Chapitre 23

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 C'était comme si un torrent déferlait, lâché du haut d'un sommet, d'un barrage, que l'on ne voyait ni n'entendait, qui s'effondrait. Ou alors avait-on volontairement ouvert les vannes pour laisser le flot s'écouler ?

C'était une vague se jetant en avant comme un bras blanc et qui, s'échappant de la paroi, retombait plus bas pour s'engouffrer en une mer grandissante. Une marée en pleine escalade. Propulsée dans un bruit de turbine, puis retombant, étouffée par ses propres eau, clapotant en remontant encore et toujours. Elle glissait la mer; sur la côte qui n'était pas formée de roche mais d'une fiole translucide elle s'étalait dans la limite du cylindre.

Combien de temps encore fallait-il attendre pour que l'autre se noie ?

La main du baigneur appuyée avec la paroi de verre qui l'empêchait d'attraper l'air de l'autre côté. Elle devra se contenter des remous des chutes cette main plissée. L'eau atteignait un mètre et demi. Mais le cylindre était trop étroit, et comme la cascade s'éjectait encore rageusement des tuyau du plafond la mare gonfla encore. Elle entourait l'autre comme une couverture bien chaude.

Un mètre soixante. Les pieds du baigneur se résignèrent à se décoller du sol pour garder la tête hors de l'eau.

Un mètre soixante-dix-huit . Ses grandes brasses le maintinrent droit, ses pieds battaient un peu pour le garder élevé. Parfois il tentait des petits coups contre la vitre mais il l'effleurait seulement.

Un mètre quatre-vingt-trois. La tête avait trouvé refuge sous la cascade d'eau blanche qui dégringolait sur ses cheveux en boucles comme une couronne nacrée. Elle lui faisait gazouiller des mots.

Un mètre quatre-vingt-quinze. Le baigneur buvait des bulles goulûment. Ses lèvres bleues s'ouvraient à la saveur des mers. Elles murmuraient en se mélangeant aux clapotis.

Deux mètres deux. Le torrent se vida de ses dernières vomissures gelées. Le yeux rongés par l'eau le garçon a tenté de soulever le haut du cylindre comme un couvercle.

Deux mètres vingt. La mer a atteint le haut du couvercle elle aussi. Elle était partout à pousser avec lui.

Les bulles s'apaisèrent en roulant dans les dernier courant. La mer fut si calme qu'elle devint stagnante. Et rapidement...

...Le baigneur s'était enfin tu.

Le corps qui flotte, les boucles châtains qui dansent et qui nagent, les voix qui appellent à vider la cuve et la cuve qui se vide. Et l'eau descend du tube en verre et le baigneur endormi s'affaisse au sol fasse aux scientifiques.

Enfin la cage en verre s'ouvre. Comme il y était entré avec pour seul mot aux lèvres, le prénom de son ancien ami,celui qui le regardait sombrer en blouse blanche de l'autre côté du verre, le garçon ressortait muet. Il ne le dira plus. Il n'appellera plus jamais « Adam » ce Thomas qui l'avait trahi . Et demain il aura tout oublié de lui. Et du reste.

C'était comme pour ses yeux qui n'auront plus rien de suppliant et de creux. Quand il les rouvrira il sera neuf de tout, ignorant que c'est pour la première fois qu'il découvre l'herbe et l'étang. Le lierre grimpant le long des murs ne sonnera plus l'écho de ces mêmes plantes mortes qu'il avait connu déjà. Il adoucira sur l'herbe la plante de ses pieds autrefois asséchée par la terre brûlée et les prises de sang qui lui ont tout pompé.

Thomas rêvait en laissant passer devant lui le brancard de l'évanoui. Le béta allongé, conduit par des hommes gantés, rejoignait les salles d'opération, les mêmes que Thomas avait habité, quelques heures, il y a des mois de cela. Bientôt il l'aurait aussi la petite puce plantée dans son crâne, ce petit drapeau.

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⏰ Dernière mise à jour : Nov 23, 2020 ⏰

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