Cheryl regardait l'horizon défiler à toute vitesse à travers la vitre sale du train qui l'emmenait loin de chez elle. Il se dégageait de son expression une froideur et un petit quelque chose qui n'invitait pas à la discussion. Elle était fermée, les yeux rivés sur le paysage enneigé, comme pour ne pas les poser sur quelque chose d'autre, à savoir un être humain. Ses yeux bleus renforçaient cette impression glacial qui émanait d'elle, comme un aura dur et glacé. Le silence pesait dans le wagon, personne n'osant prendre la parole.
Pearl dormait contre l'épaule de Jill qui se plongeait dans les dossiers de l'affaire une énième fois. Darwin lisait un polar et Xopher avait le regard vide. Valérian ne pouvait même pas deviner ce à quoi il pensait à cet instant tant la vie semblait avoir abandonné son être. Lui contemplait le même paysage de la veille, remarquant à quel point il était identique. Sa place près de la fenêtre lui permettait d'appuyer sa tête contre la vitre et de regarder dehors pour ne pas croiser le regard de Cheryl, assise en face de lui. Elle portait un énorme pull trop grand pour elle, une grande écharpe qui cachait en parti son visage qu'elle semblait ne jamais maquiller et un pantalon qui semblait lui aussi trop large pour elle.
Comme l'avait décrit Gareth, ses mains étaient recouvertes par d'épaisses moufles. Valérian comprenait cette démarche en hiver, car lui-même en portait lorsqu'il faisait froid. Mais d'après ce qu'il savait, cette femme en portait également en été et pendant les canicules. Il se surprit à en chercher la raison, n'ayant que cela à faire pour passer son temps. Peut-être cette femme avait des mains sensibles, ou que cela lui permettait d'avoir des meilleures prises lorsqu'elle se battait. Peut-être complexait-elle seulement sur ses mains. Les femmes étaient étranges, parfois. Et un complexe pouvait vous gâcher la vie. Autant le recouvrir.
Mais peut-être était-ce à cause de cicatrices pas très esthétique. Valérian n'avait pas fait attention à la peau de ses mains la veille, mais seulement à leur tremblements. Il ne se rappelait plus avoir vu quelque chose sortant de l'ordinaire. Si rien ne l'avait surpris, c'était que cela ne devait pas être affreux. Il ne savait pas pourquoi elle s'obstinait à porter ainsi des gants toute l'année. Ne trouvant aucune explication logique, Valérian se dit tout simplement que cela ne le concernait pas et retourna à sa contemplation du paysage. Au bout d'un temps de trajet indéterminé, le train ralentit pour finalement entrer en gare.
Cheryl n'avait pas dit un mot, excepté un salut poli lorsqu'ils s'étaient rejoint. Aucun sourire n'avait franchi ses lèvres rosées et aucune expression de sympathie n'était apparu sur son visage rond. Rien. Une neutralité froide, un sentiment très puissant de mépris. C'était ce qu'elle représentait, aux yeux de toute l'équipe. Valérian s'attendait à trouver dans cet appartement une héroïne de qui il pourrait apprendre. Ce n'était pas de la déception qu'il ressentait alors que le train était maintenant à l'arrêt, mais il n'avait pas prévu l'éventualité de faire la connaissance d'une telle femme. Pourtant, derrière ce masque froid de marbre se cachait forcément un cœur, sinon elle ne les aurait pas suivi jusqu'ici. Elle aurait simplement refermé sa porte. Et cela se serait terminé comme cela.
-Besoin d'aide ? lui demanda Valérian avec un sourire qui engageait à la sympathie, regardant l'énorme valise que la jeune femme avait à porter.
Elle souleva sa valise sans aucune difficulté et le regarda avec une pointe de défi dans les yeux.
-Ca ira. Merci.
Le merci vint quelques secondes après le reste de sa phrase, un rajout destiné à rendre son intervention plus courtoise. Elle sourit légèrement et de manière crispée avant de descendre du train, suivit par Jill qui éclatait d'un rire silencieux.
-Bah alors Val' ? On veut faire son gentleman ? s'exclama-t-elle d'une voix modérée pour que Cheryl ne le prenne pas pour elle. Plutôt raté, beau brun ! Faudra prendre quelques cours un de ces quatre !

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Moonless Night
AksiPetit policier d'une brigade campagnarde, l'officier Valérian se voit chargé d'une sérieuse affaire de viol. Lui qui rêvait de grandeur et d'exploits, il réalise les dangers et menaces auxquels quiconque s'attaque au crime subissent. Les chasseurs...