Tristes obligations

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Ginny trépignait sur sa chaise, assise entre ses parents face au bureau du directeur. Si rien ne la différenciait de l'accoutumée, elle avait pris un soin particulier à faire tomber élégamment la cascade rousse de sa chevelure et à faire étinceler ses lèvres d'une discrète teinte carmine. Elle était magnifique et elle le savait. Ses doigts se tordaient d'appréhension à la pensée que bientôt, tout bientôt, son fiancé et elle pourraient convoler en juste noces dans de suaves destinations. L'Italie, peut-être ? Ou l'Espagne ? Elle voyait déjà un beau mariage, en comité restreint, de quoi attiser les jalousies de toutes les dames environnantes. Elle pourrait alors faire son entrée dans la bonne société au bras de l'Elu et leur conter sa romance : sauvée par lui des griffes de Voldemort en première année, courtisée et séduite en cinquième année, mariée au terme de sa sixième. De quoi faire tourner les têtes et pleurer les marâtres prisonnières de mariages sans amour. Car elle aimait sincèrement Harry, et lui l'aimait aussi, elle en était convaincue.

« Il ne devrait plus tarder à présent » fit tranquillement Albus Dumbledore qui contemplait avec ravissement l'impatience de la jeune fille. Il attendait lui-même cet union avec grande hâte. En mariant Harry avec Ginny, il s'assurait de pouvoir garder la mainmise sur le héros. En outre, avec les sorts adéquats, il pourrait lui-même profiter d'un corps lascivement offert par jeune homme tandis que sa femme s'épuisait dans d'interminables grossesses. En favorisant ce mariage, il s'attirait les faveurs des Weasley sauvés de la ruine, piégeait Harry dans un union semi-consenti, et se rapprochait significativement du jeune homme qui avait tant agité les bas-fonds de son être depuis qu'il était à Poudlard. Le Directeur s'était contraint à une douloureuse attente, avait façonné l'enfant, l'avait pétri de reconnaissance à son égard pour qu'enfin, il cède au plaisir d'être possédé par lui. Il n'avait aucun intérêt à forcer des partenaires récalcitrants, il préférait de loin les amener dans ses bras par la manipulation. Les moyens mis en œuvre étaient un peu différents mais la finalité était la même : son plaisir personnel. Sa puissance.

Et Harry n'en manquait pas, de puissance. Avec le rituel adéquat, il pourrait s'approprier le coeur et la magie du garçon en plus de refermer ses entrailles sur son sexe durci par l'expectative. Rêve délicieux que celui-là. Le songe d'un Harry alangui sur son lit, écartant les jambes pour lui avec un air lubrique passa devant son regard. Il pouvait imaginer sans peine le pénis dressé de son amant n'attendant que sa main, et la caverne chaude de son anus suppliant d'être comblée. Il pourrait alors mettre tout son savoir-faire à l'oeuvre pour pilonner le jeune homme jusqu'à ce qu'il s'abandonne corps et âme à lui. Jusqu'à ce qu'il en fasse son pantin. Son esclave. Mariage pour sauver la face de son amant, jouet entre ses mains la nuit. Son plan était parfait. Peut-être pourrait-il même faire porter à Lady Potter leurs enfants nés de fols ébats magiques... Délicieux rêve que celui du corps de la rousse pris entre les sexes des deux amants. Quelle douce volupté ce serait de partager avec Harry ce rituel sacré où le corps féminin ne devient plus réceptacle que de la semence et de l'amour de deux hommes.

Le Directeur était encore tout à sa rêverie lorsque l'on frappa quelques coups discrets à la porte. Sitôt qu'il vit Harry entrer dans la pièce, son sexe s'érigea douloureusement, appelant désespérément les entrailles chaudes du garçon. Beau, Harry l'était devenu. Mèches d'ébène folles, grands yeux verts indéchiffrables, corps musclé par le Quidditch auxquelles ses fines attaches donnait une androgynie des plus excitantes. Imperturbable malgré son agitation, Albus Dumbledore fit un grand sourire paternel au jeune homme :

« Ah, Harry ! Viens, installe-toi. Tu as eu le temps de lire le contrat ? Tout te convient ? Nous pouvons donc passer à...

- Professeur, je pense que vous vous méprenez. »

La voix du jeune homme était calme malgré un léger tremblement qui trahissait un émoi sous-jacent.

« Ah, tu t'inquiètes, n'est-ce pas ? Ne t'en fais pas, le mariage est une ch...

- Professeur, pardon de vous interrompre, mais je suis certain, à présent, que vous vous méprenez. Je n'épouserai pas Ginny. »

Le silence se fit dans la pièce avant que la jeune femme n'explose.

« Quoi ? Mais enfin Harry ! Si tu refuses le contrat tu vas perdre ta magie et moi la mienne !

- Pas du tout : le contrat est caduc. En tant qu'héritier des maisons Black et Gaunt, je suis sommé d'épouser la dernière personne en vie d'une autre famille noble, faute de quoi sa lignée disparaîtra, ce qui serait considéré comme un manquement aux clauses d'alliances entre nos familles respectives. Ces deux contrats familiaux priment sur un contrat nominatif, je suis désolé. »

Ginny semblait effondrée. Molly quant à elle parut compatissante, de même qu'Arthur Weasley.

« Nous comprenons que tu n'aies pas le choix, nous sommes vraiment désolés fiston, nous aurions adoré t'avoir dans la famille. »

Une lumière s'était allumée dans l'oeil d'Albus Dumbledore. Si ce garçon voulait jouer à cela, ils pouvaient jouer à deux, même si cela incluait de composer avec deux épouses plutôt qu'une... deux mères porteuses, plutôt qu'une. De plaisants ébats en perspective.

« Rassure-toi, Harry, ce n'est pas dramatique : tu l'as dit toi-même, le contrat implique les maisons Black et Gaunt, tu peux donc te marier avec Ginny en tant que Lord Harry Potter, et épouser l'autre femme en tant que Lord Black et Gaunt...

- Vous suggérez la polygamie ? »

Harry était abasourdi.

« C'était assez commun pour prévenir la disparition des titres, en réalité, mon garçon. Tout va bien, donc ? Avec quelle famille dois-tu t'unir ? »

Ginny s'était renfrognée : elle n'avait pas prévu de devoir partager son Harry avec une autre personne, mais cette solution était meilleure que de devoir renoncer tout net au mariage. Elle lut dans l'embarras du jeune homme un désolement pour elle, et se força à sourire.

« Ne t'en fais pas Harry, je suis sûre que ton autre femme et moi nous entendrons très bien. Et puis, toi et moi nous nous apprécions. Il suffira juste que tu l'honores assez pour satisfaire le contrat et nous passerons le reste du temps ensemble ! »

Le jeune homme ne sortit du bureau directorial qu'une demi-heure plus tard, avec une nouvelle version du contrat en main et sans avoir lâché le nom de la famille Prince. Les Weasley avaient proposé de nombreux amendements qu'il était censé ratifier un à un. Mortifié, il reprit le chemin des cachots, ravalant ses larmes. Il sentait la magie pulser en lui, ne demander qu'à s'exhaler pour détruire quelque chose sur son passage. Lorsqu'il arrivait dans les souterrains de l'établissement, il cogna contre la porte de Severus Rogue et entra après avoir reçu l'autorisation de pénétrer dans le sanctuaire.

Noblesse obligeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant