Chela'k jeta un coup d'œil rapide derrière lui, vérifiant qu'on ne le suivait pas. C'était peut-être de la paranoïa à ce stade mais on était jamais trop sûr. Ses dernières rencontres n'avaient pas été des plus agréables.
Il ne lui avait fallu qu'un jour pour se décider. Tourner en rond avec ce bracelet au poignet, très peu pour lui. On lui avait donné une carte et des contacts. Il avait alors réuni son matériel, à savoir quasiment rien, et était parti rejoindre son premier rendez-vous.
Il y avait différents accès à la gare. Celui qui venait des étages supérieurs pour les nobles. Celui des Cercleux, près de la paroi de la caverne. Et trois chemins pour les Ceux, en bas. Le premier menait à la partie supérieure pour tous ceux travaillant avec les Vaporeuses. C'était sûrement le plus proche des Cercleux et des nobles qu'ils pourraient jamais être. Le second accès, lui, était réservé aux simples voyageurs et menait à un quai séparé de celui des nantis. Le dernier, quant à lui, était réservé aux mineurs.
C'est ce dernier chemin qu'empruntait Chela'k à la suite de son guide, un dénommé Tickburn. Le passage n'était rien de plus qu'un grand boyau serpentant à travers la roche qui se séparait par la suite en trois tunnels de plus petite taille.
- On prendra celui de gauche, on sera plus tranquilles, expliqua Tickburn en affichant un sourire dévoilant sa dentition parcellaire.
Les deux galeries de droite menaient aux wagons qui desservaient la mine. Par conséquent, les mineurs qui en descendaient se présentaient en premiers aux contremaîtres et avaient la chance de travailler sur les plus gros filons. Leur galerie, en revanche, plus éloigné des wagons de tête était boudée de tous et laissée à l'abandon. Ce dont témoignaient les nombreuses toiles qui se collaient à leurs vêtements avec leurs habitantes à huit pattes.
- Où va-t-on ? demanda Chela'k tout en retirant les filins pris dans ses cheveux.
- Ça t'intrigue, hein ? répondit Tickburn en grattant son crâne chauve.
Il avait la peau hâlée des habitants de Médocie sans en avoir les manières et le standing. Les Médociens s'habillaient en étoffes richement colorées et disposaient d'une pléthore de coutumes très élaborées. Réussir à ne pas froisser un Médocien lors d'une première rencontre relevait de l'exploit. Mais celui-là était bien loin de tous ces clichés, du peu de soin qu'il apportait à son apparence jusqu'à la sobriété de ses vêtements.
Après une courte marche, ils arrivèrent au bout du tunnel qui s'ouvrait sur un wagon. Les portes latérales de ce dernier étaient ouvertes et le son retentissant du train prêt à se mettre en mouvement emplit la caverne. Par quelques signes, Tickburn fit comprendre qu'il valait mieux se dépêcher. Les deux compères accélérèrent donc le pas jusqu'à courir et sauter par dessus le vide les séparant de leur transporteur. A l'intérieur il n'y avait rien, pas même des sièges pour s'asseoir, l'endroit entier se résumait à une pièce vide avec un parquet mal entretenu.
- Tu vois, y'a personne ! dit Tickburn en s'adossant à un des murs de la pièce.
Voulant le dominer de sa hauteur, Chela'k avait choisi de rester debout. Il se ravisa rapidement après qu'un cahot traître ait presque réussi à le faire trébucher vers une des ouvertures où on pouvait voir les murs de la caverne défiler à vive allure.
- Tu sais tu peux m'appeler, Tick ou Tick-Tick, dit Tickburn alors que Chel'ak s'asseyait face à lui.
- Bien Tick, où va-t-on ? demanda Chela'k
- Encore ? Tu veux savoir, hein ? hein ? répondit Tick en sortant une petite boîte de sa poche.
Le regard de Chela'k ne la quitta pas des yeux jusqu'à ce qu'elle s'ouvre sur une masse chétive de tabac. Son interlocuteur s'empressa de la saisir entre son pouce et son index pour la frotter. Le visage de l'homme était à mi-chemin entre le sérieux et l'amusement. La situation était entre ses mains et il devait aimer ça. Le dealer s'efforçait, quant à lui, de ne pas loucher sur le grain de beauté proéminent qui se trouvait au bout du sourcil gauche de son indic. La nature avait été assez gentille pour ne pas le lui mettre entre les deux yeux au moins, se disait-il.
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Le Dealer de Mots
FantasyLes mots ont disparu. Du moins pas tous. Suite à la guerre, nombre de mots ont été purement et simplement bannis. Dans ce monde de prohibition où on ne s'exprime plus que simplement et techniquement, parler de sentiments est devenu difficile. Des re...