Chapitre 10 ✓

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PDV Jack Frost:

C'est fou ce que les journées paraissent moins longues lorsqu'on a quelqu'un avec qui discuter; le ciel plus bleu; le soleil plus lumineux. Avant, je passais mon temps à embêter tous les gamins que je croisais, je les faisais rire et démarrais une bataille de boules de neige. Mais depuis que j'ai rencontré quelqu'un de mon âge (je veux dire physiquement de mon âge), j'ai l'impression de redevenir un vrai adolescent.
Aujourd'hui c'est samedi. Aurélien n'a pas cours. Mais il a quelques devoirs alors il refuse d'ouvrir la fenêtre de sa chambre. Pourtant, je n'arrête pas de frapper à cette foutue vitre.

-Mais crotte quoi! Laisse-moi rentrer! Je te promets de ne pas t'embêter.

Il écrit quelque chose sur un bout de papier, prend un bout de scotch, se lève et vient le coller sur un des carreaux.

"Reviens dans une heure"

Alors là, il peut aller se faire peindre!
Je recule de quelques mètres de la fenêtre et fais lever le vent autour de moi. Mais le regard d'Aurélien me dissuade de tenter quoi que ce soit.

-Très bien! Je vais voir la Fée des Dents.

Je n'oublie pas de lancer une boule de neige sur la vitre en partant.
Comme je le lui ai dit, je vais au Palais de la Dent.

-Oh Jack tu es là? Comment vas-tu? Tu te brosses bien les dents chaque soir avant d'aller te coucher?
-Je ne dors pas souvent, tu le sais très bien.
-Oui, mais de temps en temps pour récupérer quand même. Ton cerveau a besoin de repos.

Pendant qu'elle me parle, elle continue à voleter partout parmi les petites fées qui ramènent des dents de lait. Elle s'arrête parfois pour observer des molaires et pour s'extasier devant des canines. Non vraiment, je ne la comprendrai jamais.

-Alors, que viens-tu faire par ici? Tu venais juste me rendre visite sur un coup de tête?
-Je m'ennuie.
-Tu n'as pas des petits bambins à amuser?
-Ça fait plus de 300 ans que c'est ce que je fais. Ça commence à être long.
-Oh moi tu sais je ne me lasse jamais de ce que je fais. Regarde! C'est une dent de devant! Qu'est-ce qu'elle est belle!

Elle est en extase, c'est délirant.

-Euh... Ouais, je veux bien te croire.

Je me recule un peu.

-Dis-moi, tu n'aurai pas les dents d'un certain Aurélien...
-Jack, tu ne peux pas t'imaginer combien de dents sont entassées ici. Et combien d'enfants portent le même prénom. Aurélien comment?
-Je ne sais pas.
-Et pourquoi veux-tu ses dents?
-Euh...
-Les dents renferment des souvenirs précieux. Si tu les veux pour t'amuser, tu peux laisser tomber ton idée.

Je hausse les épaules.

-Je n'ai jamais dit que je voulais m'amuser.
-Quand on s'appelle Jack Frost, on veut toujours s'amuser, crois-moi.

Je lui tire la langue.

-Tu vois! Tu n'es jamais sérieux deux secondes!
-Puisque c'est ça, je m'en vais!
-En tout cas, ça m'a fait plaisir de te voir Jack. Repasse quand tu veux!

Je lui fais un signe de tête et m'en vais. Je tourne en rond un moment. Et comme souvent, le vent me ramène devant la même maison avec ce même jardin, le même chien et le même garçon.
La fenêtre est ouverte. Je m'y engouffre sans hésitation. J'y trouve un adolescent en jogging.

-Je vais courir avec Flocon, tu nous accompagnes ?
-Tu es studieux et sportif?
-Quoi? On ne peut pas avoir un cerveau efficace et se tenir en forme physiquement?

Je lève les bras.

-Mais j'ai rien dit. Je vous accompagne. Par contre, ne compte pas sur moi pour utiliser mes jambes.
-Tu veux que je te porte en plus de ça?
-L'idée est tentante, mais non. Je vais voler.
-J'aurai du m'en douter.

Il sort de la maison non sans avoir fait un crochet par la cuisine pour récupérer une petite bouteille d'eau.

-Flocon, on y va!

La boule de poils arrive en courant.
Trente secondes plus tard, ils sont tous les deux en train de courir sur le trottoir.

-C'est la première fois que je te vois faire un footing.
-J'avais fait une pause.
-Pourquoi?
-Courir en plein été, c'est pas l'idée du siècle.

Il tourne à droite dans une petite rue.

-Flocon t'accompagne toujours?
-Quasiment à chaque fois.
-Et il te suit même sans laisse?
-Tu le vois bien, non?

Je me retourne pour observer Flocon trottiner, la langue pendante.

-Tu as fini tes devoirs?
-Non.
-Est-ce que je...
-Je vais finir par avoir un point de côté !
-C'est toi qui m'a proposé de venir!
-Mais je te pensais pas aussi bavard!

Il s'arrête quelques instants et se penche en avant.

-Ecoute Jack, c'est pas contre toi. Mais je veux garder une vie normale. J'aime beaucoup discuter avec toi, tu sais, pourtant...
-Oui?

Il se gratte la nuque.

-Je sais pas ce que j'ai envie de dire. Tu débarques dans ma vie et on se met à discuter comme de bons vieux amis alors qu'on se connait à peine. J'ai encore du mal à y croire...
-Je suis réel Aurélien.

Je me mets bien en face de lui et touche son épaule.

-Je le sais bien. Je le sens que tu es réel.

Il attrape ma main et la remet le long de mon corps avant de la lâcher.

-J'ai peut-être besoin de temps pour m'y faire. Et d'espace. Je ne te demande pas de partir, d'accord ? Mais pour l'instant, je veux juste réfléchir.

Je hoche doucement la tête.

-Ouais, je comprends. Enfin je crois.

Je me baisse pour caresser Flocon.

-Je vais te laisser finir ton footing tranquillement. On se retrouve le soir, quand même?
-Oui pourquoi pas.

Je lui tends la main. Il la serre sans une hésitation.

Le froid glace le tempsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant