Chapitre 4

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Le lendemain, Ernesto hantait toujours mes pensées. Mais il fallait que je l'en sorte pendant quelques heures, le temps d'obliger à mes occupations familiales.

Ma mère avait organisé ce gala de charité au bénéfice d'une quelconque association qui veillait à nourrir des enfants en Afrique. Dans l'absolu, cette idée était honorable : récolter de l'argent pour le donner à ceux qui n'en ont pas, j'adhérais totalement. Mais le faire simplement pour l'envie de glisser dans une belle robe et de se tartiner de cosmétiques, ça c'était moins dans mes principes. En plus de ça, il fallait faire bonne figure, « devant la haute société ». Je ne savais même pas ce que ça voulait dire. Les gens seraient supérieurs parce qu'ils ont plus d'argent ? Parce que le arrière-arrière-arrière grand père avait trouvé une pépite d'or au bord du fleuve et avait fait fortune ? Parce qu'il avait découvert une pierre transparente, plus dure que tout, d'une valeur inestimable ? Pierre qu'il avait, soit dit en passant, découvert en Afrique, et ramenée là haut, chez « la haute société », laissant ceux à qui il l'avait prise pauvre, sans aucune ressource, et sans aucun espoir de s'en sortir.

Je n'aimais pas ces galas de charité.

Mais j'aimais ma mère, alors j'y allais.

« -Maman, à quelle heure est ton gala ?

- Les invités arriveront vers 20h.

- Je peux sortir avant ça ?

- Où ça, chérie ?

- Avec Prudence, on veut aller faire les magasins, pour se trouver une nouvelle robe pour ce soir.

- D'accord alors. Mais tu seras à l'heure hein ?

- Promis, Maman. »

Je lui donnais un bisou sur la joue et tournais les talons. Je me sentais un peu coupable de mentir à ma mère, mais je me réconfortais, en pensant que ce qu'elle ne savait pas ne pouvait pas lui faire de mal. Et puis, je ne mettais pas ma vie en danger non plus.

Après déjeuner, j'attrapais ma guitare discrètement, et filai vers le boulevard où j'allais pouvoir m'amuser un petit peu.

Je passais sur le pont des fleurs. Le soleil se reflétait sur le fleuve, et revenait réchauffer ma peau. Peu à peu, au fil de l'été, il avait fait apparaître des taches de rousseurs sur mes joues et mes épaules. Mes cheveux roux avaient blondit à quelques endroits, et bien que je ne bronzais pas correctement, ma peau avait pris quelques tons caramels.

Je traversais le pont, descendais sur la promenade du fleuve, et arrivais à son croisement avec le grand boulevard. Je marchais quelques mètres, avant d'arriver à mon endroit habituel, ou je m'nstallais pour jouer.

Je posais mon étui contre le petit muret, ouvert, attrapais ma guitare, et commençais mon petit rituel.

Ma première chanson était toujours une chanson connue. Si je l'interprétais correctement, alors les gens étaient plus prompts à s'approcher de moi, et à rester pour la suite.

Ce soir là, je jouais les premiers accords de « Viva la vida » tranquillement, et reprenais les paroles de Coldplay.

« I used to rule the world,

Seas would rise when I gave the word

Now in the morning I sleep alone,

Sweep the streets I used to own »

Ma chanson s'achevait sereinement. Tout comme les suivantes.

Cela faisait maintenant une petite demi-heure que je jouais. J'étais perdue dans ma musique, encouragée par l'applaudissement des gens. Au fil de ma performance, quelques personnes venait déposer quelques pieces dans mon étui ; une petite fille, qui, après avoir timidement lâché un sou dedans, se mit à danser au son de ma guitare devant moi. Peu à peu, elle entrainait d'autres personnes, des enfants, des adultes, et je voyais la foule se mouvoir harmonieusement. Les jupes tournaient, les sourires pleuvaient, et les talons des dames claquaient sur le macadam. Les hommes, eux, prenaient leurs partenaires élégamment, provoquant d'avantage de rires, et de gaité. Le moment était magique.

Ma musique continuait.

« It's not about the money, money,

We don't need your money money,

We just wanna make the world dance

Forget about the price tag »

Une autre voix qui m'était familière se joint à la mienne.

Le vent souffla un grand coup, emportant avec lui l'odeur rassurante d'Ernesto qui arrivait doucement dans mes narines.

Il accompagnait ses paroles de sa guitare, et j'avais l'impression de voler.

« We need it to take in back in time

When music made us all unite

And it wasn't low blows and the video hoes,

Am i the only one getting tired

Why is everybody so obsessed?

Money can't buy us happiness »

Après avoir chanté devant la foule, Ernesto se retournait vers moi, me donnant l'impression de se donner en spectacle pour ma personne. Il replongea ses yeux dans les miens comme il savait si bien le faire, et continuait à gratter frénétiquement les cordes de sa guitare. Je ne voulais pas que le moment se termine.

Les gens continuaient à danser. Et quand la chanson toucha à sa fin, l'atmosphère paradisiaque retomba, et mes oreilles furent submergées par le son que produisaient les sifflements, les applaudissements qui nous étaient attribués.

Devant ma béatitude apparente, Ernesto s'adressa à la foule :

« - C'est tout pour aujourd'hui les gars. Mais revenez demain, même heure, même endroit. »

Je le regardais, songeuse. Je regardais ma montre : 15h36. Il me restait encore un peu de temps. Seul bémol ; il fallait que j'aille me trouver une robe pour ce soir, sinon, ma couverture était morte.

« - Contente de me revoir princesse ? me dit-il, un sourire charmeur sur le visage.

- Comment t'as deviné ?"

Je parveins de justesse à restreindre mon envie de répondre un grand "OUI".

"- Ton visage. C'est un livre ouvert."

Oups. C'était peut être moins facile que ce que je pensais.

"- Pourquoi on s'est arrêtés de jouer ? Tu veux m'emmener autre part ?

- Non. Aujourd'hui c'est ton tour. " Un sourire défiant se peignait sur son visage.

ManoushOù les histoires vivent. Découvrez maintenant