Le froid glace le temps

Chapitre 5 ✓

PDV Jack Frost:

Une petite routine s'installe entre Aurélien, Flocon et moi. Le matin, je reste avec le chien et tente de comprendre ce problème insolvable. L'après-midi, j'observe le garçon. C'est un adolescent tout à fait normal. Il envoie des messages de temps en temps, il traine sur internet ou lit un livre.
Cette nuit, il laisse les fenêtres ouvertes pour dormir. Je m'assois sur le rebord et l'observe. Si j'ai bien compris, demain, il reprend les cours.
Je pose mon bâton contre la fenêtre et fais apparaître un petit poisson qui se met ensuite à flotter dans la chambre. Tout est si paisible.

***
7h15
Aurélien est à son arrêt de bus. Il discute avec entrain avec une de ses amis.

-Alors vos vacances d'été ?
-Super! répond une fille rousse. Les vacances à la mer, il y a rien de mieux! Je me suis achetée une peluche hippocampe.
-Tu n'en as pas assez de peluches?
-Bien sûr que non!

Le bus arrive. Ils montent et moi aussi. Ils s'assoient à côté et je reste au-dessus d'eux.

-Et toi Aurélien, qu'as-tu fait?
-Rien de spécial. Je suis allé en Italie.
-Et bah dis donc, tu t'embêtes pas toi ! Tu sais parler italien?
-Pas du tout. Mais tu sais, généralement, les gens savent parler anglais. Alors on s'est débrouillés.
-Tu es allé à Rome?
-Exactement! On a pas mal marché alors je te dis pas les mollets que j'avais en rentrant.

Le trajet dure ainsi 30 minutes jusqu'au lycée. Une fois rentré dans l'établissement, il rejoint d'autres amis sous le préau. Il échange une poignet de mains avec deux garçon puis fait la bise à une fille.

-On croise les doigts pour être tous ensemble pour notre dernière année!

Et ils discutent encore jusqu'à la sonnerie. Ils vont tous en amphi tranquillement et s'assoient vers le milieu. La salle se remplit. En bas, un homme prend un micro et se met à parler. C'est le directeur.
Je m'assois sur la table derrière Aurélien.

-Alors comme ça t'es en terminale? Tu vas passer le bac à la fin de l'année. Ça ne te fait pas peur?

Bien évidemment, il ne répond pas.
Au bout d'un moment, ils appellent chaque élève un par un pour les répartir dans les classes.
Sur les cinq, seul Aurélien se retrouve isolé dans une classe. Un de ses amis lui met une tape dans le dos.

-Allez mec, c'est pas grave. Au pire, demande à faire le changement.
-Ouais je verrai.

Il se lève avec une certaine raideur, remet ses lunettes et prend son sac. Il suit son professeur principal jusqu'à sa classe avec peu d'entrain. Il rentre en dernier. Il observe les quelques dernières places qu'il lui reste puis va s'asseoir au deuxième rang à côté d'un garçon aux cheveux longs.

-Salut Maxime. Tu n'attendais personne ? Je peux me mettre là?
-T'en fais pas. Tu n'es pas avec les autres?
-Ils sont en S2.
-Tu vas demander à changer de classe?
-Je pense ouais.

Et le prof principal se met à parler. Je souffle.
Qu'est-ce qu'on s'ennuie...
Heureusement, un élève ouvre une fenêtre pour essayer de combattre la chaleur. J'en profite pour m'échapper d'ici et retourner voir Flocon.
Je me mets devant le chien.

-Tu veux pas m'expliquer ton secret ?

Il dresse les oreilles en avant.
Je soupire. J'ai plus qu'à attendre maintenant.

***
Aurélien rentre vers 18h30.
Je le suis jusque dans sa chambre avec sa mère.

-Alors, comment s'est passé le premier jour?
-Super, dit-il d'un ton sarcastique. C'est ma dernière année et je ne suis pas avec mes amis. Je suis allée voir la dame qui s'en occupe mais elle a pas voulu me changer de classe. Je la déteste.
-Tu veux que je l'appelle?
-C'est pas la peine. Elle changera pas d'avis. C'est une idiote. Tu sais ce qu'elle m'a dit? Je cite: "Tu crois que l'année prochaine, tu vas pouvoir choisir la même fac que tes amis"? Et bien c'est justement pour ça que je veux être avec eux cette année!
-Allez calme-toi. Va prendre une douche, ça te fera du bien. Je l'appellerai demain matin.

Aurélien claque rageusement la porte de sa chambre et pose négligemment son sac par terre. Il le remplit brusquement avec quelques cahiers pour demain. Il prend ensuite son téléphone et envoie un message avec ardeur.
Je pince les lèvres.

-Ça va?
-Ouais génial.

Je me fige. Il m'a... répondu?
Il se retourne, inspecte la chambre et fronce les sourcils. Il secoue la tête.

-Je dois devenir fou...

Avant de sortir, il vérifie une dernière fois la pièce. Mais il ne me voit pas.