Détachement
— Merde !
Plus de lumière. Le noir total. Et toujours le clapotis ininterrompu des gouttelettes ruisselant sur son crâne, sur sa nuque, glissant le long de sa colonne vertébrale. C'était déroutant. Tom tâtonna à la recherche du robinet et coupa l'arrivée d'eau. Plus un seul bruit. Rien que celui de sa respiration que les parois de la douche lui renvoyaient, décuplé par l'étroitesse de la cabine. Angoissants ricochets. Impression désagréable d'être enfermé dans une boîte.
Dans l'obscurité, nu, mouillé, il se sentit soudain vulnérable. Quand... Une pichenette sur le haut de son épaule droite le fit sursautait. Il ne put réfréner un élan de stupeur. D'un bond, ses mains en avant poussèrent les portes vitrées de la douche, et il se retrouva, chancelant, au beau milieu de la salle de bain. Toujours aussi nu, aveugle, désemparé.
Imbécile ! C'était juste une goutte d'eau.
Thomas n'était pas serein pour autant. Fallait-il pouvoir sortir de la petite pièce ! Il se revoyait poser sa serviette près de la vasque, elle devait donc s'y être encore. À tâtons, il tendit les bras et balaya devant lui. Ah ! La pulpe de ses doigts frôla le bord du meuble. Avec hâte, il fit glisser ses paumes sur la surface plane du meuble et,... Bingo ! D'un geste preste, il saisit la serviette pour se sécher. Maintenant, s'habiller ! Son caleçon ? Posé au même endroit. Seulement, il ne le trouvait pas. Sûrement avait-il dû tomber au sol alors qu'il attrapait la serviette ?! Bordel ! Il s'accroupit, ramassé sur lui-même, et fit des mouvements amples autour de lui, à la recherche du caleçon perdu, lorsqu'un cri monta du rez-de-chaussée :
— Ma...
Grognement inaudible aussitôt étouffé par le subit crépitement de la pluie sur les tuiles. Thomas se raidit. Les muscles crispés, en apnée et l'oreille tendue. Il écoutait... Rien... Puis soudain, un flash ! Qui éclaira la petite pièce ; juste assez pour que Tom repère son caleçon, ainsi que le reste de ses affaires : à cinq centimètres de son pied gauche. Il enfila le caleçon et allait passer son jean quand... Un craquement dans l'air, couvrant un autre gémissement, transformé en complainte :
— À l'aide ! S'il vous plait...
Impossible d'ignorer la détresse dans la voix assourdie par la distance et la porte close.
— J'arrive, cria-t-il, fatigué.
Thomas grimaça. Difficile d'aller plus vite dans l'obscurité. Alors, tel un funambule sur le fil invisible de la nuit, il tangua vers la pénombre et, les mains en avant, sortit enfin de la salle de bain. Ensuite, c'était simple : longer le mur à droite, faire quelques pas, et sa chambre était là ! Il fit glisser ses paumes contre la paroi froide en Placoplatre, puis ses doigts heurtèrent des boursoufflures : sûrement le chambranle de la porte. Il laissa ses mains courir sur la surface plus chaude du bois et trouva enfin la clenche.
Un autre cri lui parvint d'en-bas. Plus net. Plus pressant... Déchirant. Déconcertant Thomas. Que se passait-il ? Merde ! Elle peut pas se débrouiller toute seule, la vieille.
— Je suis là dans cinq minutes... Si elle m'en laisse le temps, murmura-t-il pour lui-même.
La grêlée des gouttes de pluie sur le toit semblait étouffer tous les sons, confiner la maison dans un cocon dense, presque électrique, où la tension se mêlait à une urgence sourde.
Tom saisit la poignée de la porte et pénétra dans sa chambre. Au même instant, un flash zébra le cadre noir de sa fenêtre, éclairant la pièce d'une lumière éblouissante. Puis l'air craqua, violent, sépulcral. Le ciel vibra, et des répliques crépitantes de moindre intensité suivirent. Figé, Tom ne respirait plus, scrutant les ombres mouvantes. À la faveur de l'éclair, le jeune homme avait repéré son portable. Il bondit vers l'appareil, faisant grincer le parquet sans que cela ne l'alarme, et se jeta sur son téléphone comme si sa vie en dépendait. L'appareil en main, il fit une manipulation et enclencha l'application « Lampe de poche ». Que la lumière soit ! Un balayage rapide, avec sa lampe-torche improvisée, en direction de son dressing duquel il extirpa un sweat qu'il enfila, et il braqua son faisceau lumineux vers la porte ouverte. Le trait blafard éclairait le couloir sombre et, en contre-bas, l'escalier vers le rez-de-chaussée d'où provenaient ces complaintes lancinantes.
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L'Amour, Par-delà le Temps (en cours de réécriture)
ParanormalParfois, il suffit d'une rencontre pour bouleverser toute une vie. Depuis le divorce de ses parents, à l'âge où les adolescents se cherchent, Thomas tente de se reconstruire. Devenu un adulte amer, ambitieux et psychorigide, hanté par ses relations...