Fairy Tail - Mest Time

6. Lya

La peur me tord les boyaux, comprime mes poumons et me donne le vertige. Moi qui pensais en avoir fini avec ça, voilà que mon passé me revient en pleine figure. Makaroff me fixe de son regard impénétrable. Qu'attend-il de moi? Que puis-je lui répondre qui ne me mettrait pas en porte-à-faux? Devrais-je tout lui révéler? Donner les détails de ma sordide vie à ce mage que je connais pas? Non. Impossible. Mais ses questions sont précises, je ne peux me défiler sans avoir l'air suspecte. Je n'ai pas le choix.

Je ferme les yeux, me sentant flancher. Que faire? Le visage de Dranbalt s'impose à moi. Il est mon roc. Il l'a toujours été. C'est en partie grâce à lui que j'ai appris à faire de nouveau confiance. Lui et Klauss. Klauss que j'ai rencontré par hasard dans une rue lorsque nous avions cinq ans. Klauss avec qui je jouais en cachette. Mon ami secret qui ne savait rien de la guilde qui me logeais. Klauss qui m'a hébergé en secret dans la grange de ses parents durant un an, qui m'a nourrit, qui m'a aidé à surmonter mon bannissement sans en connaître les raisons. Il a simplement suffit que je lui dise que j'avais quitté ma guilde pour qu'il me prenne sous son aile. Il ne m'a jamais demandé de détails, se contentant de ce que j'acceptais de dévoiler. Klauss qui m'a présenté Dranbalt. Klauss qui m'a soutenu lorsque je pleurais toutes les larmes de mon corps. Mon meilleur ami. Klauss qui m'a bannis.

Je rouvre les yeux, déterminée. Je sais ce que j'ai à faire et même si cela me terrifie, je n'ai pas le choix. Je ne peux plus revenir en arrière, même si je le voulais. Klauss a été clair sur ce point. J'espère simplement ne pas me tromper. Si je raconte mon histoire à Makaroff, il y a un risque pour qu'il me jette de la guilde. Je ne saurai jamais ce qu'il est advenu de Dranbalt et alors je devrais...Non. Si je suis ici, c'est justement pour ne pas suivre ce chemin. D'un autre côté, il se peut aussi que je ne ressorte jamais d'ici vivante. C'est une guilde après tout. Qui sait ce que font les mages une fois réunis ici? L'étrange ambiance que j'ai pu constaté n'est peut-être qu'une façade pour attirer leurs victimes? Après tout, le maître, Wollen, semblait aussi être un gentil monsieur.

Ma marque me démange à ce souvenir, et j'en profite pour la dévoiler. La peau de mon cou ainsi mise à nue me donne envie de pleurer. Dévoiler cet instant que je ne pourrai jamais oublié est plus difficile que ce que je pensais. Humiliant. Dégradant. Honteux. Peut-être l'ai-je mérité après tout? Mon pouvoir...Même en grandissant, ne m'a jamais été d'une grande aide. Plus d'une fois, mon don a été mis à contribution pour lire le cœur des gens. Tout le monde voudrait savoir si l'amour qu'ils ressentent pour autrui est partagé. Et beaucoup sont prêts à payer pour le découvrir. Pourquoi me serai-je privé de cet argent facile? J'avais besoin de manger et eux d'être rassurés. C'était un simple échange de bon procédé simplement. Mais quelle guilde voudrait d'une mage aussi inutile?

Je retiens ma respiration tandis que les doigts fripés de Makaroff effleurent ce qu'il reste de ma marque. Le silence qui a suivi sa question n'a que trop duré, j'en ai conscience. Et même si il semble me laisser le temps de répondre, la patience de Makaroff n'est certainement pas illimité. Et qui sait ce qu'il pourrait me faire si je refuse de lui répondre? Un frisson d'horreur me parcourt et ma langue se délie.

-Je suis née, et j'ai vécue les dix premières années de ma vie dans une guilde noire. Darkness Time. Mes parents étaient des assassins. Ils sont morts en mission quand j'avais dix ans.

Je marque un temps d'arrêt, scrutant la réaction de Makaroff. A l'intérieur, je tremble de peur, mais je ne veux pas lui montrer ma faiblesse. Je plante mon regard plein de défi dans le sien. Je ne veux plus me laisser marcher sur les pieds. Jamais. J'attends la sentence, prête à faire demi-tour la tête haute. Mais il ne dit rien, se contentant d'un signe de tête, m'invitant à continuer. Je fronce les sourcils. Je n'aime pas ça. Essaye-t-il de trouver ma faiblesse pour pouvoir me détruire? Je devrais me taire. Ne pas en dire plus au risque de me retrouver sans défenses. Mais ne le suis-je pas déjà après tout? Si il souhaite m'attaquer, je ne pourrai rien faire pour répliquer. Comment le pourrai-je? En lui envoyant une vague de chagrin dans le coeur? Quelle attaque surpuissante! J'en rirai presque. Un sentiment n'a jamais tué personne. Alors je continue, lentement, sachant pertinemment qu'une fois mon récit terminé, ma vie le sera tout autant.

