Chapitre 18 ✓

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PDV Jack Frost:

Ma dernière peur, c'était que jamais personne ne croit en moi. Depuis que Jimmy m'a vu puis ses amis, elle s'est envolée.
Je ne pensais pas pouvoir être effrayé par autre chose depuis. Il semblerait que je me sois trompé.
Je survole, pour la douzième fois cette semaine, la maison d'Aurélien. Je n'ose pas aller le voir. J'ai un peu peur de ce qui pourrait se passer. Mais qu'est-ce qu'il pourrait arriver exactement ? Est-ce que ce serait grave?
Je m'arrête dans les airs et, après une courte réflexion, je reviens sur mes pas. Puis je m'arrête à nouveau et fais un deuxième demi-tour en soupirant. C'est devenu une habitude maintenant.

-Regardez, c'est Jack Frost!

Je baisse la tête et vois des enfants me montrer du doigt dans un parc. Je descends en faisant tomber de la neige sous leurs yeux émerveillés. Je me rends vite compte de l'endroit où je me trouve donc je pense rapidement au visage inquiet d'Aurélien. J'en oublie presque les bambins qui me sautent dessus sans prévenir.

-C'est vrai que tu as tué le croque-mitaine ?
-Tu n'as pas besoin d'ailes pour voler?
-Tu peux dire au Papa Noël que je suis sage?
-Doucement, dis-je. Un à la fois!

Je m'accroupis en face d'eux. Il y a deux garçons et une petite fille.

-Alors non, je n'ai pas tué le Croque-mitaine. Mais ne vous inquiétez pas, il ne reviendra pas vous embêter avant un moment. Et puis, si jamais il décide de sortir de l'ombre, je serai là pour vous protéger. Je l'ai battu une fois, je peux le battre une deuxième fois. Ensuite, non je ne possède pas d'ailes. C'est le vent qui me soulève et m'amène où je veux. Pour finir, le Père Noël n'a pas besoin de moi pour savoir quel enfant est sage ou non. Mais je peux peut-être lui en toucher deux mots.

J'ébouriffe les cheveux de la petite fille qui me fixe avec de grands yeux bleus.

-Mais la Fée des Dents, elle a des ailes... Tu ne peux pas voler sans ailes!
-Bien sûr que si. Tu veux une démonstration ?
-Je suis sûre, tes ailes elles sont invisibles. Ce n'est pas parce que je les vois pas qu'elles n'existent pas.

Le petit garçon brun fronce les sourcils.

-Tu dis n'importe quoi. Si on le voit pas, ça n'existe pas.
-C'est toi qui dis n'importe quoi. L'air que tu respires, tu le vois pas mais il existe.

Je suis étonné de la réflexion de cette enfant. Les enfants peuvent se montrer très intelligent, j'en ai croisé beaucoup qui pensait des choses assez incroyables. Mais je me demande jusqu'où elle peut développer sa pensée.

-Comment tu t'appelles?
-Emma.
-Où as-tu appris tout ça?
-Ma maman est professeur de physique. Elle me raconte beaucoup de choses.
-Ça te plaît ce qu'elle te raconte ?
-Oui!
-Que t'a-t-elle appris?
-Elle aime beaucoup parler de l'invisible.

Je m'assois par terre et la questionne:

-Elle t'a donc parlé des forces qui maintiennent nos pieds au sol?
-Oui! Et de celles qui maintiennent les planètes autour du soleil. Elle m'a dit que c'est comme l'amour.

Je suis surpris par cette comparaison pourtant très belle. La Terre ne cesse de tourner autour du Soleil grâce aux forces de gravitation. J'ai l'impression de me revoir. Je suis la Terre et Aurélien est le Soleil. Depuis que je l'ai rencontré, je ne cesse de virevolter autour de lui. Mais la force qui me retient à lui, c'est...
J'ai l'impression que le temps se fige quelques instants. On ne peut pas aller à l'encontre des lois physiques.

-Ta maman est très intelligente.
-Oui! C'est la meilleure maman du monde! Je veux être comme elle!

Je fais apparaître trois flocons dans ma main qui viennent se poser sur le bout du nez des enfants.

