Euphorique !
Cinq minutes. Il avait suffi de cinq minutes d'une discussion anodine, passée en toute simplicité, pour redonner le sourire à Tom.
Béat, le jeune homme alla se coucher.
Sa nuit avait été des plus sereines, et ce fut dans l'allégresse et la légèreté qu'il se réveilla le lendemain. De bonne humeur. Cela faisait une éternité qu'il ne s'était pas senti aussi bien dans sa tête : il savait où il allait et son avenir lui semblait limpide, évident. Son chemin tracé. Comme s'il visualisait la route devant lui, ligne droite sur l'horizon dépourvu de nuages. Et au bout : la réussite ! Il lui suffisait de visualiser cette étape pour sentir son cœur bondir de joie et ses épaules se dénouer.
Rasséréné et souriant, il se prépara pour la FAC.
Une épaisse couverture d'un blanc moutonneux occultait la lumière du soleil, l'air humide semblait figer sous une chape de coton.
Thomas avait garé sa Mazda sur le parking, à sa place habituelle – jour après jour, avec répétition et une telle récurrence, qu'il considérait dorénavant cet emplacement comme sa place attitrée. Le col de sa doudoune remonté sur ses oreilles, il remonta l'allée de graviers vers les bâtiments de l'Université perdue dans son écrin verdoyant. Les constructions de béton et de verre paraissaient s'être vêtues d'amples rideaux opaques, simples reflets du ciel bas sur les façades vitrées. Les étudiantes en tenue légère avaient déserté les pelouses, préférant les bancs de la rotonde pour discuter. À cette heure matinale, les allées étaient exsangues ; tous les étudiants se trouvaient dans les amphithéâtres pour les derniers cours magistraux du premier semestre. Arriveraient bientôt les partiels puis les vacances de fin d'année. Que ferait Tom d'ici là ? Réviser ?! Pour l'instant, il poursuivait dans sa lancée au millimètre près. Direction la bibliothèque. Comme une chorégraphie parfaitement répétée, il entra, se dirigea vers la vaste salle silencieuse aux rayonnages consacrés au Droit. Partout où le regard se posait, du sol au plafond à l'éclairage généreux, des étagères entières de livres formant des murs de papiers colorés. Parfois, une trouée encadrée de trois étagères formait de lieux propices à la concentration. Tom emprunta un couloir, le longea jusqu'au rayon regroupant la section qui l'intéressait, sortit deux livres du rayonnage et remonta l'allée jusqu'à une de ces trouées. Là, une table rectangulaire aux pieds en aluminium noir, autour de laquelle étaient disposées six chaises, dont une était occupée par une jeune asiatique. Il s'installa à une place, la plus éloignée de la jeune fille qui ne leva même pas la tête de son ordinateur portable. Casque sur les oreilles, elle tapait frénétiquement sur son clavier.
Thomas n'avait pas de PC et tous les postes étaient utilisés. Alors il sortit son bloc-notes, ses crayons et son mug isotherme contenant sa mixture à base de café et de boisson énergétique de sa besace. De toute façon, il préférait le papier, ses fiches et les surligneurs aux ordinateurs : sa mémoire visuelle enregistrait les informations avec plus de facilité, et avec une précision presque chirurgicale, au détail près, lorsqu'il écrivait ses cours et les recopiait sur ses fiches, si bien qu'il pouvait visualiser l'endroit exact de chaque mot, la couleur de chaque titre. C'était fastidieux mais pas le choix : il fonctionnait ainsi.
Avec détermination, il ouvrit le premier des ouvrages qu'il avait choisi, se reporta au sommaire, y chercha le chapitre qui l'intéressait, et c'était parti pour trois heures de prise de notes et rédaction de résumé.
Vint le temps du déjeuner.
Quelle heure exactement ? Aucune idée, mais l'estomac de Tom grognait et son cerveau réclamait un peu de repos.
Bras au-dessus de sa tête, il s'étira et allongea son dos. Sa nuque raidie craqua d'être restée courbée sur les bouquins. Marcher au grand air seraient bien venu.
La jeune asiatique ne se trouvait plus là ; tellement absorbé par ses recherches, il n'avait pas remarqué son départ. Allez ! À son tour ! Ses affaires rangées dans son sac, il prit la direction du grand hall.
Où allait-il pouvoir manger ? Dans sa voiture ? Sur un banc à l'extérieur ? Dans la rotonde ? Ou dans une salle de cours quelconque ? Au RestoU ? Il avait ramené un sandwich mais un repas chaud lui ferait du bien. À condition d'avoir de quoi payer ! Il ouvrit la pochette à l'avant de sa sacoche et en sortit son portefeuille. Dans le compartiment consacré à la monnaie, rien d'autre que des pièces en cuivre et d'autres centimes, ce qui faisait à peine trois, quatre euros. Autant dire pas grand-chose. Tant pis, il mangerait son sandwich.
Il dévala les marches de la grande entrée et contempla l'horizon : le ciel enfin dégagé et clément se prêtait à un casse-croûte dehors. Tom choisit son banc, éloigné de l'agitation des allées, et déballa le papier d'aluminium autour de son pain-jambon-beurre. Quand soudain, à quelques mètres de lui, maintenant cachée derrière les branches d'un pin, il crut apercevoir la silhouette élancée de Manon. Son cœur bondit, ne quittant plus l'ombre du conifère des yeux, avec une seule chose en tête : savoir ce que son ex faisait.
Et, surtout, avec qui !
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L'Amour, Par-delà le Temps (en cours de réécriture)
ParanormalParfois, il suffit d'une rencontre pour bouleverser toute une vie. Depuis le divorce de ses parents, à l'âge où les adolescents se cherchent, Thomas tente de se reconstruire. Devenu un adulte amer, ambitieux et psychorigide, hanté par ses relations...