Chapitre 18

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Ici tout était calme. Les hommes étaient tous blancs, il n'était plus question du gris de la peau du dortoir. Tout était fraichement lavé, tout sentait la nouvelle javelle. Mais c'était un blanc médical qui arpentait les murs, pas lumineux.

Teresa avait la jambe bandée. Elle faisait tâche, elle était sale. Aris la soutenait parce qu'elle marchait trop mal sur le sol glissant et propre. Il était tout tuméfié du bas du visage.

Rachel s'était coupée les cheveux très courts pour marquer le coup.

Paige était venu les chercher. Il s'était excusé. Comme sa tête était pliée vers les dalles on n'a jamais su s'il pleurait. On n'a jamais vraiment su s'il s'en voulait. Il s'est excusé devant quatre enfants, il n'a rien dit aux morts.

Haley est venue pleurer dans les bras de Thomas. Elle était en pyjama. Elle devait sortir du lit.

Puis le professeur Ellis les avait emmené pour l'examen. Il paraissait plus mince que d'habitude, plus droit peut-être aussi. Il n'avait même pas remarqué la tristesse de Rachel, il ne la remarquera plus à présent que la nuit était passée.

Thomas était resté jusqu'au matin sur le lit d'hôpital à se demander pourquoi il y dormait. Il n'avait pas de plaies, pas d'angoisse, plus d'espoir. Ils étaient quatre pour des milliards de brancards vides. Quatre dans le silence pour des centaines devant l'horreur.

Il avait senti la lune qui toute la nuit regardait. Il avait cru ne pas dormir.

*

Après les hommes qui devenaient fous, les machines prenaient vie.

Il faisait jour. Thomas avait retrouvé un peu sa voix et ses esprits. Le petit déjeuner qu'il avait pris lui collait au ventre à s'en courber l'échine puisque le rose de la confiture gesticulait encore quelque part dans le noir qu'il brouillait. Et il poussait Thomas à la nausée. Il lui fallait une bouffée d'air pour la faire couler avec ses pensées.

-Un café ?

-Merci.

Sur la place ils n'étaient que deux. Lui il marchait, sautillait, se penchait sur ce qu'il croyait être une sauterelle ; elle avait chanté, c'était un grillon.

-Ça ne va pas fort.

-Non. Vraiment ça ne va pas. J'ai cru que c'était une sauterelle.

Diana sortit une cigarette. Elle avait repris depuis l'incident. Parce qu'elle avait conseillé des portes merdiques pour le dortoir des gosses et que ces portes n'avaient pas tenu.

-Tu fumes ?

-Non, dit Thomas. – Thomas ne fumait pas.

-Eh Thomas, tu es sûr que tu n'en veux pas une ?

-Oui.

-Eh Thomas, je suis désolée.

-Je sais. Tout le monde l'est. Moi aussi je le suis.

-Ca n'est pas ta faute gamin.

-La tienne non plus.

Diana avait engloutit son café. Sa main passa sur les cheveux de Thomas, là où ils étaient assez long pour paraître libres.

-Eh Thomas, bois le tient aussi. Ça fait du bien tu vas voir.

Thomas a bu son café d'une traite lui aussi. Diana a regardé le soleil, sa montre, et le soleil encore. Il allait faire chaud aujourd'hui, comme tous les autres jours.

-Eh Thomas, il va falloir rentrer maintenant. C'est l'heure.

-Oui Diana, mais ne pleure plus.

Terre, sous la flamme de trois bougiesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant