Compte à rebours

13 1 0
                                    

 Le 09 octobre 1978, Gendarmerie de Saint-Avold

Le lendemain matin, après une nuit qui fut plus mouvementée que réparatrice, Yann retrouva ses collègues pour essayer de résoudre cette nouvelle énigme posée par les déclarations de la veille du jeune Timothé. Seule Carole était persuadée que cela pouvait déboucher sur quelque chose de réel, Matthias et Yann étaient quant à eux dubitatifs et ne croyaient plus à rien. Ils pensaient qu'il s'agissait à nouveau d'un sac de nœuds qu'ils ne faisaient que perdre leur temps à chercher ce que signifiait ces paroles.

Bien entendu, Carole était de l'avis contraire et s'obstinait dans ses recherches. Elle persistait, étant certaine d'avoir déjà lu ou entendu quelque chose en rapport avec les termes soi-disant utilisés par Charly. Sa mémoire lui jouait parfois des tours, mais aujourd'hui elle savait qu'elle ne se trompait pas. Il fallait juste que ce souvenir refasse surface pour retrouver la source mais ce n'était pas chose facile avec toutes les informations qui s'y bousculaient depuis le début de toute cette histoire. Entre les victimes, les suspects, les scènes de crimes....

Quand soudainement, en repensant aux lieux des meurtres, son esprit fit tilt. Mais bien sûr, pourquoi n'y avait-elle pas pensé plus tôt ? C'était tellement évident qu'elle ne comprenait pas comment elle avait fait pour ne pas y penser tout de suite. C'était si logique mais si improbable à la fois. Aucun autre lieu de mémoire symbolique n'incarne l'amitié franco-allemande mieux que l'Ossuaire de Douaumont en Meuse. Mais surtout un message de paix afin de ne jamais revivre la tragédie des 300 jours de la Bataille de Verdun. En effet, cette bataille est tant chargée d'histoire et si symbolique qu'il ne serait pas étonnait qu'il l'ait choisi pour achever sa vie et celle de sa dernière victime. Mais tous ces précédents crimes ont eu lieu en Moselle Est alors même si la symbolique est forte et évidente, a-t-il réellement l'intention d'aller aussi loin de sa zone de confort pour terminer sa mission ? Telle est la question qu'ils vont devoir se poser avant de déployer les grands moyens.

Matthias fut plutôt convaincu par l'argumentation de sa collègue tandis que Yann n'en démordait pas. Pour lui, toutes ces recherches étaient inutiles, elles n'aboutiraient à rien de concret. Toutefois, pour se donner bonne conscience mais surtout pour fermer définitivement la porte à cette idée saugrenue, il attribua à Carole une équipe de deux gendarmes pour travailler sur cette piste mais il lui accordait une semaine pas plus. Si elle n'avait pas de preuves concrètes d'ici là, elle devrait se rendre à l'évidence et arrêter de lui casser les pieds avec cette hypothèse. Il convenait que l'équipe n'avait pas mieux pour le moment mais cela n'autorisait pas ses collègues à fomenter des suppositions loufoques. Pourtant, il devait avouer que son idée était loin d'être mauvaise, Charly était bien assez fou pour vouloir aller jusqu'à Verdun afin de terminer ce qu'il avait commencé mais Yann s'en voulait avant tout à lui-même de ne pas avoir pensé à ce lieu hautement symbolique. Peut-être parce que c'était justement tellement improbable !

Carole, quant à elle, était ravie que Yann lui fasse enfin confiance. Certes, elle avait dû insister un peu mais son hypothèse était apparemment assez plausible pour qu'il lui confie carrément une équipe afin de travailler dans cette direction. Elle espérait avoir raison, sinon elle pourrait dire adieu au peu de crédibilité qu'elle avait jusqu'à présent auprès de lui. Mais elle était confiante, elle sentait le dénouement approcher et était persuadée de pouvoir y participer activement en résolvant la question de l'endroit du crime.

Matthias avait été lui impressionné par la maîtrise et le sang-froid de Carole face à un Yann intraitable qui n'avait d'abord rien voulu savoir. Mais l'abnégation et la détermination de leur alter-égo au féminin avaient fait le reste et il avait été contrait de céder, non sans une amertume visible, aux revendications de celle-ci. Avait-il eu raison ou se mordrait-il les doigts d'avoir été faible ?

Meurtres en Terre LorraineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant