Moi c'est Gabriel, je vis à Paris, j'ai dix-sept ans. Je suis fils unique, et je vis seul avec mon père, depuis que ma mère est morte. Elle est décédée, suite à un cancer des poumons, quand j'avais treize ans. Quand ma mère est morte, j'ai littéralement sombré. J'ai enchaîné les soirées à n'en plus finir, les bagarres, l'alcool, les coups d'un soir. Un matin, le gentil garçon que j'étais, s'est réveillé dans la peau d'un connard. Mon père est un homme brillant, chef d'entreprise, il a toujours réussi tout ce qu'il entreprenait. Notre immense appartement, nos voitures de luxe et nos fringues de marque, le prouvent. Tous les matins, il prend un café noir, il se douche avec un produit qui sent l'homme, puis il enfile un costume cravate impeccable. Quand j'étais petit, ma maman me préparait des crêpes à la fleur d'oranger, et du chocolat chaud, pour le goûter. Elle venait me raconter des histoires pour me border le soir. Elle m'aidait à faire mes devoirs, elle me demandait comment ma journée s'était passée, et elle prenait soin de déposer un baiser sur mon front, tous les matins, avant que je parte pour l'école. C'était la meilleure des mamans, elle prenait soin et se souciait de moi, alors que mon père, lui, c'est à peine s'il sait comment je m'appelle. Il est toujours pris par son travail : le plus clair de son temps, il le consacre à ses rendez-vous professionnels, et à ses voyages d'affaires. Même quand ma mère était encore vivante, il privilégiait toujours sa carrière, et cela n'a pas changé. Je me suis rendu compte, que ce père est un homme qui ne me connait pas plus que je ne le connais. Il ne s'est jamais vraiment intéressé à moi, ma mère le faisait à sa place. Mais quand elle est partie, j'ai ressenti un grand manque au fond de moi, car je savais pertinemment que j'avais perdu l'amour et l'affection, d'une mère aimante. Mon père est maladroit, il croit combler mon vide émotionnel, avec des billets. J'ai l'impression quotidienne de vivre avec un étranger, il a toujours été distant avec moi. En dix-sept ans d'existence, il ne m'a jamais dit qu'il m'aimait, et je ne le lui ai jamais dis non plus, car cela n'a jamais été le cas. Je lui suis reconnaissant de subvenir à mes besoins, mais je ne l'aime pas comme un fils aime son père. Je n'aimerai jamais un égoïste comme lui, c'est à peine si le décès de ma mère l'a touché. Il était triste, davantage par principe, que par sincérité. Moins d'un mois après son enterrement, mon père a ramené une de ses groupies dans leur lit, il me dégoûte, comment a-t-il osé ramené une femme dans le lit où il a dormi avec ma propre mère, pendant tant d'années ? À croire que ma mère n'a jamais compté pour lui, je suis même certain qu'il la trompait, quand elle était encore parmi nous. En clair voilà le triste résumé de ma vie. Portable, musique à fond, fêtes, sexe, alcool, voilà un peu à quoi peut ressembler mon quotidien.
L'été touche à sa fin, lundi prochain, je reprend les cours, je rentre en terminale scientifique au lycée, et c'est mon unique raison de vivre.
La nuit où ma mère est morte, je lui ai promis de me battre pour ne plus laisser personne mourir du cancer. Passer un baccalauréat scientifique, pour étudier la médecine ensuite, ma toujours semblé une évidence. Ce week-end, un pote organise une soirée pour célébrer la fin de l'été, je sais exactement comme cela va se passer, je vais y aller, on va boire de l'alcool jusqu'à chanceler, on va baiser des nanas dont on aura rien à carrer, et on va s'endormir, ivres-morts, au milieu d'un appartement en foutoir monstre. Je me réveillerai avec la gueule de bois, je rentrerai chez moi, mon père me regardera avec pitié, et je claquerai la porte de ma chambre, pour me recoucher, écouteurs dans les oreilles.
Il est déjà dix-neuf heures, la soirée commence dans une heure. Je file sous la douche, je m'habille avec un jean classique, des baskets et un t-shirt noir uni. Je glisse quelques capotes dans ma poche, m'empare de mon portable, et je pars en direction de l'appart d'Alex. À cette heure-là, le soleil est plus doux, mais la chaleur est encore étouffante. Une odeur nauséabonde de transpiration flotte dans le métro. Je détourne le regard, et j'aperçois une femme d'une cinquantaine d'années, mendier. Ses cheveux sont gras, et ses chaussures dans un piètre état. C'est plus fort que moi, je lui tends un billet de dix euros, c'est tout ce que j'ai sur moi, mais c'est mieux que rien, et pour elle, c'est probablement beaucoup. Elle me regarde quelques secondes, les larmes naissant aux coins des yeux, avant de me dire "que Dieu vous bénisse, jeune homme". Je lui souris poliment, et je poursuis vite mon chemin. Je regarde les stations défiler par la vitre, réalisant l'insignifiance de mon existence. Quand je descend enfin, je m'empresse de sortir de l'ère sous-terraine, pour retrouver la lumière du jour. J'ai beau être un parisien pure souche, je déteste prendre le métro.
