Chapitre 3 - Les Invertis

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Enfin un chapitre un peu plus long, et on rentre dans le vif du sujet ! Je dois vous avertir cependant qu'une agression sexuelle est décrite dans ce chapitre.

Watson ne savait pas comment Holmes connaissait l’adresse du club et il n’osait pas demander. Le silence dans le taxi était introspectif mais le docteur le trouvait lourd.
Il sortit avec soulagement de la voiture quand elle s’arrêta devant un pub qui n’était pas ouvert à cause de l’heure .
« Où est-ce ? demanda-t-il à son ami. »
Celui-ci attrapa son poignet et l’entraina jusqu’à une porte juste à côté du pub qu’il ouvrit sans souci. Là, ils tombèrent sur un couloir qu’ils empruntèrent. La porte du fond était entrouverte et laissait entendre des éclats de voix. Derrière, un escalier avec une enseigne. En lettre gothique, on lisait :

Les Invertis
Club réservé aux homosexuels

Le docteur Watson faillit s’étrangler face à la confirmation de ce qu’il soupçonnait déjà. L’inspecteur Lestrade ? Homosexuel ? Mais il avait eu une femme pourtant !… qui l’avait quitté.
Avant d’entrer, Holmes se tourna vers son acolyte.
« C’est un club très strict là-dessus Watson, lui expliqua-t-il, alors voici notre couverture : nous sommes un couple qui…
-Mais… tenta l’ancien militaire.
-Nous sommes un couple, répéta son ami, qui cherche à rencontrer des personnes semblables. Essayez de parler de Lestrade, comme c’est un habitué. »
Et avant que Watson aie pu dire quoique ce soit, le détective attrapa son poignet, passa son bras au creux de son coude et entra. Il parla un peu avec l’homme qui semblait garder l’entrée qui lui fit un signe de tête : leur couverture avait fonctionné.
La pièce ressemblait à un bar lambda, avec un comptoir et des tabourets, des tables un peu partout autour de ce qui ressemblait à une piste de danse, dans les coins des paravents cachaient certains couples… Watson risqua un œil pour voir deux femmes s’embrasser de manière suggestive. Il se racla la gorge, mal à l’aise de tant de démonstration d’affection publique, et se concentra sur son collègue… qui avait déjà disparu. Il fronça les sourcils et scanna la pièce pour le voir assis au bar. Il s’approcha de lui et s’assit à ses côtés, acceptant le verre tendu. Il sentit le souffle de Holmes contre son oreille quand ce dernier lui intima :
« N’acceptez aucun verre d’inconnus. Essayez de discuter avec le plus de monde possible. Ne vous saoulez pas. S’il vous plaît. »
La formule de politesse fit sourire le docteur qui acquiesça. Cela lui semblait sage en effet. Son ami attrapa son verre et disparut alors dans la foule d’hommes et de femmes qui discutaient, flirtaient, dansaient voire s’embrassaient. Alors qu’il allait se lever lui aussi, un homme vint s’asseoir sur le tabouret à sa droite.
« C’est votre compagnon ? fit-il avec un mouvement de tête vers le détective. »
Watson sursauta et se tourna vers lui, un peu confus.
« O-oui, bafouilla-t-il en se rendant compte de qui il parlait. »
L’homme rit. Il devait avoir le même âge que l’ancien soldat, imberbe, avec des yeux verts à fendre l’âme et des boucles noires sauvages qui encadraient son visage pâle.
« C’est la première fois que vous venez ici, n’est-ce pas ? demanda-t-il.
-Oui, acquiesça Watson.
-Qu’est-ce qui vous amène, alors ? interrogea l’homme avec un sourire à damner les saints. »
Le médecin but deux gorgées de sa boisson et se redressa, essayant de se sentir à l’aise.
« On voulait rencontrer d’autres personnes comme nous, mentit-il. Un ami, Gregory Lestrade, nous a parlé de ce club. »
L’homme écarquilla les yeux.
« Vous connaissez Greg ? Ça alors ! Mais ça fait une semaine qu’il n’est pas venu ici, vous avez des nouvelles ? »
Ce fut au tour de son interlocuteur d’ouvrir grand les yeux. Cet homme connaissait donc personnellement Lestrade ? Et vu le surnom qu’il lui donne… serait-il un amant ?
