CHAPITRE 21

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Nous sommes samedi. Kélya ne m'a pas adressé la parole, depuis la pause de lundi matin. J'ai discuté un peu avec Stessy, pendant le cours de spécialité biologie, selon elle, Kélya ne fréquente plus Alex, mais ils seraient restés amis. Elle ne sait pas qui des deux a rompu, mais elle m'a dit qu'elle ne lui semblait pas être amoureuse d'Alex. Je n'ai rien dis à Stessy à propos de Kélya et moi, ça ne la regarde pas, et je ne tiens pas à ce que cela s'ébruite, de toute façon quoiqu'il y ait pu se passer entre elle et moi, c'est de l'histoire ancienne,  alors cela importe peu. Malgré tout, je ne peux pas nier que je suis content que Kélya et Alex ne se fréquentent plus. 

Cela fait quelques jours déjà que Paris sent l'automne ; le soleil se couche vers vingt heures, les feuilles commencent à jaunir, les nuits sont froides, j'ai même croisé des gens avec des manteaux. Je ne suis pas de nature très frileux, mais j'enfile tout de même un pull gris clair en côton, et une veste de survêtement noire à capuche, au cas où il pleuve. Je porte un jean bleu classique et une paire de baskets blanches. Je prends mes clés, et m'en vais en direction du métro. J'ai l'impression de faire toujours la même chose, et ça me tue. Les sans-abris, les délinquants en tous genres, les touristes, les employés de bureaux facilement identifiables grâce à leurs costumes élégants et soignés, les femmes seules couvrant leurs formes avec leurs vestes de peur de se faire agresser, toutes ces personnes que je ne vois qu'une fois chacun, et pourtant j'ai l'impression de voir toujours les mêmes, tout simplement car même s'ils n'ont pas les mêmes têtes, ils ont toujours le même rôle, dans ce grand film parisien, qui semble tourner en boucle dans mon esprit. 

Dès le deuxième étage, j'entends la musique provenant de l'appartement d'Alex vrombir dans mon esprit. L'avantage qu'il y a à habiter dans le quartier mafieux d'une grande ville, c'est que les policiers sont tellement effrayés par les représailles, qu'ils ne viendront jamais vous embêter pour un tapage nocturne. 

J'enclenche la poignée de la porte, et comme tous les samedis, des filles alcoolisées se trémoussent au centre de la pièce, sur des airs de musiques latines. Des mecs les dévorent des yeux en sirotant leurs verres, avant de les rejoindre, pour se coller à elles, et leur faire des avances. La plupart du temps, ça se finit en partie de jambes en l'air sans lendemain, quelque part dans l'appart d'Alex. Je commence à me lasser de ces soirées, à dire vrai, depuis que j'ai rencontré Kélya, je n'ai embrassé aucune autre fille, je ne voulais qu'elle, toutes les autres me semblent fades et insignifiantes maintenant. Je ne veux pas coucher avec une fille ; je veux coucher avec Kélya, seulement Kélya, mais cela n'arrivera pas, je dois me faire une raison maintenant. Alex et les autres se lèvent pour me serrer la main, ils parlent d'une certaine Stella, je crois.  Alex pointe son doigt en direction de cette fameuse fille. C'est une grande brune, à la peau mat, aux cheveux longs, couleur acajou. Une poitrine généreuse, un fessier bombé, des jambes longues et fines, un regard de tigresse ; je comprends mieux pourquoi elle fait tant fantasmer les gars. Je dois bien reconnaître qu'elle est très sexy, mais elle n'est pas Kélya, aucune fille ne l'est. Je suis en colère contre moi-même, je ne comprends pas pourquoi il faut que je donne tant d'importance à une fille qui ne veut même pas que je lui parle. Sacrée Kélya. 

De mon incompréhension naît la frustration, de ma frustration naît la colère, de ma colère naît le besoin de se calmer, de mon besoin de me calmer naît l'alcool. J'ai besoin d'oublier l'affligeante Kélya l'espace d'une soirée, j'ai besoin d'être le Gabriel que j'étais avant de la rencontrer, même si ce n'est que pour quelques heures.

J'envoie un coup de coude à Alex, pour l'interrompre. 

- Donne-moi la bouteille de vodka. 


Le courage d'aimerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant