Emma, 6 ans, boudait devant l'infirmerie. Norman était encore malade et Mama avait même interdit les gobelets-téléphones. Le pauvre garçon avait besoin de beaucoup de repos. Du coup, Emma se retrouvait toute seule, s'ennuyant à mourir. Avec qui pourrait-elle jouer ?
Elle n'avait pas envie de jouer au loup et c'est ce à quoi s'amusaient les autres.
Elle aurait bien voulu jouer avec Ray mais il était introuvable, sûrement parti lire quelque part dans la forêt. De toute façon, il ne voulait jamais jouer malgré les supplications de la rouquine.
Emma se mit à ronchonner. Mama, qui voulait aller voir Norman, lui demanda d'aller jouer ailleurs. Si la rouquine avait pris le temps de lever la tête pour voire le visage d'Isabella avant de partir, elle aurait pu voir que ses yeux étaient un peu rouge.
La petite fille marchait dans le couloir quand elle entendit un bruit venant du dortoir. Ca ressemblait à des sanglots. Curieuse, Emma entrouvrit doucement la porte. Ray était couché dans son lit, étouffant ses pleures dans son oreiller. La petite rouquine entra discrètement dans la pièce et avança silencieusement vers son ami.
Avec toute la douceur dont elle était capable, Emma posa sa main sur l'épaule du petit brun. A ce contact, Ray tourna la tête vers Emma et se dégagea vivement pour s'asseoir tout en séchant rapidement ses larmes pour reprendre contenance.
Emma ne disait rien, chose rare, elle n'arrivait pas à lâcher son ami des yeux. C'est comme si elle voyait ce visage pour la première fois. Son masque de froideur et de sarcasme avait disparu pour laisser place au visage vulnérable d'un garçon au coeur tendre.
Presque inconsciemment, Emma tendit sa main vers le visage de Ray et mit la longue mèche, cachant la moitié de son visage, derrière son oreille. Surpris par ce geste, le petit garçon n'osa pas bouger. Il ne comprenait plus Emma, pas qu'il est déjà compris la jeune rouquine mais là, il était complètement perdu.
La main de la fillette était toujours sur l'oreille de son ami. Aucun des deux amis n'osaient bouger, de peur de brusquer l'autre et de briser l'agréable atmosphère qui émanait autour d'eux. Le plus doucement possible, sans bouger sa main, Emma s'assit en face de Ray, suffisamment prêt pour que leurs jambes se touchent.
Les deux amis sentirent alors un mur. C'était étrange. Ils n'avaient que 6 ans, l'âge où on commence à comprendre le concept de l'amour, se plaire réciproquement. L'âge où c'est pour les grands. C'était terrifiant, il fallait au plus vite redevenir enfants !
Emma attrapa la couverture en dessous d'eux et la mis au dessus de leurs têtes. La fillette sourit et son ami finit par le lui rendre, ses larmes ayant enfin séché.
« On fait la cabane ! Dit Emma. »
Ray hocha vivement la tête, prêt à se prendre au jeu. Décidément, il était étonnant aujourd'hui, avec ses yeux pétillant d'amusement alors que, d'habitude, il ne voulait jamais joué. Le brun se racla la gorge comme pour prévenir qu'il lançait le jeu.
« Bonjour, mademoiselle ! C'est très joli chez vous ! »
Il disait ses mots avec un sourire jusqu'aux oreilles. Emma pouffa de rire puis eu une idée.
« C'est pas chez moi ! C'est chez l'ours !!! répondit-elle avec amusement.
- Ho ! Fit Ray en portant ses mains à sa bouche.
- Shhht !!! firent les deux petits en chœur, mettant un doigt devant leurs bouches. »
Ray et Emma explosèrent de rire. La rouquine commença à faire des chatouilles à son camarade de jeu qui essayait tant bien que mal de s'échapper.
« Si t'arrête pas, je vais appeler l'ours ! Dit Ray sans pouvoir s'arrêter de rire. »
Riant avec lui, Emma arrêta alors de le chatouiller. Le petit brun fit alors subir la même chose à son amie, a chatouillant en ignorant ses plaintes coupées par des rires.
« Ray ! Arrête ! J'ai mal au ventre ! J'ai trop rigoler !!!! »
Il continua avec un petit sourire mesquin.
« Ray ! Je vais appeler l'ours ! »
C'était comme une formule magique. Le petit garçon s'arrêta instantanément. Les deux continuèrent à se chamailler durant de longues heures. Ils avaient désormais un jeu, pour quand Norman était malade. Cet ours était bien pratique.
***
Ray pouvait presque voir se souvenir défiler dans les yeux émeraude d'Emma. Il avait sa main sur celle de son amie. La main en question, celle de la rousse, était sur la joue du brun. Une situation si semblable à celle qu'ils avaient connus, 6 ans plus tôt. La dernière fois, c'était dans le dortoir de Grace Field, aujourd'hui, c'était dans une petite chambre de B06-32. Comme la dernière fois, Ray s'était isolé pour pleurer, comme la dernière fois, Emma l'avait trouvé.
« Tu ne m'as jamais dit la raison de tes larmes, ce jour là... Dit Emma d'une voix douce. »
Ray tressaillit. Pouvait-il lui raconter ? Pouvait-il lui dire qu'Isabella était sa mère ? Qu'il avait vécu toute sa vie avec l'idée que sa mère le mènerait un jour ou l'autre à la mort ? Etait-il capable de prononcer des mots si terrible ?
Emma pu voir une souffrance apparaître dans les yeux de son meilleur ami. La rousse regretta instantanément les mots qu'elle avait prononcé. Peut être ne pouvait-il pas en parler ? Même 6 ans plus tard ?
Ray ne dit rien. Il posa simplement son front contre celui d'Emma. Ils gardaient, tous les deux, les yeux ouverts. Ils sentaient tous les deux le souffle de l'autre sur leurs visages. Leurs chaleurs se mélangeaient. Les deux adolescents sentirent un désir familier, et compréhensible, désormais, se glisser doucement dans leurs ventres. Aucun des deux ne pouvaient lâcher les lèvres de l'autre du regard. C'était merveilleux et terrifiant à la fois.
Ils le sentirent alors : le mur. Cette frontière si fragile entre amitié et amour qu'il y avait toujours eu entre eux deux. Des sentiments d'adultes.
« Emma ? Dit alors Ray.
- Oui ? Sourit-elle en voyant qu'il faisait de même.
- Je vais appeler l'ours ! »
Ils redevinrent des gamins.