« Oui, répliqua-t-il, il est pris par son travail en ce moment. Un moment délicat.
-Je vois… fit pensivement l’inconnu. Pas facile d’être flic, surtout quand on est un inverti, pas vrai ? Ne faites pas cette tête, je parle beaucoup avec lui. Enfin il me parle beaucoup, je ne crois pas qu’il se soit jamais soucié de moi… »
Watson, en voyant l’air triste et profondément blessé de l’homme, ne put s’empêcher de poser une main rassurante sur son épaule.
« C’est pas grave vous savez, je crois qu’il n’a pas conscience de son charme, sourit-il tristement.
-Et que vous a-t-il dit ? questionna le médecin avant de se rendre compte que c’était une approche trop directe et tenter de se rattraper. Je veux dire, il ne nous parle pas beaucoup de lui, et il paraissait soucieux ces derniers temps… »
Il aurait presque pu avoir honte de mentir autant si l’homme en face n’était pas si prompt à répondre et si enthousiaste de parler de son amour.
« Eh bien, il parlait souvent d’un de ses collègues, Gregson je crois... répliqua l’homme. Au début, c’était pour se plaindre, mais ça tournait à l’obsession alors j’ai essayé de lui faire cracher le morceau. Ça se voyait qu’il y avait autre chose. Il a fini par m’avouer qu’il l’aimait et n’a pas cessé de parler de combien il pouvait être perspicace et beau et sportif même s’il était mesquin. Vous ne pouvez pas savoir comme ça me fait mal. Je ne suis pas mesquin, moi ! Pourquoi ne m’a-t-il pas choisi ? Enfin, je ne vais pas vous ennuyez avec mes problèmes de cœur, et puis vous devriez allez rencontrer d’autres personnes, je vous accapare sans le vouloir. Tenez et au revoir. »
L’homme glissa sa carte sur le comptoir, vers Watson, et lui fit un signe de tête amical avant de partir. Le docteur finit son verre avant de lire la carte : Terrence Robert. Avec une adresse. Il rangea la carte dans sa poche avec un sourire, fier de sa récolte d’informations, et se leva pour lancer un regard circulaire à la pièce. Il vit Holmes discuter nonchalamment avec un petit groupe mais continua sa recherche et se demanda brièvement ce qu’il aurait à dire à ses découvertes. Le féliciterait-il ? Dans la salle, personne d’autre ne captait son attention. Il avança un peu, s’approcha d’une porte au fond de la salle – à quoi servait-elle ? – mais ne put l’atteindre car un homme large et musclé, aussi grand que Holmes, l’attrapa par la taille.
« Bonsoir my darling, le salua-t-il en se collant. Que fais-tu seul ici ?
-Je… euh… tenta Watson, déstabilisé. »
L’inconnu puait l’alcool et ne semblait pas aussi aimable que Terrence.
« Que dis-tu d’un petit tour à l’arrière ? demanda-t-il en approchant de son visage. »
D’un regard, l’ex-militaire comprit qu’il parlait de la porte. Alors c’était des chambres ? Des pièces mises à disposition pour que les homosexuels ne craignent pas d’être découverts ? Watson ne put répondre car le temps qu’il remette ses idées en place, il était dans un couloir à la lumière faible, sauvagement embrassé par une bouche qui n’était pas tendre. Il essaya de le repousser, son cœur se débattant dans la poitrine, mais une jambe entre les siennes le pétrifia. Dans son dos, le mur était froid, mais il préférait ce froid aux mains baladeuses de son agresseur. Celui-ci le fit rentrer dans une pièce en le poussant, le faisant tomber, et retira sa chemise fébrilement. L’autre en profita pour essayer de s’échapper mais il sentit bientôt une incroyable poigne le tenir contre un corps. Ils étaient collés, et Watson rougit en sentant… Dieu qu’il se sentait sale, et les larmes lui montaient en pensant à ce qui allait se passer, et qu’il ne pourrait rien y faire. Il priait tous les dieux que Hommes vienne le sauver, ou même Terrence… Mais au lieu de ça, l’inconnu renifla ses cheveux, glissa ses lèvres dans son cou… C’était plus fort que lui, le médecin laissa échapper un sanglot. L’autre se redressa.
