Chela'k entrouvrit les yeux. La pièce où il se trouvait n'était éclairée que par un petit tube grésillant au dessus de son lit. Après s'être débarrassé des épaisses couvertures le recouvrant, il s'assit au bord du lit. Son bras droit lui paraissait si lourd. Et pour cause un imposant bracelet de bronze lui enserrait le poignet. De sa main gauche il poussa dessus comme pour le faire glisser mais une douleur fulgurante remonta jusqu'à son épaule et il s'arrêta. Quelques secondes de répit furent nécessaires pour se remettre du choc, après quoi il se leva et chercha des yeux ses affaires. Ses nouveaux habits avaient été remplacés par une robe bleu uni dont les manches et les boutonnières étaient relevées de petits liserés couleur cuivre. L'idée qu'on ait pu toucher voir voler ses dernières acquisitions lui provoqua un léger pincement au coeur.
La pièce n'était pas grande et en faire le tour ne lui prit pas plus de quelques minutes. Le lit était vide de tout objet, ainsi que l'oreiller, la table de nuit et la commode. Il tourna donc son attention vers la porte. La main sur la poignée, il pria pour qu'elle s'ouvre. Son vœu fût à moitié exaucé quand elle s'écarta dans un grincement sonore. Chela'k grimaça avant de passer sa tête dans l'embrasure. Le couloir qui s'offrait à lui n'était pas très grand et surtout il était vide à l'exception de quelques issues et d'un escalier. Il sortit et fit quelque pas pour observer les autres portes. Ouvertes les unes après les autres, elle ne menaient sur rien de plus que d'autres pièces comme celle où il s'était réveillé. Sur la pointe des pieds, il décida d'approcher de plus près l'escalier.
Il posa son pied sur la première marche puis s'arrêta. Du bruit. Il y avait une très légère cacophonie en bas. Vraisemblablement quelqu'un en train de se déplacer et des sons métalliques. Quelques marches de plus et il put entendre un rejet de vapeur. Comme celui d'une canalisation fuyarde. Une grande inspiration lui permit de calmer son anxiété quand la nouvelle marche sous son pied se montra récalcitrante au point de laisser échapper une longue plainte crissante. Puis le silence.
- T'peux descendre, on va pas t'manger tu sais, dit une voix chevrotante.
Chela'k soupira et termina la descente de l'escalier sans aucune douceur. Il avait atterri dans une cuisine où une bouilloire attendait sur la table centrale avec deux bols apprêtés. Une petite vieille attendait de l'autre côté, touillant doucement une mixture blanche dans une casserole de cuivre. La pièce était d'une clarté incroyable fournie par de nombreux tubes lumineux courant sur les murs et le plafond.
- J'commençais à m'd'mander si tu étais mort ... les effets du gaz n'durent pas aussi longtemps ... normalement.
Son cœur loupa un battement quand il tenta de descendre une marche qui n'existait pas et que son pied entra en contact violent avec le sol. La cuisine avait trois portes. Une devait mener à l'entrée, une autre vers la salle à manger ou le salon et la dernière vers le garde-manger. Toutes les maisons d'Antescript étaient basées sur un modèle similaire, à quelques variations près. Il se dirigea donc vers l'huis le plus proche.
- T'repartirais sans m'remercier ? dit la petite vieille.
Chela'k tendit la main vers la poignée et la tourna. La porte s'ouvrit sur un mur de métal poli, où il pouvait observer son reflet. Une main sur son épaule le fit sursauter. La petite vieille lui tendait un petit bol de la mixture blanche dont l'odeur parvenait enfin jusqu'au narines du Dealer. C'était du lait, avec un parfum sucré très prononcé, sûrement du miel.
- C'pas du poison t'sais, ajouta-t-elle devant la réaction de recul de Chela'k. D'mon temps, on savait s'serrer les coudes entre Ceux. Mais vous les jeunes, v'zêtes dev'nus égoïstes. Comment q'tu t'appelles mon garçon ?
- Che ... commença-t-il en prenant le bol qu'elle lui tendait.
- Che ? répéta-t-elle en levant les yeux.
YOU ARE READING
Le Dealer de Mots
FantasyLes mots ont disparu. Du moins pas tous. Suite à la guerre, nombre de mots ont été purement et simplement bannis. Dans ce monde de prohibition où on ne s'exprime plus que simplement et techniquement, parler de sentiments est devenu difficile. Des re...