Chapitre 3

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Ça fait maintenant deux mois que je ne mange plus à la maison. Lorsque j'ai parlé de ma situation à mes amies Fatima, Ouria et Emma, cette dernière m'amène à manger chaque jour. Elle a expliqué mes conditions de vie à sa maman tata Léna et depuis, elle me donne à manger chaque jour. Tata Léna est un ange tombé du ciel. Je l'adore et rien que pour elle, je continuerai à redoubler d'efforts. Un jour, elle m'a invitée chez elle. Et le soir, avant de rentrer, elle m'a appelée au salon pour que l'on discute et jamais je n'oublierai ce qu'elle m'a dit :
- ma fille aujourd'hui je t'ai fait appeler que l'on parle. Tu es une amie à Emma, je te connais depuis longtemps et je te considère comme ma fille. Si cette dernière avait été dans ta situation, ça m'aurait fait mal certes parce qu'aucune mère ne veut voir sa fille dans de telles conditions mais je l'aurai épaulée parce que même si elle a fauté, nous parents avons une part de responsabilité dans cela. Nous sommes dans un pays où il y a beaucoup de tabous et le sexe en est le premier. Les parents doivent prendre conscience qu'éviter de parler d'une chose à ses enfants ne les protège pas, au contraire ça les expose à plus de danger. Il y a cette curiosité chez les jeunes qui les pousse à vouloir tout tenter et tout savoir. Le sexe devrait être un sujet de discussion entre parents et enfants afin de savoir où ils en sont sur ce point. Mais au Sénégal, c'est tellement tabou qu'ils préfèrent se voiler la face et après tout rejeter sur l'enfant. Ma fille, ce qui t'arrive est la volonté de Dieu. Tu t'es protégée mais n'empêche tu es tombée enceinte. Nul ne sait ce que Dieu lui réserve. Alors, rend grâce à chaque instant. Ne laisse jamais tomber la prière. Sois encore plus encrée dans ta foi. Respecte les heures de prière et confie ta vie à Dieu. Par la grâce du Tout Puissant tout ira bien.
- Amine tata Léna, lui répondis-je, émue
Depuis ce jour, je prie et je rends grâce à Dieu plus que je ne le faisais. Je n'en veux pas à mes parents mais j'aurais voulu qu'ils soient ouverts d'esprit comme Tata Léna.
Les jours sont passés tellement vite et aujourd'hui, je suis à une semaine de la date prévue pour mon accouchement. Je suis tellement lourde et fatiguée. J'ai arrêté de travailler mais heureusement mes patrons sont gentils et mon quand même versé mon dernier mois de travail. J'ai trouvé un studio où habiter après mon accouchement et je l'ai aménagé avec l'aide de mes amies. J'ai payé tous les mois du coup je suis tranquille côté logement jusqu'à la fin de mes congés. J'y ai mis aussi tout le nécessaire du bébé et je lui ai aménagé un petit coin au salon où j'ai mis tout le nécessaire genre réserve de lait, couche, effets de toilette...
Je ne sais pas si j'attends un garçon ou une fille, j'ai voulu être surprise. Je déplace mes affaires petit à petit vers le studio et j'ai presque tout amener.
Avec mes parents, c'est toujours froid. Mon père m'ignore totalement pour ne pas changer et ma mère, à part m'aider avec la grossesse, elle me calcule pas.
Je suis dans la chambre, allongée, lorsque j'ai une soudaine envie de pain avec du chocolat. Je me lève difficilement et m'avance vers la porte afin de sortir. A peine ai-je mis le pied dehors que je sens un liquide couler entre mes jambes. Immédiatement, je sais que mes eaux sont rompues. Sans paniquer, je retourne à la chambre, me change, prends le sac préparé pour le bébé et sors. En descendant les escaliers, je suis foudroyée par une contraction mais je ne crie pas, m'accroche à la rambarde et souffle comme appris durant les exercices auxquels j'ai assistés. Après qu'elle soit passée, je vais au salon et vois ma mère entrain de regarder la télé.
- Maman, l'appelais-je
Mais elle ne me calcule pas. Mane dh ndekete ay xalei la ameul affaire xey.
- Yaye ma ngi matou dh légui meu weucine(maman j'ai des contractions je vais bientôt accoucher)
Comment elle a sauté du fauteuil, touti meu reitane(j'ai failli rire).
- Ladjila et tu es là tranquille ? Viens vite on va a l'hôpital moh
- Maman ça ne sert à rien de se presser di vu qu'arrivée là-bas on va me faire marcher rek le temps que mon col soit dilaté
- Iow eh merde la wax ngey diay ay. Niouceul romb ni niou dem la wax
Wallah j'aurai ri mais bon elle était assez stressée donc j'ai laissé couler et on est parti direction l'hôpital.
- Wa maman tu n'appelles pas papa ?
- Il nous rejoindra là-bas InChaAllah
Mes contractions se rapprochaient beaucoup plus et putain je souffrais le martyre mais je ne criais pas. Il en était hors de question pour moi. Surtout devant ma mère. Je veux qu'elle soit fière de moi au moins durant l'accouchement. Au bout de quelques instants, j'ai été prise en charge et amenée en salle d'accouchement. Et après sept longues heures de travail, de souffrance et de transpiration, mon fils est né, criant comme un malade. Xalei bi dh xaw na ma tympaniser. Lorsqu'on me l'a mis dans les bras, j'ai tout oublié. Mes peines, mes nuits d'insomnie, mes douleurs, tout. Je l'ai aimé dès que je l'ai regardé. Ma raison de vivre. Mon fils à moi.

Après la pluie... Où les histoires vivent. Découvrez maintenant