Léane papillota, dans les vapes. Même si elle n'avait aucune envie de se réveiller — Morphée était le meilleur hypnotiseur qu'elle ait jamais rencontré ; le seul, en fait —, elle pressentait qu'il le fallait. Aussi, difficilement, elle ouvrit ses yeux et les baissa vers sa chevalière. Quelque chose lui disait qu'elle aurait besoin de la vision du Phœnix pour ce qui allait suivre.
Il faisait nuit.
Pas nuit noire, non, au contraire : une magnifique nuit étoilée laissant transparaître la Voie Lactée illuminait la soirée. Il n'y avait pas de lune, mais la lumière des astres suffisait à éclairer le toit des jardins suspendus de Babylone ; car c'était là où elle se trouvait. Le toit était banal, contrairement à tous les étages de l'édifice. Il ne comportait ni plantes, ni robots, ni marbre. Il était simplement fait de pierre. La seule chose que l'on pouvait remarquer était qu'il était propre. Quelqu'un passait sûrement tous les jours pour le nettoyer, car il n'y avait pas une once de saleté.
Léane se redressa doucement lorsqu'elle remarqua la présence de Morphée, de Narcée et d'Iris devant elle. Ils lui tournaient le dos et étaient assis sur le rebord du toit, leurs jambes pendant au dessus des jardins. Morphée dut savoir qu'elle était éveillée, car il se retourna pour lui sourire. Léane hoqueta en voyant ses yeux désormais dépourvus d'iris et éclairés d'une étrange lueur bleue. Iris et Narcée se retournèrent à leur tour et lui firent signe de venir s'asseoir avec eux. La Chercheuse s'approcha. Narcée, ayant senti la magie le traverser quand Léane avait réactivé son pouvoir, tendit la main et une flamme naquit de sa paume, éclairant les quatre personnes présentes.
— Pourquoi m'avoir endormie ? demanda la jeune fille en s'adressant à Morphée.
— Ce n'était pas désagréable, si ? sourit le dieu des songes.
Il se leva, et Léane remarqua qu'il portait des boucles d'oreilles pendantes dorées en forme d'étoiles filantes. Un air grave soudain affiché sur son visage, il continua à parler.
— Il y a tant de choses à dire... peut-être vaudrait-il mieux que vous me posiez des questions, à tour de rôle.
La suggestion était plus que tentante : Léane avait encore énormément de mal à croire ce qu'il leur arrivait, sans compter les deux autres étudiants. Narcée fut d'ailleurs le premier à l'interroger. Il avait toujours du feu dans la main, et sa première question fut à ce sujet.
— Comment c'est possible ? Pas juste le feu, je veux dire. Je parle de tout ça. Ce monde, la magie, les... dieux ?
— Ici, on pourrait dire que tout est possible en général, puisque ce que vous voyez autour de vous sont des idées irréalisables... ou pas encore réalisées. Cet endroit est à la fois désuni et relié aux humains. Il s'agit de l'endroit où tous les rêves sont entreposés en attendant qu'ils soient transférés dans la réalité. J'en suis le gardien.
Léane se rappela que Morphée n'était pas seulement le dieu des songes, mais également des rêves prophétiques. Se pourrait-il que toute cette technologie à l'intérieur des jardins suspendus de Babylone soit une idée futuriste venue directement de l'imagination des hommes ? Mais alors, ces jardins n'étaient pas sensés exister, puisque c'était une des Sept Merveilles du Monde, et qu'elle appartenait au passé. Ce fut la question qu'elle posa à Morphée.
— Les jardins n'ont jamais existé, répondit-il. Malgré tout ce qu'on a pu trouver dessus sur Terre, jamais cette idée n'a été concrétisée. Et lorsque l'auteur d'un rêve meurt sans le réaliser, le rêve devient un Mithy, et reste à tout jamais dans ce monde. Concernant les jardins suspendus, c'est un peu différent des autres rêves, car j'ai le pouvoir de les changer à ma guise. J'ai remodelé le rêve, et il est devenu mien.
— Donc c'est à cause de vous que les jardins suspendus de Babylone n'existent pas ? lui reprocha Iris.
— Non, non ! s'exclama Morphée, décontenancé. Je suis le dieu des songes, je ne suis pas supposé les retirer aux mortels ! Au contraire, je les aide à les réaliser. Mais le créateur des jardins était vieux et commençait à perdre sa tête. Dans ces cas-là, il m'est très difficile d'implanter une pensée concrète dans le cerveau.
Léane se demanda si Morphée avait aidé son père dans ses créations de mode. Il avait eu son petit succès. À cette pensée, sa gorge se serra. Paolo n'avait quitté ce monde seulement deux mois plus tôt... il lui manquait terriblement.
Morphée vit son trouble et lui sourit, compatissant. Iris, qui suivait les créations de mode de Paolo, crut comprendre sa soudaine peine. Morphée claqua des doigts et Léane sursauta en sentant ses habits changer. Elle baissa les yeux sur son corps et vit une jolie et courte robe orange à bretelles crème, ainsi que des sandales assorties.
Les légers motifs de couture sur la robe ressemblaient à s'y méprendre au style de son père... elle releva la tête, les yeux embués. Morphée s'agenouilla à son niveau.
— Merci...
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LE PHŒNIX
Paranormal[TERMINÉ] TOME 1 : L'Appel du Phœnix Il y a bien longtemps, alors que les humains n'existaient pas, que les nymphes et les elfes peuplaient la Terre et que la magie existait, une plume de Phœnix tomba sur un fleuve. Magie. Déesse. Prophétie. Terre...