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— Nermine, tu viens ? Les vieux se font une soirée entre eux, alors Hazel nous a préparé une soirée sur la plage. Il était énervé de ouf ! s'écria Paula.

          Je maugréai, avant de les observer dans leur tourbillon affolé dans le but de préparer leurs affaires, choisir une tenue, se maquiller. Je ne pus leur échapper longtemps, assise sur mon lit à les regarder aller et venir de la penderie à la salle de bain.

— La robe jaune moulante à la poitrine ou la bleu nuit, avec une coupe droite ? demanda Paula.

— Rouge-orangé ou rouge-rosé, pour les lèvres ? s'exclama Laya, son amie brune.

— Tu te maquilles pas, Mine ? m'interpella une nouvelle fois la rousse.

        La tête commençait à me tourner, à force de les voir virevolter à toute vitesse. Les couleurs et les tenues défilaient devant mes yeux, alors que j'étais déjà prête depuis longtemps, vêtue de ma combi short blanche ornée de fleurs rouges, cheveux attachés et sans maquillage. Mon sac était fait, une serviette de plage, une bouteille d'eau et des mouchoirs.

           Je ne pus bientôt plus leur échapper, et, bien contre mon gré, mes lèvres furent enduites d'une couche de corail, qui révélait de petites paillettes marron dans mes yeux. Mes deux compagnes prirent encore une quinzaine de minutes avant d'être prêtes. Elles étaient parées comme si elles se rendaient à un bal de fin d'années : maquillage lumineux, yeux charbonneux, lèvres peinturlurées, joues délicatement rosées, robes sans un faux pli.

          Finalement agacée d'attendre, je descendis dans le but de m'avancer vers la plage. Dans l'escalier, un groupe de jeunes chahutait gaiement. Je les dépassai, indifférente, lorsqu'un regard s'accrocha au mien. Deux perles de la couleur des feuilles d'automne, à la fois marron, vertes et carmines, qui firent remonter le long de mon échine un frisson dévastateur. Il me parcourut de part en part, déclencha des centaines de petites décharges à la surface de ma peau, comme si elle s'était mise à crépiter. Arrêtée dans l'escalier, je n'entendais plus que mon cœur qui s'emballait, galopait pour mieux le fuir.

        Ses yeux étaient sur moi, parés d'une lueur qui les éclairait de l'intérieur, un brasier ardent. Interpellé par un de ses amis, il se détourna brièvement, ce qui me donna la liberté de fuir. J'inspirai un grand coup, tout mon corps semblait délivré d'une boue compacte dans laquelle il n'avait pu se mouvoir.

— Nermine ! tonna sa voix comme un grondement de tonnerre.

         Elle roula au-dessus de ma tête, frappa mon torse avec force et y pénétra pour me couper le souffle, à la manière d'un coup judicieusement placé. Épouvantée, je me retournai et croisai son regard une nouvelle fois, le vis amorcer un mouvement dans ma direction, et fuis définitivement. La panique battait sourdement dans ma poitrine, je survolai les marches et courus dans le hall, jusqu'à rencontrer deux pierres noires, brûlantes, qui détaillèrent ardemment mon souffle court, mes joues rougies. Hazel. Il avait tout vu. Je sortis, une vague d'air chaud m'assaillit, aussi je m'arrêtai.

— Ça va ? T'as vu un démon ou quoi ? s'enquit-il.

        J'essuyai une larme solitaire du dos de ma main et me composai un sourire narquois avant de me retourner vers la voix chaude d'Hazel.

— Tranquille, y avait juste une putain d'araignée dans les escaliers, j'ai flippé de ouf.

        Mais ma voix tremblait encore, je me détestai pour cette faiblesse, les frissons qui agitaient toujours mon corps.

— T'es phobique ?

         Je lui jetai un regard mauvais, agacée qu'il ne lâche pas l'affaire. Ses lèvres formèrent elles aussi un petit sourire, pour me signifier que ma mauvaise humeur ne l'atteignait pas. Au contraire, il s'en délectait, chaque froncement de sourcil faisait fleurir chez lui un sourire.

— C'est quoi le programme ? demandai-je en réponse.

— Les vieux, le groupe de compétition qui date de plusieurs années partent en excursion, figure-toi ! Alors je vous emmène en soirée sur la plage.

          Je hochai docilement la tête, prête à tout pour échapper à Gabriel. J'attendis les autres en silence avec l'entraineur, une angoisse sourde, qui ne semblait plus vouloir me quitter, pulsait en moi à l'idée qu'il m'ait reconnue. Mais, au vu de son silence, cela m'étonnait. Lorsque les autres nous rejoignirent finalement, nous nous rendîmes à la plage et, enfin à l'abri dans la pénombre, je me détendis progressivement.

         Les visages étaient éclairés grâce aux flammes qui dansaient sur les zones d'ombre, elles illuminaient des pans entiers de peau, les rougissaient, avant de les abandonner pour une chevelure lumineuse. Des silhouettes émergeaient de l'ombre avant d'y replonger, même si je distinguais toutes les personnes assises en cercle autour du feu. Peu à peu, la chaleur s'atténua, et les esprits s'échauffèrent à mesure que la bouteille se vidait.

Une brasse pour atteindre ton cœurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant