Conquête

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Jambes repliées sous lui, Harry s'était assis en tailleurs sur le rebord du lac, pensif. Il avait en main toutes les informations qu'il aurait pu souhaiter, et Severus Rogue lui avait même permis de conserver l'ouvrage du Prince lorsqu'il s'était proposé de le lui rendre en s'empourprant. Livre sur les genoux, contrat de mariage à la main, le jeune homme sentait son cœur s'emballer. Il s'apprêtait à prendre une difficile et dangereuse décision. Il ne savait pas si c'était la bonne. Il aurait pu, comme le lui avait indiqué son professeur en levant les yeux au ciel, ne pas se compliquer la vie et épouser Miss Weasley afin de s'épargner un union forcé avec un homme. Et pas n'importe quel homme, songeait Harry non sans une certaine ironie. Le pire professeur qu'il ait eu au cours de ses années d'étude !

Quelque chose, pourtant, quelque chose le poussait à envisager cette possibilité. Le héros se frappa la tête d'une paume. Qu'est-ce qui lui arrivait bon sang ? Pourquoi ces hésitations ? Pourquoi ces foutues hésitations ? Qu'avait-il à perdre à épouser Ginny ? Qu'avait-il à gagner à envisager un mariage avec – erk – Severus Rogue ? Il ne se comprenait pas. Ne se comprenait plus. Cette hésitation n'avait aucun sens, si ?

*

Le bureau était encombré de paperasse, et pourtant, Magrida semblait s'y retrouver. Elle avait extirpé à la demande de son propriétaire, le dossier Black-Potter et compulsait à présent pour le jeune Lord diverses clauses.

« Je crains que le seul moyen de repousser cette union signée par le Directeur pour vous soit en effet de sommer Severus Rogue de prendre son titre de Lord et d'assumer ses responsabilités. »

Le sous-entendu grivois manqua de faire s'étouffer Harry. Il se demanda soudainement si c'était lui qui avait les idées mal placées ou si la Gobeline s'était vraiment montré capable d'un tel type d'humour. Cela ne seyant pas à ce qu'il connaissait des gobelins, il préféra mettre l'intermède sur le compte de son manque de sommeil et reporter son attention sur ce que lui disait la gobeline.

« Je vois. Je ne puis donc espérer rien d'autre que cette alternative : Weasley ou Prince ?

- J'en suis désolée. Cela arrive souvent aux premières générations récupérant un titre : elles doivent s'acquitter de toutes sortes de contrats en cours.

- Il me serait donc, en l'état actuel, dangereux d'utiliser le droit de revendication pour acquérir le titre de Lord Gaunt.

- Lord Gaunt ?

- La famille maternelle de Tom Elvis Jedusor, Voldemort. »

La Gobeline toussota, manifestement peu à l'aise avec ce nom. Elle compulsa rapidement ses documents.

« Vous pourriez... »

Elle avançait avec prudence.

« Vous pourriez tenter ce coup de chapeau en espérant que des contrats d'union soient encore actifs sur cette lignée... Cela vous permettrait d'avoir un choix plus vaste. Je me dois, cependant, de vous prévenir : tout contrat de mariage familial – et non nominatif – devra être honoré à un moment ou à un autre. Si vous refusez d'épouser le Lord Prince, vos enfants devront s'y soumettre, ou leurs petits enfants, à supposer que la famille ne s'éteigne pas. Toutefois, vu l'âge de l'unique héritier, on peut raisonnablement supposer que dédaigner ce contrat ne soit pas si risqué.

- Il ne serait donc pas sage d'encourir le risque de nouveaux contrats avec les Gaunt, si je comprends bien.

- Exactement. »

Le Gryffondor opina, pensif. Quelque chose, pourtant, quelque chose s'agitait en lui, prêt à clamer, à revendiquer. A conquérir.

« Je vais y réfléchir encore un peu, je crois... Pouvez-vous me renseigner sur les contrats de mariage sorcier ?

- Naturellement : le contrat qui vous lie aux Prince est fait à l'avantage de cette dernière maison. Le mariage doit donc se faire selon leurs directives. Je ne peux présager de ce qu'elles seront, mais vous devriez peut-être demander à Severus Rogue s'il a des contrats types en sa possession pour vous faire une idée.

- Et dans le cadre du mariage avec les Weasley ?

- Quelque soit le contrat, le mariage sera de toute façon désavantageux pour vous.

- A cause de la différence de richesse ?

- Pas seulement. »

Un œil intéressé se posa sur la Gobeline. Quelques secondes, elle retrouva une note et entreprit de répondre à la question sous-jacente.

« Voyez-vous, les Weasley, s'ils sont une ancienne famille, sont toujours considérés comme des traîtres à leur sang par les vieilles instances de sang pur. Oh, les Potter l'ont été aussi après le mariage de vos parents, aussi cela ne doit-il pas vous arrêter. Mais vous êtes l'élu. Votre présence dans leur famille améliorerait grandement leur sort et celui de leur famille.

- Cette traîtrise au sang... y a-t-il des conséquences pratiques ?

- Aucune juridique, si c'est la question. C'est une considération toute ethnique des vieilles familles. Vous pourriez d'ailleurs demander à ce qu'elle soit retirée lorsque vous entrerez en politique... si du moins tel est votre dessein. Vous avez deux sièges au Magemagot : un pour chacune de vos maisons.

- Je vois... Une alliance politique avec Lord Prince ne serait donc pas si stupide ?

- En effet, ce serait même une stratégie assez intéressante : en vous mariant et en ayant une descendance, vous faites perdurer vos lignées et empêchez toute conquête comme celle que vous envisagez de faire sur le titre des Gaunt. »

Un silence se fit.

« Je vais le faire. »

Un temps.

« Le mariage avec Lord Prince ?

- La conquête du titre Gaunt. »

Noblesse obligeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant