent. Désorganisé. Que lui arrivait-il ? Ses épaules s'affaissèrent. Il avait passé sa journée à la bibliothèque, sans rien manger, ni boire. Pas une cannette, pas une collation ? Car pas d'argent liquide ni de carte bancaire sur lui. Oubliés dans l'une des poches de son jean ! Il ne se reconnaissait plus. Il détestait ce qu'il devenait : un abruti bordélique ! Il secoua la tête, tout en se martelant cette rengaine insultante – Abruti ! Abruti ! – puis il rétrograda pour tourner à droite, vers l'artère principale qui menait ensuite aux quartiers résidentiels, où il vivait désormais. Pas de place pour le hasard, abruti ! Ne laisse aucune place au hasard. Sinon, c'est la porte ouverte au chaos. La preuve, il en faisait maintenant les frais... Ses deux jours passés au BCU avaient été contre-productifs. Bon, d'accord ! Pas aussi inutiles que ça ! Mais il lui fallait un cadre. Organiser ses révisions. Tout planifier pour s'y retrouver. Même si c'était au programme des cours du semestre prochain. Il aurait un coup d'avance. Suffit d'errer de la sorte. Il sourit et gara la voiture le long du trottoir. La médiocrité, il laissait ça à d'autres.

L'Amour, Par-delà le Temps (en cours de réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant