Ce matin-là, quand le Dr Reed entra dans la pièce pour sa séance avec Nayla Blake, celle-ci lui fit un signe de tête comme salutation. Il nota cela comme un progrès. Vu l'état de la situation, tout comptait comme un progès. Souriant, il s'assis face à la jeune femme. Aujourd'hui elle n'avait plus de camisole, seulement une paire de menottes qui l'attachaient à la table, ce qui constituait déjà un allégement des mesures restrictives.
- Bonjour Nayla, fit-il. J'ai quelque chose pour toi.
Il déposa une boîte de chocolat noir sur la table devant lui et la poussa dans la direction de Nayla, doucement en lui souriant pour essayer de la mettre en confiance. Il se fit la réflexion que s'il était dans une toute autre situation, il serait probablement celui commettant des crimes.
- Je crois me souvenir que tu avais dit aimer ça. C'est pour toi.
Nayla tenait la tête plus droite que les fois précédentes. Elle semblait un tout petit peu plus en confiance. Nayla ne bougea pas, figée comme une biche en plein phare, semblant hésiter sur la marche à suivre. Le Dr Reed lui fit un léger signe de tête pour lui faire comprendre qu'elle pouvait se servir et elle eut un maigre sourire, avançant ses mains menottées vers la boîte prenant un chocolat en murmurant un merci. Elle en mangea un et ses yeux s'éclairèrent d'une lueur enfantine.
- Je crois comprendre que ça te plait ! Bien, tant mieux, c'est une bonne nouvelle. Je ne sais pas si tu es au courant mais un de tes ami est venu prendre de tes nouvelles. Avec le procès, il n'a pas eu le droit de te voir, mais je voulais que tu le saches.
- Qui?
- Un certain Park Yû-min. Il t'a apporté des livres, on les amènera dans ta chambre dans la journée.
Elle hocha la tête, signe d'acceptation, pourtant, son esprit semblait ailleurs, bien loin des préoccupations de sa vie actuelle. C'était quelque chose qu'elle faisait régulièrement sans vraiment en prendre conscience: elle laissait sa conscience dériver et soudain elle était dans son monde, difficile à atteindre. Ca ne durait jamais vraiment longtemps et le Dr Reed avait été former à ne pas se formaliser de ces dissociations. Quand elle revint sur terre, clignant des yeux fort pour s'encrer dans le présent, le Dr Reed reprit:
- J'ai quelques questions à te poser, comme d'habitude. Tu es prêtes?
Nayla haussa les épaules. Prête ou pas, elle finirait par se faire interroger de toute façon.
- Et si tu me parlais de tes amis, musique l'on était sur le sujet?
- Dire quoi?
- Ce que tu veux. Parle-moi d'eux.
- J'en ai pas beaucoup. C'est pas que j'en veux pas ou que je suis pas sociable mais j'ai du mal à faire la conversation. Je me sens toujours bizarre ou mal à l'aise, comme si j'avais rien d'intéressant à dire ou que j'allais passer pour une débile. Avec Rachelle, ma meilleure amie, c'était facile, parce qu'on est devenu copine avant l'adolescence et que j'ai conscience de moi. Avant que je réfléchisse trop.
Elle prit un second chocolat dans la boîte, l'engouffrant rapidement dans sa bouche comme si quelqu'un allait lui retirer avant de continuer.
- J'ai rencontré Yû-min, mon autre meilleur ami, au lycée et ça a de suite bien accroché parce qu'on avait plein de passion en commun et qu'on se cherchait tous les deux à l'époque. Comme j'avais un style alternatif un peu gothique, les gens avaient peur de moi et s'en prenaient moins à lui.
- Il se faisait harceler?
- Pas vraiment. Il est gay et on était dans un lycée catho. Les gens parlaient, surtout dans son dos, c'était des regards en coin, des remarques déplacées. C'était des petites bousculade qui paraissait accidentelles, des petites phrases pas vraiment visée balancer en l'air mais dont tout le monde comprenait le sens caché. Les gens sont plus subtiles quand ils viennent de la haute.
- Je vais te poser une question, mais je ne veux pas que tu sois mal à l'aise. Qui est cette elle dont tu me parlais la dernière fois ? Une amie à toi?
Nayla fixa le médecin quelques secondes et ramena une mèche de cheveux derrière son oreille en se mordillant la lèvre inférieure. Parler d'elle, c'était admettre ce lourd secret qu'elle portait depuis toujours, celui que ses parents avaient toujours voulu cacher. Elle avait toujours voulu s'en décharger, mais quand elle avait vu la tête de Yû-min quand elle avait effleuré la vérité, elle s'était retenue. Elle n'avait pas envie de traumatiser plus de personnes.
- Je crois pas qu'elle ait envie que je vous en parle. Chuchota Nayla en s'avançant légèrement vers le médecin. Mais non, ce n'est pas mon amie. Certainement pas, même si elle aimerait convaincre tout le monde du contraire.
- Dit moi ce que tu peux d'accord ? SI tu ne veux pas répondre, c'est pas grave, on passe à la suivante.
Elle acquiesça, semblant porter tout le poids du monde sur ses frêles épaules.
- Tu sais son prénom ?
Elle fit oui de la tête, sans répondre verbalement. C'était déjà étrange de reconnaître son existence face à quelqu'un d'extérieur. Mais elle avait la sensation qu'elle pouvait faire confiance au Dr Reed. Elle espérait ne pas se tromper.
- Comme moi. Plus ou moins. je sais pas si c'est vraiment comme moi mais tout le monde l'a toujours appelé Nayla.
- Et tu sais où elle est?
Elle fit non de la tête. Elle entrouvrit la bouche comme pour parler, comme si elle hésitait, puis la referma.
- Depuis combien de temps tu la connais?
Elle haussa les épaules.
- Je vais vous dire quelque chose... souffla-t-elle. Je sais pas ou elle est mais si je devais répondre quelque chose d'honnête je dirais dans ma tête, constamment. Je la connais depuis toujours. Avant je pouvais la contrôler, plus ou moins, mais maintenant, c'est comme si... comme si elle voulait faire passer un message, comme si elle avait quelque chose à dire. Et c'est impossible de la cacher.
Le Dr Reed prit note mentalement de ce qu'elle disait. Elle parlait ouvertement de sa deuxième personnalité, connaissant visiblement son existence. Cela voulait dire qu'il ne devait pas y avoir beaucoup de barrières entre elles. Le Dr Reed pensa qu'il devrait bientôt essayer de s'entretenir avec elle.
- Est ce que vous pouvez lui parler? Est-ce que vous avez un moyen de lui demander ce qu'elle veut nous dire ?
Elle fit non de la tête, à nouveau.
- Vous n'avez pas de moyen de la contacter?
- Elle ne me parle pas à moi, plus maintenant. Mais je suis sûre d'une chose: elle parlait à Josh. Je m'en suis rendu compte quand il me parlait de trucs que je comprenais pas du tout alors que visiblement lui avait eu des conversation avec moi. Bah c'était pas moi.
- Mais pourquoi l'aurait-elle tué si elle avait un message à transmettre? Parce que comme vous m'avez dit être innocente c'est bien c'est elle n'est ce pas?
Nayla fit oui de la tête, visiblement satisfaite qu'il ai compris ou elle voulait en venir.
- J'en sais rien. Je suis pas dans sa tête.

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TRUST NO ONE
ContoQuand un meurtre survient dans cette petite université, le coupable parait évident, c'est ELLE. Mais... Et si derrière ce meurtre ce cacher une autre vérité, bien plus lourde à porter?