Cela fait quelques minutes que nous marchons lentement, et un silence pèse entre elle et moi. On dirait qu'elle regarde les choses, sans vraiment les regarder. Elle a l'air plutôt pensive.
-À quoi est-ce que tu penses comme ça ? Dis-je pour la ramener à la réalité.
Tirée de sa rêverie, elle me jauge de ses grands yeux bleus pendant un court instant.
- À pas grand-chose. Répond-elle en regardant le vide.
- Il y a quelque chose qui ne va pas ?
- Tout va très bien, rétorque-elle d'une voix cassante.
- Mensonge, commenté-je doucement.
Elle se contente de soupirer mais ne me contredit pas. Je décide de jouer la carte de l'humour pour détendre un peu l'atmosphère.
- Avoue, tu me trouves tellement beau que ça te frustre, et que ça te met de mauvaise humeur. Tu sais, si c'est ça, je peux comprendre. Lancé-je avec un sourire enjôleur.
Elle pouffe de rire et lève les yeux au ciel, mais elle ne répond pas. Elle me fait signe de m'asseoir avec elle sur le banc qu'elle a repéré. Le banc donne la vue sur un des plus beaux parcs de la ville. Elle demeure silencieuse quelques minutes, avant de prendre la parole :
- T'avais quel âge quand ta mère est morte ?
Interloqué qu'elle me pose cette question sans-gêne, comme si elle venait de me demander l'heure, je me braque. Elle sait qu'elle aborde un point sensible chez moi, alors que je ne suis encore pas parvenu à découvrir son point de faiblesse à elle, et ça m'agace vraiment.
- En quoi ça te regarde ? Tu ne trouves pas ça un peu impoli de poser la question de cette façon ? Renchéris-je, un peu vexé.
- Je m'intéresse simplement à toi, c'est ce que font les vrais amis je te signale. Et je ne pense pas qu'il y ait une manière spécifique pour poser de ce genre de questions de toute façon, alors autant jouer carte sur table, tu ne crois pas ?
- Soit. Alors puisque tu sembles décider à faire de moi un véritable ami, pourquoi ne pas me dire quel est ton problème à toi ?
- Mon problème ? Répète-elle, offusquée.
- Oui exactement Kélya. Ton problème ! Tous ces mystères que tu sèmes autour de toi, de ta façon d'être ! Ta manie à esquiver les questions qui concernent ton passé ! Ton comportement étrange quand on s'intéresse un peu à toi ! Toutes ces choses ne traduisent-elles pas que tu as de sérieux problèmes Kélya ? Bien-sûr que si, mais tu es juste trop fière pour le reconnaître.
- Ne me parle pas comme si tu connaissais ma vie. M'intime-t-elle.
- Alors parle-moi de toi dans ce cas-là. L'imploré-je d'une voix grave, mais douce.
- Pas maintenant.
- Quand alors ?
- Plus tard, là je dois aller à l'internat. À plus Gabriel.
- Très bien, alors laisse-moi t'accompagner.
- Je n'ai pas besoin d'un petit chien qui me suit partout.
Vexé, je me résigne. Je ne supporte plus son air orgueilleux et la froideur de sa voix. Je n'ai pas besoin d'elle comme un parent de substitution pour me faire des remontrances quand je suis mal comporté. Elle n'est personne pour me juger après tout.
Elle met son sac de sport sur une épaule et tire sa valise avec son autre bras. Avant de partir, elle me regarde un bref instant, et je crois qu'elle hésite à dire quelque chose.
- Bon et bien...je vais y aller...alors, à plus ?
- Ouais, à demain.
Je reste là quelques instants, à regarder le soleil tomber sur Paris, et à attendre que les premiers vents automnaux me poussent à rentrer chez-moi. Peut-être qu'au fond j'espère qu'elle reviendra sur ses pas, mais ce soir là, elle était bel et bien partie.
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Le courage d'aimer
RomanceLui, c'est Gabriel, dix sept ans, terminale S. Depuis la mort de sa mère, Gabriel a sombré. Il écoute de la musique toute la journée, et il enchaîne les filles, et les soirées trop alcoolisées, pour noyer son chagrin. Alors que Gabriel pense avoir p...