Moonless Night

5.

    Son corps réagit avant son esprit. Comme chaque fois, lorsque la situation n'était plus sous contrôle. Il ne voyait plus rien, n'entendait plus rien. Comme si ce qu'il avait sous les yeux était un rêve, ou faisait parti d'un film. Comme si, une fois réveillé, une fois la télé éteinte, tout rentrerait dans l'ordre. Mais une part de lui, bien consciente, savait parfaitement que c'était faux. Alors il se mit à courir. Pas vers Gareth. Non. Il n'était pas du genre à espérer avoir mal vu, à imaginer une illusion créée par la neige qui tombait toujours plus fort. Il n'y avait plus rien à faire pour Gareth. La balle s'était logée entre ses deux yeux, parfaitement centrée. Il était mort sur le coup. Et cette pensée lui fit monter aux yeux des larmes amères qu'il s'efforça de ravaler.

-Attrapez-le ! Il ne doit pas être loin ! hurla-t-il aux autres officiers dont la panique commençait à s'emparer.

    Il sauta au dessus des barrières mises en place pour empêcher les passants de venir trop prêt de la scène. La neige rendait sa course difficile, déjà que courir n'était pas son activité favorite. Il se retrouva face à la rue, déserte à cause du temps. Il haleta, n'ayant pourtant couru que quelques mètres. Celui qui venait de tirer ne pouvait pas l'avoir fait de loin ! Avec ce brouillard, c'était physiquement impossible ! Il devait être dans les environs, s'étant sûrement caché derrière une maison en attendant patiemment le moment opportun pour sortir. Foutu salopard.

-Valérian et l'équipe du lieutenant Bill, à gauche ! ordonna Darwin en arrivant à sa hauteur. Les autres avec moi !

    Sans réfléchir, Valérian prit à gauche, courant aussi vite qu'il le pu dans la neige épaisse. Un point de côté s'installa presque immédiatement, tel le couteau aiguisé de la réalité qui le priait de revenir à la raison. Mais il ne pouvait pas. Parce que son ami venait de se faire abattre devant leurs yeux à tous. Parce qu'il n'était pas question qu'il le laisse s'en sortir. Bien qu'il sache déjà que le responsable était loin, il ne pouvait pas se résoudre à s'arrêter. Il regardait entre chaque maison, derrière chaque voiture, dans chaque jardin, jusqu'à ce que la fatigue lui ordonne de s'arrêter. Il n'était pas du genre à perdre ses moyens ainsi, même en cas de stress. Il était rationnel et logique, toujours. Il n'était pas la personne paniquée et pathétique qui s'offrait l'équipe de la brigade voisine, les yeux écarquillés, les cheveux emmêlés dans son écharpe.

    Non... Il devait se calmer. Il devait réfléchir...Penser avec logique, comme il l'avait toujours fait. Se mettre à sa place. S'il avait voulu tirer, lui, qu'aurait-il fait ? Si son but était de tuer sans être attrapé ensuite, comment aurait-il procédé ?

    Il ne se serait pas déguisé en officier. Non, c'était classique et stupide. Il ne se serait pas caché derrière un des nombreux buissons du parc, parce qu'il savait que les policiers allaient en faire le tour à la recherche d'indice. Non. Non, lui aurait juste profité du temps infernal et de la neige qui tombait. Il était impossible de voir à plus de trois mètres, mais le tueur pouvait se contenter de tirer sur une silhouette, tandis que la sienne pouvait se faire passer pour celle d'un collègue. Mais un tir aussi bien placé ? Ce ne pouvait pas être un coup de chance. Un balle logée parfaitement entre les deux yeux, même les professionnelles avaient du mal. Ce type était doué et sûrement entraîné. Mais comment était-il parti aussi rapidement ?

    Le cri de Jill, mêlé à ceux de la plupart des personnes présentes. Cela pouvait-t-il masquer le bruit d'un moteur ? Le sifflement du vent et la panique qui régnait aurait très bien pu camoufler une fuite en voiture. A moins...

    A moins qu'il soit toujours sur la scène de crime.

-On ne le trouvera pas, fit-il aux hommes qui l'avaient suivi. Soit il est déjà loin soit il n'a pas bougé.