Chapitre 24

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Mon esprit s'abandonnait à la ténèbre des paroles d'Ernesto. Il était mon pilier dans cette vie qui m'ennuyait à mourir. Il avait été là pour moi dans tous les moments où j'avais eu besoin de lui. Quoiqu'il arrive, il était toujours là pour m'aimer, pour me rendre heureuse. Et en l'espace d'une minute, la vérité avait réussi à déchirer ce lien qui nous unissait. Le simple fait d'imaginer ma vie sans lui me donnait un haut le coeur.

Et en plus, tous les sentiments que j'avais éprouvés à la suite de la mort d'Alex semblaient refaire surface. La peur, le regret, la tristesse. La colère, aussi. La douleur de mon abdomen semblait se mélanger à celle de la trahison d'Ernesto.

Je restais là, allongée sur le sol comme un vulgaire cadavre, entre les aiguilles de pin et la terre humide qui mouillait peu à peu mon pantalon. Mes larmes rejoignaient graduellement la rosée du sol, tandis que des régulières contractions de mon ventre étaient causés par mes sanglots.

Je n'avais pas peur de la forêt, ou de ce qui s'y trouvait. J'avais seulement peur de devoir faire face à Ernesto.

Les moments que j'avais vécus avec lui défilaient à toute vitesse dans mon esprit. La clairière, les journées de guitare, la petite fille qui me demandait de ses nouvelles alors que j'étais là, à me morfondre parce que je savais qu'on lui faisait du mal. Lui m'en avait fait pendant la durée totale de notre relation, sans jamais sembler être perturbé.

Au bout d'un moment, la douleur devint telle qu'un gémissement profond sortit de ma bouche. J'avais si mal que j'en oubliais même où j'étais.

Et puis, au bout d'un moment, la peur refit surface. La douleur était toujours là, mais il fallait que j'en fasse abstraction pour me relever et m'en aller. J'essayais de replier mes jambes pour les faire soutenir mon poids, en vain. Je réessayais une deuxième fois, en m'appuyant sur mes mains. Je posais une main sur mon abdomen, pour le soutenir. En l'enlevant doucement, je remarquais une substance humide que mon tee-shirt épongeait. Je soulevais ce dernier pour m'apercevoir que ma plaie s'était réouverte. Et là, c'en était trop. Les larmes qui s'étaient arrêter de couler sur mes joues reprirent leur activité singulièrement. J'avais tellement mal que la douleur semblait disparaitre. En fait, mon ventre entier ne se faisait plus sentir. C'est alors que je me mis à courir. Je me mis à courir parce qu'il fallait que je parte d'ici, que je m'en aille pour ne plus penser à tout ça, pour que tout ce que je venais de vivre ne soit plus qu'un lointain souvenir. J'avais l'impression de devenir folle.

Dans ma course, un obstacle m'arrêta. Sonnée, je restais par terre pendant quelques secondes, avant d'ouvrir les yeux, et d'apercevoir Ernesto. Il avait l'air ahuri. Il ne comprenait pas ce qui m'arrivait, et ne voyait surement pas pourquoi j'étais dans cet état là. Je n'avais aucune notion du temps, aussi je ne savais pas depuis combien de temps j'étais partie.

"- Mais qu'est ce qui t'es arrivé, El ? T'as l'air... Et ta plaie ? Merde, putain, El... "

Il commençait à pleurer lui aussi. Je pense qu'il avait simplement peur pour moi. Mais je ne voyais plus l'Ernesto que j'aimais; tout ce que je voyais c'était un menteur qui n'avait aucun lieu d'être. Il essaya de me retenir, tandis que je me débattais tant bien que mal.

"- Lâche moi. Ne me touche pas Ernesto. Je tentais tant bien que mal de repartir. Mais la douleur me pétrifiait. Je ne voyais plus clair.

"- Arrête. Ta plaie. Je t'emmenène à l'hopital. Tout de suite.

- Non, non. Je ne veux pas. Les médecins et je - Je... C'est rien. Ils m'ont dit que ça pouvait arriver. Il faut que je .... que je... "

et puis, plus rien. Je sentis mon corps s'affaler sur le sol, alors que mon esprit avait fait le vide. Je croyais pouvoir entendre un bruit de moteur, et puis peu à peu je redevins moi même. Quand mes yeux s'ouvrèrent pleinement, je me retrouvais installée confortablement entre une couette et un matelas. Je reconnus immédiatement l'odeur d'Ernesto, qui n'était cependant pas allongé à mes cotés. L'odeur de peinture fraîche et de café m'indiquaient que j'étais chez lui. Je m'en voulais, d'avoir été si faible devant sa trahison. J'aurais du fuir, oui, mais beaucoup plus intelligemment. Je ne voulais pas me retrouver dans cette situation où il fallait que je m'explique avec lui.

L'embrasure de la fenêtre laissait apercevoir la lueur de la lune qui transparaissait à travers la nuit noire. Et puis, j'entendis un bruit de pas. Je fermais rapidement les yeux pour feigner de dormir, mais, en vain, Ernesto comprit tout de suite.

"- Pas besoin de faire semblant, El. Tu vas mieux ?

- Non. " Mon ton restait glacial. Je n'avais aucune envie de lui parler. Aussi, je me retournais pour me retrouver sur le flanc.

"T'as le droit d'être fachée, El. Mais il faut que tu saches à quel point je m'en veux...

- Je suis fatiguée.

- Je sais mais je..."

Je tentais tant bien que mal de me lever. Une fois sur mes deux pieds, il s'inquiéta:

"- tu vas où ?

- Sur le canapé. J'ai pas envie de dormir à coté de toi. "

Il soupira un grand coup, et m'interdit de dormir sur le sofa. Il me força à rester dans son lit, tandis que lui prendrait les commodités les moins confortables.

Je me laissais tomber sur le lit d'Ernesto, et m'emmitouflais dans les couvertures. Doucement, je laissais mes paupières glisser sur mes yeux, pour m'abandonner à une rêverie surement meilleure que ma réalité.

ManoushOù les histoires vivent. Découvrez maintenant