Partie 1

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Aurélien se réveilla en plein milieu de la nuit, haletant. Cela devenait une habitude nocturne depuis plusieurs semaines maintenant, depuis qu'elle était partie. Elle, celle pour qui il avait fait implicitement vœu de fidélité, elle pour qui il s'était rangé, elle, pour qui il avait quitté son appart' avec Gringe, elle pour qui il avait acheté une maison, fait des projets de mariage et d'enfants, elle pour qui il avait changé et elle s'était bien foutu de lui.
La place de lui dans le lit à côté était vide, et son empreinte s'effaçait au fil des jours comme son odeur et ses souvenirs.C'était insidieux mais foudroyant, comme le vide qu'Aurélien ressentait tout au fond de son être. Il se sentait creux, chétif, rincé, pitoyable, sale, mauvais.    Alors cette nuit, quand Aurélien se réveilla dans ses draps froids de l'absence de sa belle partie pour un autre, il voulu en finir. Oh non, il ne voulait pas partir totalement, il n'en avait pas le courage. Il voulu en finir avec cette perpétuelle tristesse qui le faisait tourner en rond depuis des jours, des semaines, des mois mais qui lui semblaient être des siècles, à lui avec son cœur en morceaux et rien pour le recoller. Et il savait parfaitement quel était le remède à son vague à l'âme aussi dévastateur qu'un ouragan.

                        * * *
Le lendemain matin, 14h05.
- Aurél ? Aurél, mon pote c'est moi, j'entre c'est ouvert !

    Guillaume pénétra dans la maison qu'Aurélien ne fermait presque jamais et ne tarda pas à découvrir le salon ainsi que son meilleur ami dans un sale état. Dans un cendrier posé sur la table basse étaient écrasés des dizaines des clopes et quelques joints. Il était si rempli que les mégots débordaient et de la cendre s'était répandue un peu partout. Parterre, un verre -vide, bien sûr- et plusieurs bouteilles de spiritueux vieux de dizaines d'années. Gringe en attrapa une et y jeta un œil avant de s'attarder à son ami qui dormait sur le sol, la joue écrasée contre la moquette du tapis. Son ami la reposa à sa place et eut un sourire triste. Ça faisait trois fois, ce mois-ci qu'il le retrouvait comme ça.


- Allé mon pote, on se lève....
- Mmmm...
- Laisse moi....
- Aurél, déconne pas ça peut plus durer là. Aide moi un peu à te relever là...
- Vas te faire foutre... 


    Gringe le fit asseoir sur le canapé avec une aisance déconcertante. Depuis qu'elle était partie, Aurélien ne mangeait presque plus. Plus rien ne passait, du plat préparé par mamie au des sandwich triangle au thon, rien de rien. Il restait cloîtré chez lui, chez eux, et le seul effort qu'il faisait était de nourrir Musashi et laisser aller et venir à sa guise dans le jardin ou la maison. Il devait manger un morceau ou deux dans la journée, histoire de pas se laisser totalement dépérir et contredire Gringe quand celui-ci lui soutenait que ça n'allait pas mais sans plus.    La tête d'Aurélien reposait contre le canapé et ses yeux peinaient à s'ouvrir. Son tee-shirt était tâché d'alcool et de cendre et sa barbe commençait à devenir hirsute. Guillaume s'installa à côté de lui. Aurélien tourna la tête vers son ami qui, d'un ton grave, déclara :



- Aurélien, ça peut plus continuer comme ça, là. Je sais que t'es malheureux, et je..
- Nan, tu sais pas.
- Aurél, si, je sais. Et quand même je saurais pas, je peux pas te laisser te détruire comme ça. Tu fais que boire et te défoncer presque tous les soirs, un jour je vais venir chez toi et c'est pas en plein décuvage que je vais te trouver mon pote mais raide mort parce que t'auras fait un bad trip ou un truc de merde dans le genre, un truc bien chaud !
- J'm'en fou...
- Peut être mais moi j'm'en fou pas, tes parents s'en foutent pas, ton frère et ta sœur s'en foutent pas alors tu vas venir chez moi.
- Gringe...
- Tu discutes pas, j'en ai rien à foutre de ce que tu vas me dire mon pote, tu viens chez moi et tu partiras pas tant que t'auras pas retrouvé une dégaine potable.


Quelques heures plus tard, Aurélien s'était retrouvé chez Gringe, contraint et forcé. Son ami l'avait forcé à prendre une douche et à se raser pour ne plus avoir l'air d'un sdf. Il continuait de végéter sur un canapé mais au moins il ne ressemblait plus à rien. Guillaume s'était débarrassé de toutes les bouteilles qu'il avait chez lui. Il lui autorisait une clope ou deux par jour mais pas plus. Et surtout, il le forçait à manger. Il était hors de question qu'il laisse son ami sombrer dans quoi que ce soit. Aurélien avait toujours été là pour lui dans les pires moments et il se devait de l'aider du mieux qu'il pouvait quand lui était au plus bas.

Rencontre (Orelsan / Eddy de Pretto)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant