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-Encore une affaire de bouclée...

    Jill fit craquer les vertèbres de son dos contre le dossier de sa chaise avec un grand sourire.

-Ce n'est pas comme si on en avait souvent, rit Valérian.

    La jeune femme le regarda avec malice :

-Qu'est-ce que tu racontes Val' ? Comment tu peux dire ça ? Avec tout le boulot qu'on a dans cette grande ville !

    Valérian pouffa. Ce genre d'ironie ne le faisait rire qu'à moitié et il était on ne peut plus sérieux dans sa remarque. Jill avait grandi ici et n'avait connu que ça, elle ne pouvait pas comprendre. Comprendre comme il s'ennuyait et avait envie de faire ses preuves. Non pas qu'il attendait un meurtre avec impatience ! Mais ce petit village ne lui offrait rien d'autre que de petits délinquants des bacs à sables qui rentraient pleurer dans leurs chambres à la moindre remise à l'ordre. Alors que ce monde regorgeait de pourritures qui n'attendaient qu'à être punies ! Et lui, il était là, dans son petit fauteuil, à attendre qu'un gamin face un pas de travers afin d'avoir une excuse pour sortir. Il était frustré, oui, c'était le mot juste. Frustré de n'être qu'un petit policier de campagne. Alors que son rêve à lui était d'attraper les plus grands criminels du globe. Avoir une renommé, être riche. Un rêve de gosse. Mais il était là, à moitié satisfait d'avoir coincé un cambrioleur à deux noix. Un simple amateur, rien d'excitant.

    Depuis toujours, les âmes n'avaient aucun secret pour Valérian. Analyser les gestes, comprendre un comportement, juger une personne. Il était fait pour ça. Il était rentré dans la police dans le but de devenir profileur, comme ses idoles qu'il regardait à la télé tous les lundi soirs, s'imaginant à leur place. Profileur, bien sûr. C'était beau dans les films. Mais ce n'était pas la réalité. Cette réalité l'avait muté en campagne, dans une petite bourgade bien perdue. Et il s'ennuyait. Loin de ses rêves d'enfant et de ses ambitions folles. Il connaissait son équipe par coeur. A défaut d'analyser un criminel... Autant dire que parfois, il n'avait que ça à faire de sa journée.

   Jill était une femme charmante, âgée d'une trentaine d'années. Valérian n'avait jamais osé lui demander son âge exact. Cela ne se demande pas à une femme, paraît-il. Elle était légèrement plus petite que lui et était ordinaire, sans être laide. Un long nez fin, une petite bouche et des yeux couverts de maquillage. Elle tentait de couvrir ses tâches de rousseurs qu'elle avait du mal à assumer, tout comme ses cheveux ardents qui lui avaient valus un bon nombre de surnoms sympathiques. Jill souriait tout le temps et Valérian pensait d'abord que c'était pour cacher une peine, un secret qu'elle ne voulait pas voir dévoilé. En l'observant et en la cotoyant, il se rendit compte que c'était faux. Aussi incroyable que cela puisse paraître, la jeune femme ne se cachait pas pour pleurer. Elle était donc extraordinairement joyeuse toute la journée. C'était une femme forte mais qui ne prenait pas de décisions elle même. Non pas qu'elle n'était pas intelligente, mais elle aimait se faire guider.

-C'est la plus grosse affaire depuis longtemps... On va de nouveau s'emmerder sec maintenant !

   Xopher s'assit à son bureau avec une moue ennuyée. Le seul point commun qu'il partageait avec Valérian était l'ambition déçue qu'il avait dû abandonner en se faisant affecter à ce poste. Il était le doyen de l'équipe mais n'était pas lieutenant. Et cela, Valérian sentait que ça le tracassait à chaque minute qu'il passait au poste. Il regardait le bureau du lieutenant avec envie, s'imaginant sûrement assit derrière à donner des ordres. Pour donner une exemple concret, disons que si Xopher devait appartenir à une maison de Poudlard, ce serait Serpentard. L'ambition en elle-même. Ce n'était pas un sale type, mais il avait un caractère très spécial que beaucoup dans l'équipe ne supportaient pas. Grincheux et toujours de mauvaise humeur, tout le contraire de Jill. Ils étaient le jour et la nuit. L'une rayonnait, l'autre vous étouffait avec ses mauvaises ondes. Et pour revenir à la référence à Harry Potter, Xopher faisait une caricature parfaite du professeur Rogue. Cheveux gras, teint blanc terreux avec de profondes cernes collées sous ses yeux humides et noirs qui surmontaient un nez aquilin proéminent à l'extrême. Valérian en était même arrivé à se demander si Xopher n'était pas un fan caché de Rogue et avait comme seul but dans la vie de lui ressembler.

Moonless NightOù les histoires vivent. Découvrez maintenant