Chapitre 25

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Le lendemain matin, le cri strident d'un oiseau éveilla mon esprit. 
Je n'avais dormi que quelques heures, mais je me sentais bien plus en forme. Ernesto dormait toujours comme un loir, le drap rabattu jusqu'en dessous de son nombril. Un de ses mains pendaient du canapé, et touchait presque le sol.

Je sortais les pieds de mon lit, et me dirigeais vers la machine à café. 
Je ne portais sur moi qu'un large tee-shirt blanc qu'Ernesto avait du me faire enfiler, et une espèce de short qu'il avait trouvé je ne sais où. Toujours est-il qu'il avait nettoyé ma plaie, et m'avait rhabillée... Et je devais dire que le geste n'était pas sans importance. Il m'avait évité d'avoir à m'expliquer au près de mes parents... 



Cependant, quelque chose m'empêchait de le regarder dans les yeux. Une partie de moi voulait seulement oublier tout ce qu'il m'avait dit dans la clairière. Si je pouvais oublier tout ça, alors je pouvais retrouver la petite Elsa qui était tout simplement amoureuse d'un garçon... Mais l'autre partie de moi avait peur de ce qu'il m'avait dit. Je n'avais pas peur de ce qu'il me ferait à moi, mais plutôt peur de ce qu'il pourrait encore me cacher. Il avait dissimulé la vérité pendant si longtemps... 

Au fond de moi, je savais qu'il avait quasiment ruiné toute la confiance que j'avais mise à l'intérieur de lui... Rien que de penser que je ne pourrais plus reposer ma tête sur son épaule en espérant son soutient me déboussolait totalement.



La machine commença à faire son travail. Le liquide noir coula doucement dans la cafetière, tandis que j'ouvris la porte du frigo à la recherche d'une brique de lait. En me retournant vers la machine, j'attrapais un mug au dessus de l'évier, et le déposais sur le plan de travail pour y mettre la boisson chaude. Je manquais de me bruler avec cette dernière, puis, décidais d'aller me poser vers la fenêtre.

Je repliais mes genoux sous ma poitrine, et collais ma tête contre le mur. Dehors, un spectacle intéressant se dressait. Deux jeunes hommes se baladaient le long de la rue. À la première fille venue, je les vis se retourner de manière synchronisée pour l'observer. Ce petit spectacle me fit sourire; finalement, entre le Nord et le Sud, il n'y avait pas tant de différence. Plus loin, une maman et sa fille revenaient de la boulangerie. La petite fille tentait tant bien que mal de soutenir un sac plein de baguettes de pain, qui était quasiment aussi massif qu'elle. Elle avançait, pas à pas, mais le bout du sac retombait, si bien qu'elle devait s'arrêter tout le temps, pour arrêter sa cadence et repositionner le sac sur son buste. Sa mère, derrière, essayait de récupérer le paquet: en vain. La petite fille restait fièrement porteuse de son sac de pain. Mon regard se leva alors sur les maisons du dessus de la rue. En face de ma fenêtre, il y avait celle d'une autre famille, dans laquelle je pouvais voir un vieil homme et sa femme, confortablement installés devant la télé, une tasse de café à la main. C'est à ce moment là que je pensais à Ernesto.

Et si, une fois nos querelles dépassées, ce serait nous, les deux petits vieux devant la télé ? 

Toute ma vie, j'avais rêvé d'être la princesse qu'on emmène sur son beau cheval blanc pour un mariage en grande pompe, et tout ce qui s'en suivait. J'avais été élevée comme ça. On m'avait répété encore et encore qu'une jeune fille de bonne famille se marie avec un jeune homme respectable, pour qui les manières ont un sens, et pour qui le travail et la famille sont des priorités. Et pendant un temps, cela m'avait suffit. Et puis, en petite individualiste que j'étais devenue, il avait fallu que je commence à penser par moi même. Et en rencontrant Ernesto, j'avais réalisé que rien n'était vraiment écrit. Que je ferais comme bon me semble. Parce que c'était ma vie.

Je restais là, bouche bée devant la vie que prenait la rue. Et puis, le nuage qui ombrait l'allée se mit à se vider de son eau. Alors que les petites gouttes explosaient au contact du sol, les gens se mirent à courir dans tous les sens, cherchant un endroit où s'abriter.

ManoushOù les histoires vivent. Découvrez maintenant