Dr Reed se massa les tempes longuement avec l'espoir fou d'apaiser son mal de crâne. Il avait l'impression de le faire beaucoup ces derniers temps. Il se sentait exténué. Sa femme lui avait conseiller de faire appelle a un collègue ou bien même de se faire remplacer. Il ne voulait pas se faire remplacer. Il avait eu l'impression de faire des progrès avec sa patiente, il était persuadé que changer de thérapeutes ne ferait que la faire régresser.
Cependant, il devait bien admettre qu'il avait rencontré une impasse récemment. Depuis qu'elle lui avait dit que son autre elle avait peur de quelque chose, elle ne lui en avait plus parlé. Elle avait simplement dit qu'elle en avait trop dit et que c'était dangereux de s'aventurer plus loin. Puis silence radio.
Il devait commencer sa séance dans 5 minutes et n'avait aucune idée de comment débloquer la situation. Il avait bien pensé à faire venir un de ses proches mais on lui avait refusé sous prétexte qu'elle ne pouvait pas être influencée par l'extérieur durant son évaluation. Il commençait à manquer de temps.
Il soupira, embarquant sa tasse à café et entra dans la salle de thérapie, souriant aimablement comme toujours. Il la salua, elle répondit tout bas et il s'assit. Il resta silencieux un petit moment et elle le fixait sans rien dire. AU bout d'un moment, visiblement mal à l'aise, elle finit par demander:
- Est-ce que tout va bien?
- Ecoute Nayla, je vais être totalement honnête avec toi. J'ai l'impression que l'on n'avance plus vraiment toi et moi, et ça m'embête parce que ton procès se rapproche à grand pas...
- Je... C'est pas que je veux plus parler. Je veux juste pas parler d'elle.
"Encourageant", pensa le Dr Reed.
- C'est pour cela que je voudrais que tu me parles un peu de ta famille. Tu as des frères et soeurs.
Elle eut des yeux ronds et stoppa tout mouvement. Depuis quelque temps, il lui apportait de quoi dessiner après qu'elle lui ait avoué adorer ça. Elle soupira.
- Deux. J'ai un frère. Un grand frère. Asher. Mais il s'est disputé avec les parents il y a un moment et je ne le vois presque jamais maintenant.
- Est-ce que tu sais à propos de quoi est-ce qu'il s'est disputé avec vos parents?
- Plein de trucs, fit-elle avec un léger rire, sec, ironique. Plein de trucs, souvent. A propos de mes parents, de moi aussi. Il n'était pas d'accord avec ce que mon père faisait. Et puis il pensait que maman était folle et qu'elle avait un problème.
Le médecin parut surpris. Il s'attendait à ce qu'elle ait plus de mal à se confier sur ses parents. Il remonta ses lunettes et s'appuyant sur les coudes, il demanda prudemment.
- Qu'est ce qu'il se passait exactement? Que faisait votre père qui le mettait en colère? Pourquoi disait il que votre mère était folle.
- Mon père faisait ce truc de chrétien, de te dire sans arrêt: tu dois oublier, tu dois pardonner. Pour ne pas se coucher en colère, il disait. Comme si les choses que tu vivais n'existaient pas, comme si ce n'était rien du tout. Sauf que c'était pas rien du tout. Il se mettait en colère, fort. Il criait, balançait des trucs à travers la maison. C'était pas un mauvais père, il avait juste des problèmes de gestion de la colère qu'on aurait aimé qu'il règle avant. Il a finit par le faire, c'est devenu un nounours mais c'est dommage que ce soit trop tard.
Elle prit une inspiration, s'étirant sur la table devant elle, comme si elle faisait une pause pour permettre au Dr Reed de digérer. Puis elle continua.
- Ma mère, s'il disait qu'elle était folle c'est parce que quelque part elle l'est vraiment. Avec elle c'était toujours pareil: tu pouvais pas ne pas être d'accord ou alors elle te culpabilisait à coup de "de toute façon vous êtes toujours contre moi" "de toute façon pour vous je suis une mauvaise mère". Et puis tu marchait sur des oeufs parce que un coup elle te faisait un câlin hyper sympa et la minute d'après elle te regardait droit dans les yeux en te disant qu'elle voyait que tu la jugeait, que tu lui voulait du mal et que de toute façon, tu étais un enfant plein de jalousie, mauvais. Enfin ça c'était quand elle me voyait, parce que la plupart du temps j'étais invisible à ses yeux. J'ai toujours cru qu'elle pouvait pas aimer mais devinez quoi? En fait, si elle peut aimer, elle peut juste pas m'aimer moi.
- Pourquoi... pourquoi ne pas avoir porté plainte dans ces cas-là ? Parce que ce que vous me décrivez, ça peut être considéré comme de la violence vous savez?
- Parce qu'on voulait rester ensemble, avec mon frère. On voulait pas être séparés, c'est aussi simple que ça. Pour moi, c'est lui mon parent. C'est lui qui s'est occupé de moi toute mon enfance. Et puis notre famille a des secrets et on avait trop peur de les dévoiler.
Le médecin ne fut pas surpris de constater que pour quelqu'un déclaré comme "mentalement inapte", elle paraissait avoir un raisonnement plutôt cohérent. Depuis le début, elle lui avait semblé très lucide. Mais il n'était pas sûr que cela aide son cas pour autant.
- Quel genre de secrets?
- Il parait que mes parents ont tué quelqu'un. Enfin c'est une rumeur qui n'est pas tout à fait vraie mais qui cache bien la vérité. Demandez à mon frère.
Le médecin à la gorge sèche. Il ne sait plus quoi dire. Et si la jeune fille lui mentait ? Mais il devait tout de même contacter la police, il devait savoir si c'était vrai. Il ne dormait plus jamais bien en pensant que près de chez lui, un possible meurtrier dormait sur ses deux oreilles.
- Nayla, j'ai une question à te poser...Pourquoi ? Pourquoi es ce que tu m'en parle maintenant ? Pourquoi à moi ?
- Parce que de toute façon, j'ai plus beaucoup de temps comme vous l'avez dit vous même. J'ai lu ce qu'on disait sur moi dans le journal. Et puis de toute façon, vous commencez déjà à comprendre la vérité à mon sujet, n'est ce pas docteur?
Le Dr Reed avala la salive. Oui. Oui, il savait.

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TRUST NO ONE
Short StoryQuand un meurtre survient dans cette petite université, le coupable parait évident, c'est ELLE. Mais... Et si derrière ce meurtre ce cacher une autre vérité, bien plus lourde à porter?