Soixante Nuits

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Aujourd'hui, comme tous les Samedis, je travaille au « Lizzie's ». C'est un joli petit salon de thé aux allures de maison de grand mère, dans lequel toutes les dames âgées de la ville se retrouvent. Ce que j'aime avec ce job, c'est que je suis aux premières loges quand les ragots sortent au grand jour. La semaine dernière, Michelle Carter nous a laissé en plein questionnement face à l'annonce de la possible aventure entre sa voisine et le nettoyeur de piscines. La faiblesse des indices qu'elle nous a rapporté m'a amener à douter de la véracité de ses propos.Ma patronne, Elizabeth, est d'accord avec moi. Mais peut-être que les nouveaux éléments d'aujourd'hui me pousseront à changer d'avis ?

J'arrive avec cette question en tête ce matin. Lizzie m'attend derrière le comptoir. J'ai dix minutes d'avance, et comme chaque samedi depuis quatre ans, mon adorable patronne a préparé pour moi une tasse de thé vert et un muffin aux pépites de chocolat. J'ai tout juste le temps de les déguster et je file mettre mon tablier rose.

Les premières clientes savent que je commence mon service à dix heures pile et elles arrivent généralement à ce moment là. Voici d'ailleurs les filles du club de couture. Leur réunion hebdomadaire se déroule de huit heures et demie à neuf heure quarante cinq au centre communal de la ville. Il n'y a que cinq cent mètres à parcourir de cet endroit jusqu'au salon de thé, mais elle se plaignent à chaque fois d'avoir mal au pieds après une si longue promenade. Je les soupçonne de ne faire ça que pour avoir des muffins et des cupcakes gratuits. Et ça fonctionne. Je les amène à leur table habituelle et je reste à côté pendant qu'elles s'installent. Je sais que Charlotte, la doyenne, va faire une remarque sur ma coiffure.

-Tu as changé quelque chose sur tes cheveux Maddison ? J'ai l'impression qu'ils sont plus brillants que la semaine dernière.

Gagné. Je touche les pointes qui dépassent de ma queue de cheval et je les amène devant mon visage.

- Oui, j'ai été rafraîchir ma couleur pour cet été,quelle perspicacité !

Elle me fait un clin d'œil.

- ça te va très bien.

Je la remercie avec un grand sourire et attend que le groupe passe commande.

Un peu après quatorze heures, Michelle Carter et ses amies arrivent. Elles s'installent d'elles-mêmes à une table ronde qui leur est réservée depuis des années. Aujourd'hui, l'une d'elle manque à l'appel. Lizzie et sa curiosité débordante demandent où est passée Mme Peters.

- Elle est aux funérailles de sa sœur. La pauvre femme se battait depuis plusieurs mois avec un cancer. Nous avons prié pour elle, mais le seigneur en a décidé autrement.

Michelle soupire. J'observe silencieusement le visage des femmes en face de moi. Je perçois en chacune d'elles la peur qu'elles ressentent à l'idée que la même chose leur arrive. Un lourd poids se dépose sur ma poitrine. Je suis encore jeune, mais l'idée qu'un malheur m'enlève mon frère ou mes meilleurs amis me terrifie. Mon téléphone vibre dans ma poche. Je le sors et je vois un message de Paul.

On se voit après le boulot ? Envie d'un verre. Il y aura Logan et Peter.

Je répond rapidement

Ok pour moi. Vois avec Adam et Alie.

Avant de verrouiller mon portable, je jette un œil à mon fond d'écran. C'est une photo que nous avons prise lors d'une sortie historique avec le lycée. Je venais de sortir de l'hôpital.Pourtant, mon sourire est éclatant. Les longs cheveux bruns d'Alana volent au vent, et Adam pose fièrement son bras sur la tête de nôtre amie. Paul, fidèle à lui même, tire la langue à l'objectif. Je ne me souviens plus de la personne qui a pris la photo, mais elle a fait du bon boulot.