Je monte les escaliers, Alex habite au troisième étage, j'ouvre la porte sans frapper, question d'habitude. Des nanas en mini-jupe et en mini-shorts se déhanchent sur la piste.
Je balaie la pièce du regard, à la recherche de celle que je vais essayer ce soir. Rien de bien singulier, elles se ressemblent toutes, et je suppose qu'après trois ou quatre verres, cela n'aura pas d'importance, n'importe laquelle fera l'affaire. Pendant la première partie de la soirée, je discute avec Alex, Mathis, Kévin et quelques autres gars de la bande. Il sera bientôt minuit, et il est temps pour nous d'aller à la chasse. J'avale un dernier shot de vodka, cul-sec, avant de m'élancer sur la piste. Je repère une blonde avec un assez joli derrière, au loin. Je m'approche, commençant à me frotter contre elle, nous dansons maintenant corps-à-corps, elle enroule ses bras autour de mon cou, et m'embrasse langoureusement. Elle sent l'alcool et le tabac.
Nous restons comme ça quelques minutes, avant que je ne l'entraîne dans un coin un peu plus tranquille. Je me dirige vers la salle de bain, et je ferme la porte à clé, la propulsant contre le mur, commençant à la déshabiller, machinalement. Je sors une capote de ma poche, j'entre en elle, et je lui donne des coups de reins violents, elle crie. Au bout de quelques minutes, je finis par me vider, je retire la capote, la jette dans la poubelle, et je m'en vais. Je n'ai aucune idée de comment elle s'appelle, de quel âge elle a, ni d'où elle vient, et le plus formidable dans tout ça, c'est que j'en ai strictement rien à faire. Il me fallait un réservoir sexuel, et mon charisme naturel, sans trop me vanter, ma toujours permis d'en changer chaque week-end. Je saisis la bouteille de vodka, et je la vide en deux ou trois heures. J'ai les yeux rouges, je m'endors sur le divan, au milieu des canettes et des bouteilles vides. Je me réveille aux environs de sept heures, et je pars silencieusement. J'ai affreusement mal au crâne, et je reprend les cours demain, cette soirée était sans aucun doute, une mauvaise idée, mais ça m'est égal. Quand je rentre chez moi, il est pas loin de huit heures et demi, comme prévu, mon père est assis sur le canapé en cuir blanc du salon, une tasse de café à la main, fixant son ordinateur portable, posé sur la table basse. Il lève la tête, et je sens sa compassion et son impuissance me guetter, pendant que je rejoins ma piaule, car il se croit saint peut-être lui ? C'est en partie de sa faute, si je suis tombé si bas. Je claque la porte, je me jette sur mon lit, et je finis ma nuit.
Lorsque je me réveille à nouveau, il est dix-sept heures, je file sous la douche, l'eau tiède et le savon me débarrasse des odeurs de tabac, de transpiration et d'alcool. Quand j'ai fini, je vais dans la cuisine, me préparer à manger, ça peut paraître surprenant, mais j'aime vraiment cuisiner, cela me rappelle ma mère et les délicieuses odeurs qui s'évaporaient de ses plats. Je me cuisine des pâtes et du poulet rôti. Je glisse un aspirine dans mon verre d'eau, et je mange en silence, toujours les écouteurs dans les oreilles. Je me brosse les dents, et je regagne ma chambre. Je ressors mes fiches de révisions en biologie et en mathématiques, de première, pour essayer de me remettre dans le bain.
La science, c'est peut-être bien encore la seule chose en laquelle je crois. J'essaie de rester concentré sur mes fiches, mais je m'endors dans un sommeil profond, jusqu'au petit matin.
Ma mère est dans son lit d'hôpital, la ligne à l'écran devient rectiligne, elle pousse un dernier soupir, puis c'est la fin.
Je me réveille en sueur, mes cours toujours étalés sur le lit. Encore le même cauchemar, toutes les nuits c'est la même chose, je revois ma mère mourir, entre ces quatre murs blancs, et cela me met toujours dans le même état. Je me lève, car je sais que je n'arriverai pas à me rendormir. Je vais dans la cuisine pour prendre un verre d'eau fraîche, et je vais m'installer sur le canapé, j'allume la télé, et je zappe les chaines, jusqu'à tomber sur un documentaire à propos du cerveau humain. Je laisse les commentaires des neurologues emplir mon esprit, et l'espace d'un instant, j'en oublie presque mon cauchemar. Les dernières heures de la nuit s'écoulent lentement, alors que je somnole devant la télé. Quand le soleil se lève, je me traîne sous la douche, en espérant que l'eau masquera un peu mon visage fatigué.
Une fois que je suis sorti de la salle de bains, je prépare mon petit-déjeuner, je me sers un verre de jus d'orange et une barre de céréales. J'opte pour un t-shirt blanc uni tout simple, un jean noir classique, et des baskets noires.
Je saisis mon sac à dos, et je pars pour le lycée, veillant à ne pas oublier, de fermer la porte à clé, derrière moi.
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Le courage d'aimer
RomanceLui, c'est Gabriel, dix sept ans, terminale S. Depuis la mort de sa mère, Gabriel a sombré. Il écoute de la musique toute la journée, et il enchaîne les filles, et les soirées trop alcoolisées, pour noyer son chagrin. Alors que Gabriel pense avoir p...