Chapitre Dix - Le Feu

41 5 0
                                    

 Léane ? Ça va ? s'inquiéta Narcée, la voyant stupéfaite.

— C'est la première fois que tu m'appelles bien. Et oui, je crois que ça va. Tu te sens différent, toi ?

— Ben, pas du tout. Je ne vois pas de différence par rapport à tout à l'heure.

— Bon. Désactivation.

— Aïe ! gémit le jeune homme.

— Qu'est-ce qu'il y a ?

Il se tenait la tête, comme si quelque chose l'avait frappé à cet endroit. Il avait l'air de souffrir, mais cela se calmait peu à peu sous le regard impuissant de Léane. Que pouvait-elle bien faire ? Elle savait que ce mal de crâne n'était pas habituel et qu'aller à l'infirmerie ne rimerait à rien — elle en était venue à la conclusion qu'il avait aussi mal qu'elle lorsqu'il retrouvait ou quittait ses pouv...

Il était relié au Phœnix. C'était évident. Il avait eu son mal de tête juste après qu'elle ait désactivé son don. Si Léane lui avait transmis des pouvoirs, il semblait toutefois qu'elle avait toujours un contrôle sur eux. Si elle désactivait le sien, elle devait désactiver ceux de Narcée en même temps. Leurs magies ne faisaient qu'un, et ne venaient que d'une entité : l'oiseau de feu.

Le jeune homme se releva, sa douleur ayant enfin disparu. Il avait retrouvé son apparence « normale ».

— Nom de moi ! C'était horrib' !

— Nom de toi ?! s'esclaffa Léane.

— Ben oui, je suis un dieu, non ? déclara innocemment Narcée.

— Le descendant d'un dieu, rectifia la jeune fille en riant. C'est extraordinaire !

— Moi ?

— Non, cette sensation, la lumière, espèce de narcissique. C'était génial ! Un peu bizarre, mais génial.

— Trop bizarre, oui. Génial, je sais pas. On fait quoi maintenant ?

Léane réfléchit. Elle avait réussi à transformer un mortel en immortel, mais si toute cette histoire était réelle, elle avait encore onze personnes à chercher. Chercher... C'était ce pourquoi elle avait été choisie. Elle était la Chercheuse. La Chercheuse des douze dieux de l'ancien panthéon grec. Pour une raison ou pour une autre, elle avait reçu un pouvoir d'une créature mythique, apparement un des dieux primordiaux. Le Phœnix était son nom. Si elle en croyait ce drôle d'article qu'elle avait lu quelques heures plus tôt, le Phœnix était auteur de toute chose.

Au début de la mythologie, il y avait Chaos. Il était supposément le père de tous et toutes, à commencer par Gaïa. Cependant, dans l'article, le Phœnix était celui qui avait engendré cette déesse. Soit Chaos n'existait pas, soit le Phœnix était né en même temps que lui. Après tout, l'oiseau de feu représentait le renouveau, la puissance et l'immortalité, tout ce qui définissait un dieu. Peut-être représentait-il l'Ordre, au contraire du premier dieu primordial. C'était une théorie intéressante.

Le Phœnix, si Léane se fiait à l'article, possédait tous les pouvoirs et les avait transmis à sa fille — qui était censée, dans la mythologie connue, être la progéniture du Chaos — qui elle même les avait partagé entre les douze dieux du panthéon. Ces douze dieux, eux, n'étaient pas supposés exister tous ensemble dans les mythes connus. Il y avait d'abord eu Aphrodite, la fille d'Ouranos — le ciel. Kronos, le Titan fils de Gaïa, avait à son tour eu Hestia, déesse du foyer, avait été son premier enfant, puis Héra, déesse du mariage et de la fécondité, avait suivi. Puis Hadès, le dieu réincarné en Narcée et Poseidon, le dieu des mers et des séismes étaient apparus. Zeus, le dieu des dieux, porteur de foudre, avait été le dernier des enfants de Kronos.

Le dieu de la foudre avait eu plusieurs enfants à son tour, comme Arès, le dieu de la guerre ; Athéna, la déesse de la sagesse ; Hermès, le dieu messager ; et les jumeaux Artémis et Apollon — la déesse chasseresse et le dieu de la lumière. Un de ses fils était aussi Dionysos, le dieu des excès. Donc à moins que les loups qu'avait rassemblé Gaïa n'aient suivi cette mythologie à la lettre, Kronos et les autres Titans n'avaient jamais existé. Et, les loups étaient tous frères et sœurs.

— J'aimerai essayer quelque chose sur toi, déclara pensivement Léane.

— Vas-y, je t'en prie, ronronna Narcée, joueur.

— Non ! Pas de ça, crétin, s'écria la blonde en rougissant. Je veux juste voir si nos dons sont liés.

— Tu sais que ça fait vachement cul-cul-la-praline dit comme ça ?

Léane ne répondit rien, et effleura du regard la chevalière. La douleur au crâne de l'activation du pouvoir se fit à nouveau ressentir, mais un peu moins qu'avant. Peut-être était-ce par ce qu'elle n'était plus la seule à contenir les pouvoirs du Phœnix. Ses yeux vairons se fixèrent sur Narcée, qui était de nouveau éblouissant. Une pensée la traversa. Elle venait de l'imaginer en train de lancer des flammes partant de sa paume. Et si...

— AAH ! Qu'est-ce que c'est que ce truc ?! Léane ! T'y es pour quelque chose ou quoi ?

Du feu.

Dans ses mains. Les flammes dansaient et virevoltaient comme un feu de cheminée attisé parfaitement bien. Elle ne semblaient pas brûler Narcée, pourtant. Cependant, lorsque Léane s'approcha, elle ressentit une vive chaleur. Elle cueillit un brin d'herbe et le lança dans le feu du jeune homme. Il flamba. À peine tombé dedans, il s'était décomposé à une vitesse phénoménale. Stupéfaits, les deux jeunes gens s'observèrent, médusés.

— Qu'est-ce que... c'est mon pouvoir ! C'est ça ?

— On dirait bien, acquiesça Léane.

Se reprenant vite, la jeune fille désactiva son pouvoir alors que le feu crépitait toujours dans les paumes de Narcée. Aussitôt, l'élément disparut.

— Incroyable...

LE PHŒNIXOù les histoires vivent. Découvrez maintenant