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C'était la première fois qu'elle le voyait en vrai. Jane devait avouer qu'il correspondait à la description qu'on en faisait : un petit homme chauve en léger surpoids et à l'épaisse barbe grisonnante.

« Vous saviez. Tout ce temps, vous saviez que j'étais en vie, à deux pas de chez vous »

Bauman leva son verre, l'agita à la manière d'un amateur de vin et l'avala d'une traite. Ses lèvres s'étirèrent en un sourire aux dents jaunies lorsqu'il répondit:

«Voyez-vous,j'ai la malchance d'être venu au monde doté d'une intelligence supérieure et d'un sens de la déduction hors du commun.

-La modestie n'est pas dans votre catalogue, on dirait. L'alcoolisme et la paranoïa, oui, en revanche »

Bauman éclata de rire.

« Content de constater que la verve acérée que les médias vous prêtent n'est pas un mythe »

Il se redressa d'un bond.

« Votre visite mérite bien une petite ambiance sonore ! »

T'es sure de ton coup, petite ? Il m'a tout l'air d'un illuminé.

Elle l'observa se diriger vers la platine qui trônait sur une pile de livres et se mettre en quête d'un vinyle adéquat. Elle réfléchit à ce que venait de dire la bête. Oui, Murray Bauman était étrange. Il vivait dans un entrepôt qui n'était référencé nulle part et avait tapissé ses murs de feuilles de plomb, ce qui expliquait qu'elle ne soit pas parvenue à le localiser mentalement. Le sol était jonché de bouteilles vides ; l'air charriait une odeur de renfermé.

Cependant, il était la seule personne à même de l'aider. Comme elle s'y était attendue, les dossiers du FBI que Kali lui avait fournis n'avaient rien donné. Officiellement, le tueur qu'elle recherchait n'existait pas. Pas de rapports d'autopsie, pas de cadavres. Rien. Seulement des jeunes femmes disparues et des familles inquiètes.

L'affaire était étouffée, c'était évident.

Mais Bauman, lui, avait enquêté, prés de vingt ans auparavant, lorsqu'il était encore la légende du journalisme d'investigation qu'il avait été et non le vieux détective complotiste sur le déclin qui se tenait devant elle. Si sa réputation était fondée, Jane était persuadée qu'il en savait plus que quiconque sur cette affaire.

«C'est notre meilleure option » dit-elle.

 Elle sentit la bête se renfrogner .

« Qu'avez-vous dit ? Demanda Bauman, toujours perdu dans ses cartons de disques.

-Rien, je pensais à voix haute.

-Tiens, ça devrait faire l'affaire ! » S'exclama-t-il avant d'avoir écouté la réponse de son interlocutrice.

Une musique douce se lança. Un son jazzy qui rappelait vaguement quelque chose à Jane, sans qu'elle ne parvienne à se souvenir du titre ou des artistes.

«Bon, passons aux choses sérieuses, dit-il en attrapant un second verre à la propreté douteuse. Vous êtes ici pour le Tueur aux numéros.

-Vous n'aviez pas mieux comme surnom ?

-C'est mon rédacteur en chef de l'époque qui l'a choisi. Si ça n'avait tenu qu'à moi, je l'aurais nommé Le Mangeur d'Yeux.

-Vous pensez qu'il les mange ?

-Qui sait ce que ce malade en fait ? Non, ça aurait eu beaucoup plus de gueule en couverture, mais rien ne s'est passé comme prévu »

Il soupira, le regard perdu dans le vague. Il ouvrit une bouteille de vodka, remplit les deux verres,en fit glisser un vers Jane et tira une boite à chaussure de sous sa table basse. 

We Can Be Heroes (fanfiction Stranger Things)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant