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      Deux jours passèrent avant que Valérian n'insiste pour quitter l'hôpital, ayant retrouvé sa voix, les marques gonflées autours de son cou cependant toujours douloureuses et visibles. Il voulait absolument être présent lorsque l'équipe viderait le bureau de Gareth pour rendre ses effectifs personnels à sa famille. C'était peut-être cérémonieux et triste, mais le jeune homme en avait besoin. Une manière de tourner définitivement la page, car il ne voulait pas ressentir ce manque plus longtemps. 

     Il se rendit donc au poste, comme il en avait l'habitude. Comme si ce sanglant jour de brouillard n'avait jamais existé. Comme si le corps mutilé et nu de cette femme n'avait jamais été retrouvé. Comme si les choses étaient rentrées dans l'ordre d'elles-mêmes et qu'il allait croiser Gareth en passant la porte du hall. Mais il ne rencontra personne jusqu'à ce qu'il atteigne le poste et aida ses collègues à mettre les affaires du défunt dans un grand carton.

     Il n'y avait pas d'objets personnels, seulement des effets professionnels. Des dossiers divers, beaucoup de feuilles et de stylos, des blocs note et un journal de bord, comme certains policiers aimaient tenir. Pour avoir des histoires à raconter plus tard, notamment. Il n'en aurait jamais plus l'occasion, pourtant. Valérian le prit du bout des doigts et l'ouvrit. La dernière fois que Gareth avait écrit dedans semblait remonter à l'époque de son ancienne brigade. Vu le peu d'activité criminelle de Glanton, il n'avait rien à écrire d'intéressant. Le jeune homme remonta un peu dans les dates, arrivant à l'été 2014.

"Jeudi 18 Mai 2014,

    Je sais que cette information n'a pas sa place dans ce journal de bord, mais je ne sais pas où la mettre si ce n'est ici... Notre nouvelle recrue est une femme. Ca fait plaisir de voir un visage féminin ici, pour être franc. J'ai lu sur son dossier qu'elle s'appelait Cheryl Flores et à première vu, elle a l'air timide mais sympa. Elle porte des pantalons, des pulls et des gants même avec cette chaleur, c'est un peu bizarre mais personne ne lui dit rien. Apparemment elle est ceinture noire de je ne sais plus quel art martial. C'est balèze, elle a l'air vraiment forte ! Je suis pressé d'être sur une affaire avec elle.

   Le jeune officier avait sauté quelques lignes puis reprit :

"Vendredi 26 Juin 2014,

    Nous sommes sur une affaire de trafic de drogue assez complexe avec des suspects particulièrement remuant. Agressifs même. Nous devons être prudents.

Mardi 30 Juin 2014,

    L'affaire est close sans aucun officier blessé, c'est un véritable miracle vu la violence des coupables. Ce miracle pourrait s'appeler Cheryl. Je ne croyais pas trop à ses histoires de ceinture mais j'ai dû me rendre à l'évidence quand je l'ai vu à l'oeuvre. Elle a un potentiel énorme qu'elle gâche dans cette équipe, je ne fais que de lui répéter. Mais elle me répond toujours que la discrétion a une valeur inestimable. C'est bizarre mais ça se tient. En fait, Cheryl entière est étrange. Elle n'est pas froide ni désagréable mais garde toujours une distance avec les autres, même quand elle parle avec eux. Ce n'est pas une barrière physique, mais elle semble loin en étant proche. C'est déconcertant mais on s'y habitue, comme à ses gants qu'elle ne quitte jamais. Mais cette singularité ne la rend pas moins indispensable à l'équipe. Je ne sais vraiment pas ce que nous ferions sans elle.

Mercredi 22 Juillet 2014

    Quand je suis arrivé au bureau, celui de Cheryl était vide... Elle avait prit toutes ses affaires et était partie. J'ai demandé pourquoi au lieutenant et il m'a dit qu'il l'avait licenciée. Je n'ai rien dit, mais je me suis demandé pourquoi. Cheryl paniquait rapidement et avait tendance à agir seule mais demeurait un élément central de notre équipe. Elle n'était pas du genre à s'énerver pour rien, je ne comprends vraiment pas pourquoi le licenciement était inévitable ! Je n'ai même pas pu garder contact avec elle, cette demoiselle était bien trop discrète pour donner son adresse ou son numéro de téléphone... Couper les ponts de cette manière ne me plaît pas vraiment, mais soit."

Moonless NightOù les histoires vivent. Découvrez maintenant