Décembre 1998
Sale temps pour être un gangster à Chicago, pensa DeMarcus Jones en voyant la porte de son bureau voler en éclats.
Il s'y était attendu, bien sûr.
Des rumeurs circulaient dans les rues ces dernières semaines. Des histoires à dormir debout sur un empaffé encapuchonné qui prétendait nettoyer la ville. Oui, DeMarcus voulait bien croire au preux chevalier combattant le crime pour défendre la veuve et l'orphelin. En fait, ça avait même un coté carrément cool, quoiqu'un peu suicidaire. Mais, non, il refusait de gober les salades selon lesquelles il pouvait vous envoyer valser dans les airs en clignant des yeux ou vous briser chaque os de la main ,un par un, sans vous toucher. Les super-héros, c'étaient des conneries pour les gosses ou les adultes qui ont oublié de grandir.
Il fut pourtant obligé d'admettre que son arme lui vola littéralement des mains, attirée par une force invisible, au moment où l'individu franchit la porte. Il en resta bouche bée. Les ragots disaient donc vrai. Il portait une sorte de longue cape de voyage foncée, une grande partie du visage dissimulée par une capuche. L'inconnu tendit une main et DeMarcus sentit ses jambes flancher. À contrecœur, il se retrouva assis sur sa chaise, ou comme il aimait à l'appeler, son trône.
«Putain, mais t'es qui ? Où sont passés mes gardes ? »
Pour toute réponse l'inconnu attrapa un verre sur le comptoir et se servit une bonne rasade de la bouteille de tequila qui traînait sur le bureau.
«Hé mais tu te crois où ? T'as une idée de combien ça coûte ce truc ? Tempêta Demarcus en se levant.
-Assis, répondit l'autre.
-Merde, mais t'es une gonzesse !
-Ça vous étonne toujours... Tes petits copains ne t'ont pas dit qu'une femme leur avait botté le cul ? »
Sa voix était très calme, comme si menacer des gens était quelque chose de tout à fait normal et habituel pour elle. Il se raidit quand elle s'approcha de lui. Ses airs de faucheuse lui donnaient un aspect terrifiant qui contrastait avec l'odeur fruitée qu'elle laissait dans son sillage.
«Il y a des gardes armés partout dans l'immeuble. Tu devrais partir avant qu'ils rappliquent et te transforment en gruyère! »
Il fallait tenter le bluff, sait-on jamais. Pour toute réponse, elle éclata d'un rire d'outre-tombe.
«Tu parles des quatre mecs inconscients dans le couloir ?
-Mais t'es qui, bon sang ?
-Oh, ça n'a pas d'importance. Tout le monde se fout de qui je suis. Mais je sais qui tu es, DeMarcus Jones et je sais ce que tu fais. Tu es celui qu'on appelle "Papa Chnouf", nom assez ridicule, soit dit en passant. J'ai une petite question pour toi : rien que cette semaine, as-tu une idée de combien de personnes ont souffert à cause de l'héroïne que tu refourgues ?»
Elle marqua un silence. DeMarcus ne broncha pas, tétanisé.
«Six. C'est le nombre d'overdoses mortelles que TU as provoquées. Mais tu t'en fous. Tu vis, ici, dans les beaux quartiers, au sommet d'un gratte-ciel pendant que ta drogue tue des gens, détruit des familles et pousse des gamins paumés à se tirer dessus pour un coin de rue. La seule chose qui t'intéresse, c'est ton putain d'argent»
Nouveau silence. Elle porta le verre à sa bouche et le vida d'un trait. Il eut un rapide aperçu de ses yeux, et ça le conforta dans l'idée qu'il allait souffrir. Il y avait quelque chose de dément au fond de ces deux billes noisette.
«Mais, ça se termine ce soir, reprit-elle. Finie la belle vie,finis les voitures de luxe et l'alcool hors de prix, DeMarcus. Ce soir, j'y mets un terme. Je vais te passer l'envie de recommencer quand tu sortiras de taule.
-De taule ?
-Crois-moi, quand j'en aurais fini avec toi, tu te rendras de toi-même au premier poste de police.
-Tu sais que si tu me tues, un autre prendra ma place, hein ?
-Ouaip. Et je viendrais pour lui aussi, mais tu te trompes sur un point: je ne vais pas te tuer. Je vais juste te faire mal »
Comme pour illustrer ses propos, elle inclina la tête. C'est là qu'il ressentit la pire douleur qu'il eut connu. Il jeta un regard apeuré à sa main droite et fut sur le point de rendre son diner. Aucun de ses doigts ne semblait plus dans le bon sens ; Chaque phalange était cassée. Il sentit les larmes lui monter.
« Putain de tarée d'enfoirée mes deux ! Tu es un monstre !
-Je sais, c'est bien ça le problème »
Il tourna de l'œil avant qu'elle ne s'attaque à l'autre main.
*
Le cas NightElf fit débat tout au long de l'hiver 1999. Si cette mystérieuse femme rendait les rues plus sûres, elle n'hésitait pas à employer des moyens qui auraient fait blêmir les psychopathes les plus chevronnés. Peut-être par peur de ses habilités hors du commun ,ou, pour éviter que d'autres citoyens ne décident d'appliquer leur propre conception de la justice, on décréta qu'elle était un danger public et que sa place était en prison.
C'est ainsi qu'elle devint la femme à abattre.
La ville promit une généreuse prime à quiconque détiendrait des informations pouvant conduire à sa capture. Beaucoup prétendirent connaître son identité, mais personne ne lui mit jamais le grappin dessus. Elle était un fantôme. Elle continuait de combattre le crime dans l'ombre et force était d'admettre qu'elle faisait un sacré bon boulot.
Petit à petit, l'affaire s'ébruita hors des frontières de l'Illinois et trouva une résonance toute particulière dans une petite ville de l'Indiana. À Hawkins, on avait déjà eu une super-héroïne. De nombreux habitants firent le lien avec la gamine qui avait sauvé tous ces gens lors de l'été 1991 (Mais si, souvenez vous, cette gosse que le shérif avait recueillie!).
Pourtant, tous étaient formels: il était impossible qu'il s'agisse de la même personne .
Officiellement, Jane Hopper était décédée lors de l'explosion du laboratoire, la nuit du 4 juillet 1991.
VOUS LISEZ
We Can Be Heroes (fanfiction Stranger Things)
FanfictionPrintemps 1999. Cela fait désormais huit ans qu'Eleven a fui et laissé son ancienne vie derrière elle, terrifiée par un coté obscur qui la dépasse. Installée à Chicago, elle survit de petits boulots et vit au jour le jour. La nuit, elle endosse l'i...