-Je ne peux pas rester. J'ai ignoré une loi physique trop longtemps.

Les deux garçons se regardent avec une lueur d'incompréhension dans les yeux. La petite fille, elle, semble avoir compris.

-Il ne faut pas faire attendre le Soleil.
-Il attend déjà depuis trop longtemps.
-Alors il faut rattraper le temps perdu.

Elle me tend un petit paquet de mouchoirs.

-Je ne pense pas en avoir besoin. Je ne tombe jamais malade.
-Et le Soleil ne pleure jamais.

Je fronce les sourcils. Je trouve cette petite bien étrange tout à coup.
Hésitant, j'attrape le paquet et la remercie maladroitement. La seconde d'après, je m'envole dans les airs.

***
Dès que la nuit est tombée, je toque trois fois à la fenêtre d'un astre. Ce dernier m'ouvre, la mine sombre et pourtant heureux. Ce contraste est assez surprenant.

-J'allais me coucher.
-Que penses-tu de la physique ?

Il fronce les sourcils.

-Tu veux parler de l'électricité?
-Non. Je veux parler des forces gravitationnelles.
-Je ne peux pas avoir d'opinions sur une vérité physique.

C'est à mon tour de froncer les sourcils.

-Qu'est-ce que tu racontes?
-C'est à moi de te poser la question. Tu me poses une question carrément étrange.

Je m'insère entre la fenêtre et Aurélien qui ne bouge pas d'un atome. Je sens les rayons de lune glisser sur ma nuque et je vois le satellite se refléter dans les yeux du garçon. Une lumière argentée surnaturelle flotte autour de nous.
Je murmure si bas que j'ai peur qu'il ne m'entende pas:

-Que sais-tu sur la force de gravitation entre la Terre et du Soleil?

Je suis presque surpris lorsqu'il ouvre la bouche pour répondre doucement:

-C'est une loi que l'on doit à Newton et qu'on appelle aussi loi d'attraction universelle. Deux corps possédant une masse sont irrémédiablement attirés. Plus la masse est importante, plus l'attraction est forte. Il faut aussi prendre en compte la distance. Plus les corps sont proches, plus la force sera puissante. Cette force permet à la Terre de tourner autour du Soleil sans s'en éloigner.
-Pourrait-elle se rapprocher?

Je fais un tout petit pas en avant. Nos torses se touchent presque.

-Je ne sais pas. Mais je sais que certaines galaxies se rapprochent à cause de cette force malgré le fait que l'univers est en expension. D'après les calculs, notre galaxie percutera un jour sa voisine Andromède.
-Toutes les galaxies s'éloignent parce que l'univers grandit mais deux d'entre elles sont quand même attirées l'une à l'autre?

Ma question reste en suspend entre nous. Je ferme les yeux pour essayer de sentir cette force entre nous. J'ai l'impression qu'elle me pousse...
Je sens des lèvres frôler les miennes et déclencher un brasier ardent tout contre ma peau. Le feu se déchaîne le long de mon corps et vient agiter frénétiquement mon cœur. J'ai l'impression que je vais exploser sous les sensations de cette simple caresse volatile.
Mes mains s'avancent d'elles mêmes pour m'agriper à quelque chose. Je sens les doigts d'Aurélien s'entremêler miens. Le contact de nos peaux et de nos lèvres me consument sur place. J'ai ce besoin pressant de me rapprocher encore.
La lèvre inférieure d'Aurélien glisse sur ma lèvre supérieure. Puis sa lèvre supérieure vient taquiner ma lèvre inférieure.
Je frissonne sous chaque nouvelle découverte. Mais avant que je ne puisse en goûter plus, je sens des rayons de lune m'envelopper et me tirer loin de cette chambre.

...
Je pense que c'est un des plus beaux chapitres que j'ai pu écrire. J'espère que parler de physique ne vous a pas dérangé. Mais je trouvais ça bien !

Je ne pensais pas écrire ça maintenant. Mais je ne voyais pas comment faire autrement. Ce n'est pas trop rapide ?

Si vous avez des questions, des recommandations, des trucs drôles à dire, n'hésitez pas !

Le froid glace le tempsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant