J'ai un haut le cœur en entendant les pleurs d'Anna. J'ai mal au ventre tandis que Mike mastique.
A côté, y'a la femme de ménage, le dos courbé qui astique.
A côté, y'a les gens qui pissent le sang dans la salle d'attente et le corps frêle qui convulse sur un brancard abandonné dans un coin. Y'a pas assez de médecins pour la foule, y'a leurs visages cernés qui ont autant de sommeil que nous.
Ça n'a pas de sens. Ça n'en a plus. Peut-être que ça n'en a jamais eu.
J'ai un flash ; l'existence en parenthèse, le fast-food, nos souvenirs en demi-teinte.
Je n'ai pas envie que la vie s'achève.
Finalement, quelques uns sortent de la salle. On nous regarde droit dans les yeux. Le temps s'arrête. Regards. Ça s'croise, ça s'abaisse et, dans le court laps de temps qui suit, je devine la défaite. Désolé, qu'ils disent, j'ai le regret de vous annoncer, comme si c'était obligatoirement solennel, on n'a rien pu faire pour la sauver, comme si ça dépendait du ciel.
Et là, tout s'effondre. Là, y'a plus de vie. Là, y'a plus de monde.
Je touche le sol sans même m'en rendre compte. Anna s'arrête et ses chaussures crissent sur le seuil de la mort. Mike, avale de travers sa dernière frite puis il n'y touchera plus jamais parce que ça lui donnera envie de vomir, puisque ça rappellera de mauvais souvenirs, puisque ça apportera sournoisement des regrets, puisque de toute façon tout est à jeter.
Quant à Anna, elle brûlera ses talons dont le bruit pourrait ouvrir la porte de l'enfer.
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Dans la Ville Lumière
Short StoryOn était sympathiques Anna, Mike, toi et moi. On était un peu en perdition mais on allait se relever ! La vie c'est des hauts, c'est des bas, c'est des pauses, des respirations pour repartir : du bas vers le haut. C'est dans cette optique qu'on a...