-Mes parents ne m'ont jamais expliqué en quoi consistait leur travail. Lors de leurs missions, ils me confiaient aux autres membres. Ces derniers étaient gentils avec moi. On jouait aux cartes, ils s'amusaient avec mon pouvoir. C'était ma famille...Du moins c'est ce que j'ai toujours voulu croire. Lorsque mes parents sont morts,Wollen, le maître de la guilde, a jugé mes capacités indigne d'eux. Il...

Je m'étouffe, incapable de continuer. Une boule se forme dans ma gorge et ma respiration s'accélère. Une main me tend un verre d'eau que je bois d'une traite. Mon œsophage se décontracte doucement, et même si mon coeur continue de malmener ma cage thoracique, je sens que je peux de nouveau parler.

-Il a effacé ma marque et m'a jeté hors de sa guilde, terminé-je sachant pertinemment que je ne répond pas à toutes ses questions.

-comment? Me demande Makaroff avant d'ajouter face à mon air incrédule, comment a-t-il effacé ta marque?

Son regard se pose avec insistance sur mon cou. Il sait. Il sait comment ma marque a disparu. Alors, pourquoi veut-il que je le dise? Pourquoi se montre-t-il si cruel? Parce que c'est un maître de guilde. Ils sont tous comme ça. Cruels. Sans pitié. Des larmes de rage me brûlent les yeux. Je les déteste. Je les déteste tous. Pourquoi suis-je venue ici? Pourquoi m'a-t-on fait croire que seuls les maîtres de guilde noire étaient mauvais? C'est faux. J'en ai la preuve sous les yeux. Fairy Tail, selon le conseil, serait devenue mauvaise, mais continuerait de se cacher derrière des faux semblants. Ils voulaient une preuve pour les démasquer. Et bien la voila. Peut-être que, si j'arrive à les avoir à leur propre jeu, Klauss me pardonnera?

-Je sais que cela doit-être difficile pour toi, soupire Makaroff en me sortant de mes pensées, mais j'ai besoin de savoir ce que tu as vécu pour savoir si je peux ou non t'accepter parmi nous. Après tout, je dois protéger mes enfants.

Ses enfants? M'accepter parmi eux? Qu'est-ce qu'il raconte? J'ouvre la bouche, médusée. Il a l'air sérieux, mais c'est peut-être encore une ruse. Et puis, en quoi connaître mon passé est-il important? Pourquoi devrais-je continuer cette discussion ridicule. Je connais la réponse avant même de la visualiser. La même que celle qui m'a fait venir ici. Alors, sous la pression de mes sentiments, je capitule, riant intérieurement de ma stupidité. Je suis pitoyable. Une empathe incapable de contrôler ses propres émotions. Pathétique. Alors je lui raconte tout. Ma vie à la guilde, ceux que je pensais être mes amis, la mort de mes parents, mon bannissement et la façon dont ma marque a été retirée. Même si il a déjà entendu les trois quarts de l'histoire, Makaroff ne m'interrompt pas. Il me laisse parler. Et plus je parle, plus mes barrières cèdent. Ma rencontre avec Dranbalt, notre histoire et sa disparition. La révélation de Klauss. Ma dispute avec mon ancien meilleur ami. Sa menace et mon voyage jusqu'ici. Un silence s'installe. Pesant.

-Mais quel imbécile! s'exclame Makaroff, me faisant sursauter.

Je le regarde, incrédule alors qu'il se lève et me contourne.

-Bon, il va falloir te trouver une chambre. Je vais voir avec Mirajane où on peut te mettre. Mest...Dranbalt, ne devrait pas tarder à rentrer. Il va m'entendre celui-là. Suis-moi Lya, et ne t'inquiètes de rien.

Je le suis, ne comprenant pas un traître mot de ce qu'il raconte. Il parle bien trop vite. Mest? Qui est-ce? Dranbalt est donc vraiment à Fairy tail. Mais pourquoi cela semble autant énervé Makaroff? Je suis assez perdue, et ces montagnes russes émotionnels me donnent le vertige. J'ai de plus en plus de mal à garder ma barrière. Déjà, certains sentiments passent à travers, m'atteignant de plein fouet. La joie. La colère. L'amour. Ce ne sont pas les miens. Je le sais. Je le sens. Ils viennent d'eux. De ces mages en bas. Ces personnes vers qui nous nous dirigeons. Ils bourdonnent, me donnant la nausée. Je ne vais jamais réussir à les repousser. Ils m'engloutissent comme un ras de marée. Je suffoque. Des flammes rouges dansent devant moi alors que j'arrive devant le bar. Elles passent au-dessus de ma tête et se dirige droit vers un jeune homme torse nu. Ce dernier lance de la glace qui me contourne, laissant une allée aussi lisse qu'une patinoire sur le sol. Ils se crient dessus et je ressens de l'excitation, de la frustration, de la jubilation. C'est trop. Beaucoup trop d'un seul coup.

Makaroff discute avec Mirajane. Elle me lance quelques regards, acquiesçant par moment. Sa silhouette devient floue. Je tends la main vers elle, mais déjà, elle disparaît. La guilde tangue devant moi. Non. C'est moi qui ne tient plus debout. Je sens mes jambes se dérober. Des cris. Une colère brute. Un bruit d'acier. Un frisson de peur. Des rires. Un fort sentiment de joie. Insensés. Le noir complet. Une dernière sensation. Physique. Je crois. Une douleur lancinante vibrant dans mon crâne. Le contact d'une surface froide. Des voix. Des cris. Le silence.