Deux Adorables Idiots - (LS)

9

— Les comédies romantiques de Noël sont surfaites ! je m'exclame avant de boire une gorgée de mon chocolat chaud.

— Mais n'importe quoi ! C'est trop bien ! Ça fait rêver ! me contredit Harry en secouant la tête. Regarde !

Je tourne les yeux vers l'écran où l'on voit un homme et une femme discuter avec en fond un décor de Noël. Leurs yeux et leurs lèvres brillent et une musique totalement mièvre les englobe comme de la guimauve. Tout n'est que guimauve de toute façon. Même quand il y a un pseudo drame, ça se résout en un claquement de doigts, c'est navrant.

Je lève les yeux au ciel.

— C'est tellement cliché ! C'est toujours la même histoire en plus, c'est cousu de fil blanc, c'est niais, j'argumente avec de grands gestes.

— Arrête, tu vas te renverser ton chocolat sur toi, souffle le bouclé avant d'attraper la tasse que je tiens à la main et la poser sur la table basse. Tu ne peux pas dire ça. C'est féérique, c'est rempli de bonnes intentions, c'est une vision utopique de la vie. En plus, c'est romantique et moi j'aime bien.

— Non, mais je rêve ! Tu vas me faire croire que tu es romantique toi ? je me moque gentiment.

— Et pourquoi pas ? s'offusque-t-il.

— Harry... tu es l'archétype du mec qui s'en fout de tout. Je t'ai entendu parler de tes nombreuses conquêtes... ce n'est pas très romantique ça.

— Alors, disons que je sais l'être avec les personnes qui le méritent, affirme-t-il avec une certaine solennité qui me fait sourire.

— Tout un programme ! Mais il n'empêche que les comédies romantiques de Noël, c'est nul !

— Mais pourquoi tant de haine ?

Je ris en haussant les épaules, hésitant à le lui expliquer. Il va se foutre de moi, c'est sûr. Il m'observe en attendant patiemment que je me décide.

— Je suis gay, Harry, j'affirme avant de me pencher pour reprendre ma tasse et en boire une gorgée.

— Ça, c'est pas un scoop, remarque-t-il, visiblement amusé. Par contre, je ne vois pas le rapport.

— Le rapport ? Mais il est très simple le rapport ! As-tu déjà vu un couple gay dans ces romances à deux balles ?

— Heu... non ?

— Ben voilà ! Non ! je m'exclame vivement, lui faisant écarquiller les yeux. Il n'y a jamais de couple gay dans ce genre de truc, JAMAIS ! Parce que ce n'est pas assez politiquement correct, tu piges ? Il faut toujours que ce soit un homme et une femme qui se rencontrent dans un village paumé dont on n'avait jamais entendu parlé avant et qui tombent éperdument amoureux l'un de l'autre, malgré tout un tas d'embûches toutes nulles qui se dresseront sur leur route, mais qui seront balayées d'un revers de main. C'est... pathétique.

Il m'écoute, les sourcils froncés. Il doit me prendre pour un fou.

— C'est vrai que c'est souvent le même type d'histoire, admet-il en se calant dans le canapé. Mais... est-ce si grave ?

— Ça ne te dérange pas plus que ça toi ? Jamais de transgenres, de pansexuels, de gays, de lesbiennes ou toutes autres minorités représentées ?

— Je ne me suis pas vraiment posé la question, avoue-t-il en haussant les épaules.

— Ça t'arrive de sortir avec des femmes, donc peut-être que ça ne t'a pas perturbé. Mais moi ? Moi, je suis gay et j'ai été bercé toute mon enfance par ces téléfilms. À l'adolescence, je me suis posé mille questions et j'ai pensé que je n'étais pas normal parce que je n'étais pas comme ça. Ce n'était pas la princesse du conte qui me faisait bander, mais le prince. Ces romances sont un ramassis de clichés bien-pensants et ça ne contribue pas à l'ouverture d'esprit des masses.