Noblesse oblige

Le calme avant la tempête

Une cuiller tintait contre la porcelaine tandis qu'une main élégante faisait rafraîchir son thé. L'homme lisait journal tout en remuant l'ambre du liquide. Goût exquis s'il en était. Mais à quoi fallait-il s'attendre de la part de Perceval Weasley ? Installé dans son office de secrétaire du Ministère, il profitait de ses quelques minutes de pause avant de reprendre le cours de sa soirée de travail. Cela faisait déjà quelques années qu'il se tenait loin de sa famille et n'avait, en réalité, plus beaucoup de liens avec eux. Bien qu'il soit trop sérieux par bien des aspects, le jeune homme était aussi travailleur et décider à monter lui-même son avenir à la seule force de ses bras. Et il avait le culot d'y parvenir. Aussi fut-il extrêmement surpris de voir le hibou familial, le vieil Errol, débouler dans son bureau dans un nuage de plumes grises avant de s'évanouir à demi sur le plan de travail.

« Errol, bon sang ! »

L'imprécation lui avait échappée tandis qu'il détachait le courrier de la patte du vieil oiseau. Celui-ci se remettait doucement de la course, et, à n'en pas douter, finirait bien par passer l'arme à gauche un jour ou l'autre. Le jeune Weasley fut très surpris de voir le sceau officiel de sa famille apposé sur un pli qui avait toutes les allures de la convocation... De sa mémoire, jamais son père n'avait usé de telles armes pour réunir la famille. Inquiet, il descella le pli et écarta les pans de parchemin pour lire ce que son père avait cru bon de lui adresser. Ses yeux s'écarquillèrent de surprise : une convocation officielle à un conseil de famille pour « affaire matrimoniale ». Le cas devait être sérieux. Plus que sérieux. Le jeune homme hésita, mais entre sa rancœur et la curiosité, la seconde eut le dessus. Maugréant quelques instant, il rendit promptement les armes, attrapa le hibou d'une main, la poudre de cheminette de l'autre et disparut. Sur la porte de son bureau, la note « en déplacement urgent, je reviens » venait d'apparaître.

*

Hermione s'était assise dans un fauteuil, près de l'âtre du salon de Severus Rogue. Les appartement du directeur de Serpentard la désarçonnaient pour le moins. Si son bureau était froid, lugubre, tapissé de pierre noire et luisante sous les torches virides, ses appartements privés étaient clairs, de bois et de teintes neutres, chauds et agréables. Rien qui puisse rappeler qu'ils se trouvaient sous terre. De grandes baies vitrées magiques baignaient l'endroit d'une lumière artificielle, colorée par des vitraux aux motifs végétaux. La jeune femme ne pouvait s'empêcher de regarder un peu partout autour d'elle. Harry était assis en tailleurs dans un canapé, et avait laissé la place à sa gauche vide pour Severus parti chercher du thé.

« Je ne m'attendais pas à ça, côté déco, avoua la jeune femme en rosissant.

- Moi non plus, en fait. Ça a été la bonne surprise de la nuit de noces.

- Et moi qui pensait que la bonne surprise avait été de découvrir que nous n'allions pas jouer aux échecs toute la nuit, susurra Severus en revenant avec un plateau. »

Harry s'empourpra, Hermione détourna le regard, l'adulte ricana. Il était tellement facile de troubler ces jeunes gens. Le faire avec une bienveillance qu'il n'avait jamais eue en tant que professeur était pour lui une nouvelle et agréable découverte. La complicité naissante avec les adolescents le poussait à vouloir les protéger et suivre avec l'avidité protectrice d'un parent leurs premiers pas dans le monde magique une fois leurs diplômes obtenus. Même s'il fallait le reconnaître : Harry avait astucieusement posé les premiers jalons de sa route. Toutefois, l'heure était au conseil de guerre plus qu'à la plaisanterie, et tous trois le savaient.

*

Harry s'était coulé dans les bras de Severus, glissé sous la soie de draps défaits et froissés. L'étoffe noire miroitait sur sa peau blême. Harry était beau, lascivement offert dans le lit, pressé contre le torse de son amant. La tête posée contre son épaule. Ils avaient parlé de maintes et maintes choses avec Hermione, toute la soirée durant. Le jeune Lord lui avait offert la direction des affaires de la famille Gaunt, transmis les dossiers. Son mari, quant à lui, avait convenu avec la jeune fille de la teneur de l'enseignement qu'elle recevrait ainsi que sa fréquence. Les cartes se mettaient en place, et le jeune couple s'était senti obligé de fêter l'heureuse nouvelle par quelques instants d'une débauche effrénée.