Un remède de gobelin

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Désemparé, Severus Rogue avait refermé ses bras sur le corps du jeune homme qui hoquetait contre lui. Il n'avait pu lui arracher le moindre mot lorsque le jeune lord était entré dans la pièce et avait vacillé, en pleurs contre son torse. Il l'avait amené à lui dans un canapé et le tenait à présent étroitement serré sans volonté réelle de le lâcher. Harry Potter s'abandonnait au désespoir avec tant de force que le professeur ne savait comment attraper le problème. Il se jeta finalement à l'eau en priant tous les dieux pour ne pas se faire envoyer sur les roses.

« L'entrevue avec les Weasley s'est si mal passée ?

- Pire que ça ! Je vais être obligé d'épouser Ginny en plus de vous épouser, vous ! Le contrat Prince ne concerne que les maisons Black et Gaunt, pas la maison Potter... Je dois être le seul gars au monde à être autorisé à la polygamie...

- Au monde, sans doute pas : c'est très fréquent dans certaines cultures.

- Ne te fous pas de moi, Severus. »

L'enseignant tiqua, suspendant quelques secondes la caresse qu'il égarait machinalement sur le dos de son promis. Ce dernier, tout à son désespoir ne sentit pas le raidissement du corps de Severus. Celui-ci pourtant, repris la parole d'une voix étonnamment douce.

« Peut-être pourrait-on aller voir les gobelins ? Si nous nous marions en premier avec une clause interdisant la polygamie ou exigeant la fidélité, le contrat avec Miss Weasley passerait nécessairement au second plan : deux maisons ont toujours plus de poids qu'une seule, même si un contrat nominatif prévaut normalement. »

Harry renifla en essuyant rageusement une larme, recommençant à tutoyer Severus Rogue sans y prendre garde. Son aîné décida de s'aligner sur cette étrange nouvelle proximité.

« Tu as raison....

- L'autre solution étant que je ne prenne pas le titre de Lord Prince. Tu ne serais alors pas tenu de m'épouser et ne verserais pas dans la polygamie.

- C'est pas la polygamie qui me dérange, Severus, c'est Ginny. Je veux t'épouser.

- Quelle idée... »

Les deux hommes levèrent simultanément les yeux au ciel, l'un excédé de ce que son ancien professeur ne veuille pas voir l'évidence, l'autre trop choqué par cette évidence pour la croire durable. Quelques secondes de silence s'installèrent durant lesquelles chacun prit conscience du geste de l'autre, puis un grand éclat de rire jaillit simultanément de leurs deux gorges.

*

Magrida avait connu beaucoup d'épineux problèmes au cours de sa carrière, et celui-ci n'était ni pire ni meilleur que ceux qu'elle avait endurés auparavant. Elle avisait le contrat présenté par Lord Black-Potter-Gaunt et par Severus Rogue qui deviendrait, sous peu, Lord Prince. Car c'était de cela qu'il s'agissait, naturellement.

« Bien, je pense avoir une solution partielle à votre problèmes, Mylords. Partielle uniquement, cependant. Je crains, Lord Black-Potter-Gaunt, que vous ne soyez bel et bien contraint d'épouser Miss Ginevra Weasley après tout. La règle à laquelle a fait référence Albus Dumbledore est exacte et active à partir du moment où plus d'un titre est porté. Puisque ça n'a pas été le cas depuis trois cent quarante deux ans, je n'en ai eu connaissance qu'après des recherches. Mais la vérité est qu'elle n'a en effet pas été abrogée.

- Génial, fit sarcastiquement le sauveur du monde. Et donc, votre solution partielle ?

- Nous pouvons... compliquer les choses pour la famille Weasley. Le double contrat familial doit primer, faute de quoi Lord Prince pourrait demander réparation. Je vous propose donc de vous aider à établir un contrat optimal pour vous deux qui puisse contrecarrer votre autre union. Mais avant toute chose, il faudrait que Severus Rogue ici présent reçoive l'héritage Prince. »

Tandis qu'Harry sortait pour laisser un peu d'intimité au Lord à venir, Severus Rogue sentait une inquiétude sourde en lui.

« Et si jamais les Prince sont liés par contrats à d'autres familles ?

- Je pense sincèrement que le contrat Black-Gaunt prévaudra. Pour le reste, il faudra voir ce qui peut être accompli par vos enfants, mais je suppose que Lord Black-Potter-Gaunt et vous-même aviserez en temps voulu.

- Finissons-en, alors. »

La lettre testamentaire fut décachetée, l'anneau de famille apporté. Quelques instants plus tard, Harry revint dans la pièces. Severus n'avait pas fondamentalement changé, si ce n'était l'anneau d'or blanc aux armoiries des Prince passé à son annulaire gauche... Bientôt, une alliance viendrait rejoindre cette bague singulière. Pour le meilleur et pour le pire. Il se rassit à ses côtés, scrutant l'onyx de ses prunelles : leur destin était en marche.

« Bien, travaillons donc à l'établissement d'un contrat de mariage digne de ce nom ! » fit joyeusement la gobeline en se frottant les mains.

Il en résulta deux heures de travail acharné pour parvenir à ce que Magrinda considérait comme la pépite de sa carrière. Celle-ci admira son œuvre tandis que les deux hommes récapitulaient.

« Il faut donc que l'on se marie avant que tu n'épouses la miss Weasley. Observant cela, nous disons donc qu'en nous épousant, nous devenons mutuellement Lord consort de l'ensemble des autres, ce qui fera de toi le Lord consort Potter, ce qui retire toute Lady Potter de l'équation. Ce faisant, tu seras mon époux principal, Severus, et tu pourras invoquer quand tu le désires la clause de 'devoirs conjugaux' m'interdisant de fréquenter le lit de qui que ce soit d'autre que toi – par pitié ne l'oublie pas, celle-là. Deux enfants minimum, et ils seront prioritaires sur tout héritage de leurs parents, l'héritage Potter notamment, ce qui déshérite d'éventuels enfants issus du mariage avec Ginny. Etant mon époux principal, et Ginny n'étant pas elle-même lady de la maison Weasley, tu es seul à décider de mon droit d'avoir ou non des enfants avec ma seconde épouse, et ce, quelque soit le contrat passé avec la famille Weasley. A cela s'ajoute la possibilité de demander pour moi la répudiation d'un conjoint secondaire passé deux ans de vie commune, sans dédommagement. Nous aurons tous les deux le droit de travailler, bien naturellement.

- Ce me semble un bon résumé, en effet. Il te faudra négocier avec les Weasley le droit pour Ginny de travailler et subvenir à ses besoins, ainsi que la réduction du nombre d'enfants imposés afin de préparer psychologiquement Miss Weasley à une profonde déconvenue. Puisque nous garderons tous deux nos comptes séparés, tu verseras à chacun de tes conjoints une pension, pension que je te rembourserai pour ma part, afin que toi comme moi conservions notre indépendance financière, il te faudra simplement subvenir aux besoins de Miss Weasley tant qu'elle n'aura pas de travail. »

Noblesse obligeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant