Partie 17

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Le ciel vide, le cœur las de trop de chagrin et le téléphone posé sur la table de chevet qui ne vibre pas. Aurélien est dans son lit qu'il a à peine quitté depuis des jours et déjà il se sent replonger dans les cercles de l'enfer qu'il pensait avoir quitté quelques mois plus tôt.
Et il n'est de pire torture que la morsure de la culpabilité qui vous dévore et vous gangrène jusqu'à ne laisser qu'un bout d'âme nécrosée pour seul reste.

S'il se laisse en vie c'est pour épargner à sa famille et à ses amis le chagrin intarissable qu'est de perdre quelqu'un que l'on aime. Pourtant, Aurélien ne s'aime plus. Il se déteste, il se hait, s'il avait ne serait-ce qu'une once de volonté, il se lèverait pour aller se taillader les veines à coup de rasoir. Mais non, il est trop lâche pour ça, se dit-il. Il n'a pas le courage de quitter cette terre, il n'a même pas le courage d'envoyer un message aux jeune homme qu'il aime tant.

Il vit, ou survit plutôt. Il traverse le temps comme un fantôme qui a perdu son âme par trop de méfaits dans sa vie de mortel. Son cœur n'a plus de musique, d'ailleurs il est complètement brisé, en mille morceaux.

C'était le quotidien d'Aurélien depuis qu'il avait échoué chez sa sœur il y a une semaine. Il ne pensait qu'à une chose : Eddy et comment il avait tout fait foiré. Comment il l'avait fait souffrir alors qu'ils n'étaient même pas encore ensemble. Comment, en l'espace de quelques heures, le bonheur qu'il vivait s'était transformé en marre boueuse dans lesquelles les roues s'enlisent.

Misère, tristesse, alcool et weed. Il avait de l'argent, beaucoup d'argent, il pouvait se le permettre.


Sa sœur, Tiphaine s'inquiétait beaucoup. Il ne voulait pas manger, il ne voulait pas sortir, il ne voulait pas parler, il ne voulait rien faire. Rien. Il lui avait interdit de faire venir leurs parents et même leur grand-mère. Non. Rien n'allait plus pour Aurélien alors il fallait faire quelque chose. Et l'expert en comportement Aurelienesque c'était Gringe.

Alors elle l'appela. Ils passèrent plusieurs heures au téléphone, essayant de comprendre comment sortir Aurélien de cette spirale insidieuse dans laquelle il s'était embourbé. Et la solution était simple : Faire réconcilier les deux handicapés du love, Eddy et Aurélien.

*

Eddy de son côté ne vivait pas très bien tout ça. Son cœur à lui été tiraillé entre la colère et l'amour fou qu'il éprouvait pour l'illustrateur et ni l'un ni l'autre ne semblait s'atténuer au fil des jours. Plusieurs fois, il avait eu envie de l'appeler, de l'engueuler, de lui dire à quel point il avait été déçu et puis une fois la fiche contact de " Aurélien 👨‍🎨❤️ ", il reposait le téléphone.

Quelques rares fois, il avait réussi à se convaincre que finalement, ils n'étaient pas en couple et qu'Aurélien faisait ce qu'il voulait et que c'était peut-être une erreur, que peut-être il était tellement bourré qu'il s'était pas rendu compte et que peut-être il regrettait. Mais tout ça n'était que des peut-être, des hypothèses sans doute foireuses qu'on se répète pour se rassurer car on à trop peur d'aller vérifier. Et s'il l'appelait et qu'il voyait que tout allait bien ? Qu'il s'en foutait de lui et que non, il avait vraiment kiffer se faire démonter dans les chiottes d'un bar complètement ivre mort, qu'il regrettait absolument pas de pas avoir fait sa première fois avec l'homme qu'il aimait plus que tout ?

Non, non, non. Eddy ne voulait pas prendre le risque. C'était déjà assez douloureux comme ça, pas besoin d'en remettre une couche. Et en plus, ses partiels arrivaient à grands pas et c'était pas le moment de se concentrer sur autre chose que ça. Il avait obtenu d'excellentes notes pour sa chanson et il était hors de question qu'il gâche toutes ces années de travail pour une histoire de cœur.

