Chapitre 5

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« WICKED est bon. »

L'eau qui dégringolait de la paume de douche le lui chuchotait depuis vingt bonnes minutes. Le garçon avait quitté la salle à bout d'un souffle qui n'était plus le sien. Il avait dès lors rejoint sa chambre sans le moindre mot. C'était à peine s'il avait vu Zart et les deux nouveaux arrivants se braquer à son entrée puis replonger doucement dans leur somnolence.

Il mit du temps à se sentir enfin propre. Après avoir longuement savonné ses tourments, il se sentit mieux. Ses douleurs avaient coulé avec les eaux. La teinte rouge de ses poignets restait là malgré tout, à ressasser pour deux.

Quatre plateaux repas sur le sol réchauffaient la pièce souffrante. Du riz et des œufs. A la vue de ceux-ci, le garçon eu un haut-le-cœur. Rien ici ne lui donnait vraiment envie. Mais les gazouillements criards de son estomac l'obligèrent à se servir malgré tout.

Chaque plateau portait son étiquette ; Zart, Jack, Aiden, Thomas.

Thomas.

Il saisit le sien et s'installa sur son lit, à l'abri de l'espace de sa propre chambre. « Thomas ». En malaxant le mince rectangle en papier, le garçon se reconnaissait. Puisqu'on lui disait de suivre, il suivrait, il serait Thomas. De cette façon il avait compris qu'il éviterait les balles du mauvais chemin.

« Ne pense plus » marmonna-t-il en plantant mollement sa fourchette dans le jaune de son œuf. « Et tout ira bien.»

*

La semaine qui suivit passa, et celles qui l'accompagnaient aussi. Toutes se ressemblaient, toutes sans l'écho de quelconques cours à venir.

En ces jours Thomas naquit.

Il avait perdu gout à la curiosité auquel il excellait auparavant, et son opinion se résumait depuis à celle des autres. Il éduqua ses traits à porter une façade simple. Peut-être devint-il plus bavard, car les gens le remarquaient maintenant, cet adolescent tardif qui suivait les masses. Mais à peine posait-on les yeux sur lui qu'un autre venait, identique.

Les quatre garçons qui se partageaient la petite pièce y passèrent la majorité de leur temps. Ils ne sortaient que pour manger à la cantine commune, quelques étages plus bas. Leurs angoisses passées, ils avaient fini par faire connaissance. Dans bien des discussions qu'ils avaient tenues et partagées, ils avaient retrouvé en eux les minces plaisirs de l'enfance. Mais leur ayant été arrachée, ils n'en parlaient jamais et préféraient tergiverser de tout ce qui pouvait leur en éloigner.

Au plus grand embarras de Thomas, Zart n'avait rien de l'étrange garçon qu'il avait imaginé. Bien que très calme, Zart était doté d'une clairvoyance qu'il partageait volontiers avec ses camarades. Aiden et Jack, eux, se virent attribuer le statut de « pitres de chambre ». Se connaissant tout deux bien avant leur arrivée dans WICKED, ils avaient eu le temps de conformer leurs mouvements dans leur entrainements intensifs. Par chance, ils n'avaient pas été séparés lors de la conception des groupes.

Les journées semblaient allonger les semaines jusqu'à l'ennui. Des masses de vêtements s'étalaient au sol, évocatrices des mauvaises habitudes prises par les adolescents désordonnés dans ce nouveau milieu. Si l'un d'eux avait subitement ressentit l'envie d'harmoniser cette chambre, surement se serait-elle vaporisée aussi vite que venue, tant le chaos avait gagné même les recoins de l'évier où s'accumulaient les cadavres de dentifrice (dans le cas présent, la fainéantise et l'égo étaient les principaux fautifs).

Les quatre garçons comme leurs voisins d'étage s'embêtèrent du profit qu'était l'absence de cours et un mois passa dans une attente interminable. Encore ne pensaient-ils pas les reprendre jusqu'à s'en retrouver informer, lors du trente-quatrième jour dans la même pièce et ses environs (principalement ses couloirs).

Terre, sous la flamme de trois bougiesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant