1er Juillet 1991
La ville sentait la fête à plein nez.
La veille, les camions des forains étaient arrivés et en l'espace d'une nuit, la foire semblait être sortie du sol. Comme chaque année tout y était, du palais des glaces à la maison de l'horreur en passant par les stands de barbe à papa qui diffusaient leur odeur sucrée à des kilomètres à la ronde. Au milieu de ce royaume des plaisirs, la grande roue trônait, souveraine, surplombant le vaste champ appartenant à la mairie qui voyait sa fréquentation exploser le soir de la fête nationale.
Steve se souvenait y être monté alors qu'il sortait encore avec Nancy Wheeler. Quand le gérant du manège arrêtait les nacelles et que vous vous retrouviez au sommet, vous étiez le roi du monde. Bien qu'en vérité, l'attraction ne fasse pas plus de dix-huit mètres, la vue était saisissante. D'en haut, tout paraissait ridiculement petit. Même ce qui avait été le laboratoire de Hawkins (pourtant l'un des bâtiments les plus imposants du comté) que vous pouviez apercevoir à condition de regarder dans la bonne direction ne ressemblait qu'à un cube difforme.
En démarrant sa voiture ce matin là, Steve était heureux. Il songeait sérieusement à aller patrouiller dans les allées, histoire de faire agir les charmes de l'uniforme sur la fille canon qui gérait le carrousel et surtout de se faire offrir quelques sorbets au citron. C'était l'un des avantages quand vous étiez flic dans une petite ville dans laquelle rien ne se passait jamais - officiellement, du moins. Les gens se faisaient un devoir d'être sympa avec vous en espérant que vous vous souveniez de leurs petits cadeaux lorsque vous interveniez chez eux pour tapage nocturne. Tout le monde adorait Steve et Steve adorait tout le monde, ce qui avait fait de lui l'atout secret de Jim dans les querelles de voisinage. Il parvenait toujours à trouver des compromis sans qu'un seul coup soit échangé.
Bien entendu, il n'avait pas oublié les quelques ombres au tableau. Si la plupart des habitants de Hawkins pouvaient se faire berner, son œil aguerri ne se trompait pas: la majorité des inconnus qu'il croisait n'étaient pas là pour la foire, mais pour mettre la main sur El. Leur comportement parlait sans qu'ils n'aient à le faire. Généralement, ils se contentaient de se poster à un endroit et n'en bougeaient pas de la journée, comme s'ils attendaient qu'elle sorte faire ses courses l'air de rien.
Personne ne savait qu'elle était tout prés, dans ce qui avait autrefois été sa première maison. Steve ne l'avait pas vue depuis l'épisode de la banque mais il ne se faisait pas de soucis. L'éternel optimiste qu'il était se disait que tout finissait toujours par rentrer dans l'ordre. El allait vaincre le monstre qui avait pris possession d'elle et le renvoyer d'où il venait. Obligé.
Sa bonne humeur ne dura que le temps du trajet. Lorsqu'il descendit de son véhicule, il affichait une mine maussade. Toutes les places de stationnement réservées à la police d'Hawkins étaient occupées par des berlines noires aux vitres teintées et il n'avait pas besoin d'être un génie pour savoir que ça ne pouvait présager que des problèmes. Il allait passer la porte, prêt à hurler sur tous ces enfoirés en costume trois pièces de foutre le camp de son poste quand quelqu'un dans son dos l'interpella:«Vous êtes le shérif adjoint ? »
Il se retourna. C'était une femme qu'il pensait déjà avoir croisée au cours de la semaine écoulée. Brune, des yeux marrons, élégante, ni vraiment jolie ni vraiment laide. Un petit air de ressemblance avec Jodie Foster dans Le silence des agneaux, quoiqu'un peu plus âgée. Elle portait un pistolet à la ceinture. Un Glock 17, ce qui pouvait signifier qu'elle était flic, ou plus probablement agent gouvernemental. Steve se dit qu'il aurait carrément pu l'inviter à prendre un verre si elle n'avait pas été une ennemie.
«Ouais, c'est ce que les gens ne cessent de me dire. Et vous, vous êtes qui ?
-Claire Robinson. CIA »
J'aurais dû parier, pensa-t-il.
«Qu'est-ce qui vous amène ici ? Aux dernières nouvelles, ça fait sept ans que le labo a fermé »
L'agent Robinson jeta un regard circulaire et lui fit discrètement signe de la suivre dans la direction opposée au poste. Steve lui emboîta le pas en espérant qu'elle n'attende pas qu'il fasse ses lacets pour l'abattre d'une balle dans la nuque. Il avait vu ça dans un film de gangsters, mais ça ressemblait franchement aux méthodes de la CIA.
VOUS LISEZ
We Can Be Heroes (fanfiction Stranger Things)
FanfictionPrintemps 1999. Cela fait désormais huit ans qu'Eleven a fui et laissé son ancienne vie derrière elle, terrifiée par un coté obscur qui la dépasse. Installée à Chicago, elle survit de petits boulots et vit au jour le jour. La nuit, elle endosse l'i...