Moonless Night

3.

    L'instinct, c'est le destin qui vous met en garde. Le corps décide alors de réagir seul. Mais bien souvent, on l'ignore. Et on a tort.

    Alicia Oldman était revenue plusieurs fois au poste depuis ce jour où Valérian avait senti que toutes les choses auxquelles il était habitué allaient disparaître. Son témoignage était précieux, mais les choses se compliquèrent brusquement, comme le jeune homme s'y attendait. Les médias avaient eu vent de cette affaire, si rare dans un petit village comme celui-ci. Stupides comme ils étaient, ils l'avaient rendue publique. Et ce qui devait se produire se produit. Etait-ce une bonne chose ? Ou était-ce ce qui avait plongé cette équipe dans un sentier qu'elle ne pourrait plus quitter ?

    Les langues s'étaient déliées. Partout. D'abord le district d'Alnwick. Puis le comté de Northumberland. Comté par comté. L'Angleterre entière s'était levée pour parler. Parler d'un homme, habillé en noir, qui violait ses victimes dans une voiture. L'équipe du lieutenant Page n'était plus la seule sur l'affaire, et cela rassura Valérian, comme cela l'angoissait encore plus. Il n'avait pas besoin de connaître le coupable pour savoir que s'il n'était pas attrapé rapidement, il paniquerait. Et sa peur pouvait faire de lourds dégâts. Parce qu'un homme qui avait peur était un homme dangereux.

    Le sang coulerait, il l'avait tout de suite senti.

   Le stress s'emparait de lui chaque jour un peu plus, tandis que toute son équipe se réjouissait. Il ne laissait rien paraître, évidemment. Mais il avait peur. Il se sentait stupide, à angoisser ainsi alors que rien n'était encore arrivé. Il se faisait des films, c'était sûr... Dès le départ, il avait vu que quelque chose clochait. Et s'il avait tout simplement peur de travailler sur une enquête plus difficile ? S'il ne faisait que tourner un drama dans sa tête ? L'enquête était ouverte depuis le 13 novembre et cela faisait trois semaines. Dix-huit cas auraient été recensés dans toute l'Angleterre et des équipes bien plus qualifiées que la leur avaient mis la main dessus... Il se faisait clairement du soucis pour rien !

    Peut-être, mais ces équipes avaient l'habitude de ce genre de cas. Elles attrapaient les pires criminels tous les jours. Cependant cela faisait un mois et cet homme courait toujours. Alors quoi ? Pourquoi n'était-il pas encore devant le juge, à réclamer sa mère devant toutes ses victimes ? Pourquoi ne l'avait-on pas encore attrapé ?

    La petite voix dans sa tête lui répétait que c'était parce qu'il n'avait pas encore fini ce pourquoi il avait été envoyé. Mais cette pensée lui faisait tellement peur qu'il la chassait aussitôt qu'elle apparaissait dans son esprit.

    Un mois passa. Valérian sentait que ce temps ne jouait pas en leur faveur. Que cette volonté ardente d'attraper le responsable s'estompait au fil des jours. La plupart des équipes abandonnèrent l'enquête par manque de preuve, prétendant que les femmes ayant témoignées ne cherchaient que de l'attention. Darwin Page, lui, refusa de se retirer.

-J'ai donné ma parole à cette femme, dit-il lorsque ses supérieurs lui proposèrent d'abandonner. Et un homme doit savoir tenir ses promesses.

    Pour Alicia, Valérian ne voulait pas se retirer non plus. Il avait senti en elle cette détresse qui lui avait fait mal au cœur et avait la certitude qu'elle ne mentait pas. Au fond de ses yeux, il avait lu plus que de la souffrance. Il y avait lu la vérité. Cela lui suffisait. Pourtant, sa raison ne cessait de lui dire d'arrêter cette course folle, avant que ce ne soit cette dernière qui l'arrête. Mais malgré son angoisse et le pressentiment qui ne le quittait plus depuis maintenant un mois, Valérian refusait de revenir sur cette promesse qu'il avait faite. Tant que Darwin était sur cette affaire, il y serait avec lui. Et pour Valérian, le travail d'équipe était quelque chose d'important. Il ne ferait pas les choses seul.