Ah... Mais quelle histoire, aussi.


Alors qu'il était en tailleurs sur son lit, en train de tergiverser si oui ou non il appelait Aurélien, Guillaume toqua à sa porte et rentra doucement. Eddy releva la tête et un sourire triste se lu sur ses petites lèvres charnues qu'Aurélien aime tant.

- Ca va Eddy ?

- Ouais, mais là t'as la tête de j'aiuntrucatedireetçarisquedepasteplaire.


- Ah ah, touché cousin. On peut parler ?

- J'ai pas le choix ?

- Pas vraiment...

Eddy lui sourit et tapota la place sur le lit à côté de lui et Guillaume vint le rejoindre. Ce dernier glissa une main dans sa barbe, cherchant quelle tournure de phrase il allait bien pouvoir utiliser afin de ne pas brusquer le chat farouche que pouvait être Eddy quelques fois. Le brun s'éclairci le voix.

- Eddy... J'ai eu la sœur d'Orel au téléphone, tout à l'heure.

Comment il va ? Est-ce qu'il pense à moi ? Est-ce qu'il m'aime encore ?

- D'accord...

- Il va vraiment pas bien. Il est malheureux depuis qu'il est parti à Caen, tu sais.

- Je l'ai pas obligé à partir, Guillaume...

Eddy triturait les manches de son pull tout en fixant ces dernières, il essayait de se contenir pour ne pas pleurer, pour ne pas montrer qu'il était triste de savoir son Aurélien malheureux comme les pierres. La boule qui s'était logée dans sa gorge n'était pas prête de partir.

- Je sais, cousin, je sais... Mais il est parti car il à bien vu qu'il t'avait fait de la peine. Il est parti pour te laisser de l'espace, pour te laisser respirer. Sauf que... il se comporte de la même manière que quand sa meuf l'a quitté y a quelques mois... Je sais que tu l'as pas vu plonger mais tu te souviens à quel point il était mal et c'est surtout grâce à toi qu'il s'en est tiré... Eddy t'as été super avec lui, il est tombé amoureux de toi et il à repris goût à la vie.


- T'es en train de me dire que c'est à cause de moi qu'il est dans cet état de nouveau alors ?

- Mais non... Je veux dire qu'il pense t'avoir perdu... Parce qu'il t'a fait du mal. Et que tu lui as fait du mal aussi, Eddy.

- Je sais... Je sais et je regrette les mots que j'ai utilisé.

- Tu lui as dit, ça ?

- Non... Je lui ai pas parlé. Guillaume.... Il veut qu'on se mette en couple mais je suis pas prêt... Je voudrais juste qu'on reste comme c'était avant, pour l'instant... Regarde, on est même pas encore ensemble que je lui fait du mal...

- Il pense sûrement la même chose...

- J'ai tellement envie d'être près de lui, si tu savais... Ca me brise le coeur de savoir qu'il est malheureux... et de pas pouvoir le réconforter... Je sais pas quoi faire...

- Va le voir.

- J'aimerais, genre vraiment beaucoup. Mais sa sœur va me tuer.

- Sa sœur va vous tuer tous les deux si vous réglez pas vos affaires !

Eddy rit doucement, suivit par Gringe. Ils échangèrent un regard complice, celui de deux cousins qui sont comme des frères.

- Vas-y prépare ton sac, je te réserve un billet.

- Quoi, genre ce soir ?

- Tu veux attendre plus longtemps ?

- J'vais pas forcément lui sauter au cou... Je suis toujours en colère...

- Dites vous ce que vous avez à vous dire, après vous aviserez. Mais c'est pas sain comme situation.

Eddy acquiesça et c'est comme ça qu'une heure et demi plus tard, il se trouvait dans le train à destination de Caen.

Rencontre (Orelsan / Eddy de Pretto)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant