Moonless Night

9.

    Darwin ne fut pas difficile à convaincre, malgré ce qu'avait pensé Valérian. Après avoir obtenu l'adresse de cette demoiselle Flores, le jeune homme était directement allé voir son Lieutenant. Il lui parla de tout. De ses craintes, qui ne le quittaient pas depuis le témoignage d'Alice Oldmann. De son instinct, qui lui hurlait de se mettre en garde. Il parla de tout cela sans aucune honte, car Darwin était pour lui comme un père et le comprenait comme personne.

     Le lieutenant Page lui avoua que lui aussi avait peur du tournant que prenait cette affaire et se résolu à chercher de l'aide. Il envoya des lettres à de nombreuses personnes dont la protection était le métier, en incluant Cheryl Flores. Il n'avait pas beaucoup d'espoir la concernant, et Valérian avait également peur qu'elle ne prenne même pas la peine d'ouvrir leur lettre. C'était égoïste de sa part de lui demander ainsi de l'aide alors que la police l'avait licenciée sans aucune raison. Il se doutait qu'elle allait se braquer. Un telle requête était grotesque ! Surtout dans de telles circonstances. Mais au point où ils étaient, une réponse négative de plus ou de moins, le tout était de tenter. 

La situation devenait de plus en plus terrifiante. Valérian sentait qu'il était observé, suivi, même lorsqu'il était seul dans la rue. La paranoïa et le stress gâchait son quotidien, de même que les lettres de menaces que tous avaient la joie de découvrir dans leur boite au lettre. Ces morceaux de papier, fort peu sympathiques, leur disait de manière très bref que le fait d'avoir fait parti de la brigade en charge de l'affaire Alicia Oldman les enverrait à la mort.

Le corps retrouvé sans vie, mutilé, ce sombre jour de neige n'était autre que celui de Macha Smith, une jeune femme ayant témoigné contre le violeur en voiture. Après s'être fait rejetée par la police de sa ville, elle serait venue ici. La raison la plus logique serait pour témoigner à nouveau, ce qui expliquerait pourquoi quelqu'un aurait voulu écourter sa vie. Ce qui confirmait également que ce crime était commis par la même personne qui l'avait agressée sexuellement, quelques temps auparavant. Ils n'avaient donc qu'une cible, dont ils ne connaissaient ni le nom, ni le visage. Une cible qui avait déjà fait passer la mort derrière elle. Une cible dangereuse, qui profanait des menaces. Il fallait qu'ils le trouve. Avant qu'il ne les trouve avant eux. Une partie de dame, à peu de chose près.

Valérian n'avait jamais su jouer aux dames. Les règles, bien que simples, n'arrivaient pas à trouver une logique dans son esprit, un quelconque sens. Alors il inventait ses propres règles. Et parfois, il lui arrivait même de gagner. Ce sera pareil cette fois. Il ne savait pas jouer, alors il imposerait ses lois. Et le nom de la règle serait Cheryl. Il avait besoin de cette femme.

Le temps passa. Toutes les personnes concernées par les lettres refusèrent de s'engager, affirmant pouvoir être mieux payé ailleurs et, surtout, aspirant à autre chose qu'à une vie de campagnard. Toutes, même Cheryl. La jeune femme n'avait pas donné de suite à cet envoi, n'avait même pas prit la peine de communiquer une réponse. Darwin, comme toute l'équipe, Valérian comprit, savait qu'elle refusait.

-Attendons encore un peu, recommandait Valérian chaque fois que le sujet était abordé. Avec cette neige, le courrier a sans doute du mal à circuler.

Et plus ses mots sortaient de sa bouche, moins il croyait en leur sens. Plus il sentait en lui le seul espoir d'une protection, d'une victoire, s'éloigner. Et plus il avait peur, pour lui, pour eux.

Un jour, Darwin entra dans le poste avec, entre ses moufles, des billets de trains fraîchement imprimés.

-Les enfants, si cette demoiselle est incapable de nous donner une réponse, c'est à nous d'aller la chercher ! a-t-il crié dans toute la pièce.