« Tu n’as pas l’habitude ? demanda sa voix rauque. Oh, ne t’en fais pas… Je te ferais aimer ça et tu le sais, lança-t-il en se frottant contre lui. »
L’homme le dirigea vers un lit miteux et l’y fit tomber. Il était en train de déboutonner son pantalon quand un bruit sourd retentit, et il tomba sur la pauvre victime. Quelle image glorieuse que celle d’un détective, une lampe dans les mains, qui venait de le sauver.
« Watson ! s’écria-t-il. »
Terrence entra dans la pièce à ce moment là et aida Holmes à faire basculer la carcasse du malotru. Le médecin se redressa et son ami en profita pour s’asseoir à côté de lui et l’enlacer dans une position inconfortable. L’élan de tendresse le fit sourire mais il se rappela leur couverture, et que Terrence les regardait.
« Vous allez bien Watson ? demanda Holmes d’une petite voix. »
Il était rongé par l’inquiétude mais ce qui fit mal au médecin, c’était sa culpabilité.
« Il ne m’a pas blessé, Holmes, je vous assure, le rassura-t-il. »
Le susnommé se dégagea maladroitement de l’embrassade et s’écarta de son ami.
« Je suis désolé, s’excusa-t-il et c’était assez inhabituel pour en être étonné. Je n’aurai pas dû vous quitter des yeux…
-Me quitter des yeux ? Mais enfin Holmes ! s’exclama l’autre. Je ne suis pas un enfant à surveiller ! »
Son interlocuteur ne répondit pas mais partagea plutôt un regard mi-amusé mi-exaspéré au troisième homme dans la pièce. Watson fronça les sourcils et voulut faire une remarque mais Terrence le prit de court.
« Bien, je vais vous laisser seul maintenant, lança-t-il. »
Le regard qu’il risqua au docteur ne laissait aucun doute sur ses pensées. Après tout, Holmes et son collègue étaient là en tant que couple. Mais la pensée fit tout de même rougir ce dernier.
Lorsque Terrence claqua la porte derrière lui, Watson se tourna vers son ami qui regardait dans le vague. Il posa alors une main sur son épaule pour le ramener à lui.
« Ce n’est pas de votre faute Holmes, c’est de la faute de cet homme, expliqua l’ancien militaire en montrant l’homme assommé à son ami, qui ne semblait pas arrêter de culpabiliser pour autant. »
Il soupira en voyant que ça ne marchait pas et décida de changer de sujet alors. Il voulait parler de l’enquête mais avec Robert toujours dans la pièce, il ne savait pas si c’était prudent. Heureusement, Holmes lui lança un regard froid qui lui fit peur.
« Hum, comme vous allez bien, j-je vais partir, bégaya-t-il avant de déguerpir. »
Holmes se tourna de nouveau vers son ami.
« Vous avez trouvé quelque chose, Holmes ? demanda enfin ce dernier.
-Lestrade est quelqu’un de régulier, comme d’habitude, embraya le susnommé en reprenant une attitude observatrice. Il venait ici tous les vendredis et samedis soir après son service. Parfois, quand il avait passé une mauvaise journée, il venait ici aussi. Il avait quelque connaissance mais je ne lui ai pas trouvé d’amant.
-Je lui en ai trouvé un, sourit le docteur, heureux d’avoir une longueur d’avance sur le détective. Celui qui vient de sortir, Terrence Robert. Ils discutaient très souvent ensemble, je n’ai pas demandé s’ils avaient jamais... Il toussa de gêne. Apparemment, il lui parlait beaucoup de Gregson, Robert pense qu’il l’aime.
-Et je le pense aussi, répliqua Holmes. »
La salle tomba dans le silence. L’agresseur bougea légèrement, faisant sauter Holmes sur ses pieds. Il attrapa le bras de son collègue et quitta la chambre.
« Venez Watson, je pense que nous ne pouvons plus rien apprendre ici. »
Et ils retrouvèrent alors le froid de la nuit de Londres.

Holmes ment-il, ou en ont-ils vraiment terminé avec ce club ? Eh bien, pour le savoir, il faudra lire le prochain chapitre. Et celui d'après. Et celui d'encore après. Tous, en fait.

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